Agression des élus : "Aujourd'hui, c'est devenu un phénomène de société"

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  • Magali Bessaou plaide pour un engagement des citoyens.
    Magali Bessaou plaide pour un engagement des citoyens. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour

Après la démission du maire de Saint-Brevin, en Loire-Atlantique, victime d’un incendie criminel, qui a ému la classe politique jusqu’au sommet de l’État, bien des élus constatent cette montée de la violence avec une parole qui se libère.

Les outrages verbaux, menaces et violences physiques à l’encontre des maires, adjoints et conseillers municipaux ont progressé de 15 % en 2022, selon une évaluation de l’Association des maires de France (AMF).

La vie d'édile est passionnate mais pas un long fleuve tranquille

Dans l’Aveyron, fort heureusement, les violences envers les élus de la République n’ont jamais atteint les extrêmes qui ont fait récemment la Une de l’actualité, elles n’en sont pour autant pas moins inexistantes.
À La Loubière, Magali Bessaou, est élue depuis 2001.

Après avoir été respectivement conseillère municipale puis adjointe, elle a revêtu l’écharpe tricolore de maire depuis 2014. "Mon prédécesseur aux côtés de qui j’étais engagée depuis le départ n’a pas souhaité se représenter". Pour autant, la vie d’édile si elle est passionnante et engageante, n’en est pour autant pas moins un fleuve tranquille. Même en milieu rural.

"Il y a un ras-le-bol, un mal-être des citoyens"

Conflits de voisinages, histoires de stationnement, etc., les maires sont souvent pris à partie dans les problèmes locaux, car ils sont les plus proches représentants de l’autorité. S’ils ne sont pas les seuls élus victimes d’agressions, ils sont tout de même les plus concernés.
Un fait étonnant quand on sait que le maire est l’élu qui jouit de la plus grande popularité auprès des Français.

"La fonction en elle-même, n’a pas particulièrement mal évolué. J’ai la chance d’être sur une commune plutôt préservée avec une population calme, posée, confirme Magali Bessaou. Le rôle d’un maire je le compare à celui d’un président d’association. C’est la même forme de bénévolat qui s’est complexifiée sur un plan administratif et juridique", résume-t-elle. "Avant, il y avait un respect du maire. Aujourd’hui, on l’engueule quand quelque chose ne va pas, on l’insulte parfois ou on avance l’argument "il n’est pas plus qu’un autre"."

L’AMF émet d’ailleurs deux explications possibles : la "libération de la parole des maires" et/ou "les crispations de la société traversant des crises multiples". Magali Bessaou penche, elle, pour cette deuxième hypothèse.  "On focalise sur les élus mais, au-delà, c’est pour moi devenu un phénomène de société. Les commerçants, les enseignants, les policiers, les pompiers, les journalistes en sont aussi victimes. Il y a un ras-le-bol, un mal-être, un petit manque d’éducation peut-être. D’ailleurs, ce ne sont pas forcément les plus jeunes qui sont agressifs. Se faire agresser parce que le devant de porte n’a pas été bien nettoyé ou parce qu’on dit à un administré que ce qu’il est en train de faire, ce n’est pas bien, cela commence à peser".

Un sujet qui pèse de plus en plus sur les équipes municipales. Et qui s’invite désormais systématiquement autour de la table. Magali Bessaou a été touchée à titre personnel. Une affaire banale d’urbanisme qui a tourné au vinaigre. Le fond du problème : une construction non autorisée. Nous sommes en 2017 après une première visite au domicile de l’administré pour lui expliquer qu’il n’était pas en conformité et l’inviter à stopper son chantier.

"C’était surtout, au préalable, pour le prévenir que même s’il décidait de poser un permis de construire, la demande n’aboutirait pas parce que l’endroit retenu était interdit. Je lui ai donc demandé d’enlever sa construction mais tout en lui laissant le temps nécessaire pour le faire".

Pour la première magistrate, l’affaire est réglée. Mais visiblement pas pour les trois personnes concernées. « Quelques jours plus tard, la personne me recontacte pour me demander un rendez-vous. Ils se sont présentés avec leur maçon. Mon premier adjoint et la secrétaire générale s’occupant de tout l’administratif et de la gestion des permis de construire, étaient également présents".

"J’ai senti, à un moment, que j’avais besoin d’être protégée"

L’un des propriétaires ne veut rien entendre. Soudain, il s’est levé et emporté. "Il m’a dit "je vous emmerde", "le mur, je ne le démonterai pas" et "puis, je sais très bien où vous habitez, je connais vos enfants, cela ne va pas se passer comme ça”. J’ai eu peur. C’était un nouvel habitant. Je ne le connaissais pas très bien. J’avais le sentiment qu’il avait préparé un dossier". Magali Bessaou et ses deux collaborateurs coupent court au rendez-vous, se réfugient dans son bureau et appellent les gendarmes. L’affaire n’ira pas plus loin.

Mais cet épisode n’a pas été sans conséquence pour l’élue. "J’avais déjà une alarme à la maison. Depuis, j’ai fait installer des caméras. J’ai senti, à un moment, que j’avais besoin d’être protégée".

Dans un livre, Pierre-Emmanuel Bégny, un ex-jeune maire d’une petite commune de Seine-et-Marne, qui, en 2020, ne s’est pas représenté, a expliqué que "devenir maire, c’est recevoir un parachute sans son mode d’emploi". Une analyse partagée par Jean-Marc Calvet, président de l’AFM en Aveyron. "Pour être maire, il faut une période d’apprentissage. Elle s’acquiert en étant conseiller municipal, adjoint".

"On se fait élire. Les citoyens nous donnent les clés de la commune. C’est une période compliquée pour les gens mais il faut leur dire : "Engagez-vous !", conclut Magali Bessaou.

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