Biographie d'Elisabeth Borne : "J’aurais pu faire un livre sensationnaliste"

Abonnés
  • Élisabeth Borne a assigné les éditions de L’Archipel devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Elle demande le retrait de certains passages de sa biographie écrite par Bérengère Bonte.
    Élisabeth Borne a assigné les éditions de L’Archipel devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Elle demande le retrait de certains passages de sa biographie écrite par Bérengère Bonte. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le
Propos recueillis par Vincent Coste

Bérengère Bonte, journaliste, auteure et réalisatrice a écrit une biographie de la Première ministre. Qui veut en expurger certains passages en cas de réédition.

Élisabeth Borne a assigné les éditions de L’Archipel devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Elle demande le retrait des passages de sa biographie relatifs à sa santé, son orientation sexuelle, et sa vie familiale dans toute nouvelle édition ou réimpression de l’ouvrage. Audience ce mercredi 24 mai.

Comment avez-vous réagi face à cette assignation ?

Avec surprise. C’est une enquête d’un an, c’est 80 entretiens, dont deux longs avec elle. Elle m’a ouvert les portes, de sa sœur, de ses amies, m’a donné les contacts. Et ce sont les plus intimes, qui n’auraient pas parlé sans son aval, qui viennent sur les sujets qui lui posent problème.

Ces sujets ne représentent pas tout le livre, et c’est soit elle qui les a mis sur la table, soit ses proches. Et parfois en allant bien au-delà de ce que j’ai écrit. Ils nous reprochent de faire du sensationnalisme ? Franchement, avec tout ce que m’ont raconté ses proches, j’aurais vraiment pu faire du sensationnalisme. Ma seule boussole, c’est d’éclairer le personnage public.

Et depuis trente ans que je fais ce métier, vingt-cinq ans à Europe 1, sept bouquins, je n’ai pas exactement un profil de journaliste people. Et puis, c’est une biographie…

D’une personnalité que l’on connaît peu…

Je découvre, comme beaucoup, une femme que je ne connais pas quand elle arrive à Matignon, même si elle a un CV incroyable. Qui est cette femme ?

Une biographie consiste à regarder toutes les périodes de sa vie, de trouver des témoins de ces époques, comment elle fonctionne, ce qu’elle veut faire, l’interroger sur ses convictions ou ses rêves. Donc, oui, une biographie brasse tous ces sujets !

Il était nécessaire pour vous d’aborder les sujets qui ont conduit à cette assignation ?

C’est avant tout elle qui les évoque ! Plein de gens ont découvert la rumeur d’homosexualité quand elle l’a démentie. Elle n’est pas obligée de la faire publiquement. Elle va à Têtu, le magazine identifié de la communauté LGBT, elle sait qu’elle va être interrogée là-dessus. Et elle ajoute qu’elle a un compagnon. Donc on cherche. S’il avait été moniteur de voile, il n’y avait pas de sujet, mais il a un profil très politique, et je découvre qu’il revendique, sur son blog, être pacsé avec une autre depuis deux ans. Bon…

C’est un acte de communication, donc un acte politique, que de mettre en avant un compagnon dont on s’aperçoit qu’il est en fait avec une autre. Je parle de ces sujets parce qu’ils éclairent le personnage public et parce qu’elle les met sur la table.

Quid du sujet de sa santé ?

Elle en a parlé plusieurs fois, il y a eu des échos dans la presse qui l’ont beaucoup agacée, venant du Président. Mais ce sont surtout ces proches et des collaborateurs de plusieurs époques qui m’ont raconté leur inquiétude de la voir dans cet état de stress. Et elle est dans un poste exposé au stress, et là, ça devient mon sujet. Car elle résiste ! Et si certains de ces amis parlent d’anorexie, moi, jamais je n’en ai parlé. Jamais. Mais le corps prend cher au pouvoir, c’est une évidence. Et elle tient, elle. C’est intéressant de comprendre ça.

On sent aussi chez vous une forme d’empathie pour elle, de l’admiration…

Ce n’est ni à charge, ni à décharge. Mais c’est un personnage intéressant, très complexe. Forcément, compte tenu de son histoire personnelle, très douloureuse, la mort de son papa, rescapé de la déportation et qui met fin à ses jours. C’est une ingénieure aussi, très ancrée dans le concret, très travailleuse. Et puis elle est secrète. Cette assignation valide le titre du livre d’ailleurs. Parce qu’il n’y a pas de poursuite en diffamation, ou contre l’auteur. C’est vraiment une procédure étonnante. Et c’est quand même inquiétant. Ça pose la question de savoir si on a encore le droit d’enquêter et de publier sur une Première ministre dès lors qu’on le fait de façon rigoureuse. Je ne peux pas croire que la justice dise le contraire.

“Élisabeth Borne, la secrète”, éditions de l’Archipel, 240 p., 21 €.



 
Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes