"Le mariage pour tous, c’était accepter l’égalité des couples en France", dix ans après, François Hollande revient sur cette bataille

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  • François Hollande dénonce une "crise de l’autorité" en France.
    François Hollande dénonce une "crise de l’autorité" en France. MaxPPP
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Propos recueillis par Manuel Cudel

Le 29 mai 2013, était célébré, à Montpellier, le premier mariage en France entre deux personnes de même sexe. Dix ans après, le regard de l’ancien président de la République qui ouvrit ce droit historique.

Le 29 mai 2013, était célébré, à Montpellier, le premier mariage en France entre deux personnes de même sexe. Que représente ce jour pour vous ?

Il fallait qu’un premier acte soit posé pour traduire la loi dans la réalité et c’est à Montpellier qu’il a eu lieu. Ce fut une date importante pour la société tout entière, un événement qui a permis à d’autres couples d’utiliser pleinement les avancées de la législation pour aller vers le mariage, l’adoption. Montpellier, comme souvent, a été en avant-garde.

C’était l’aboutissement d’une intense bataille, exacerbée dans la rue par la Manif pour tous.

Ce fut une bataille douloureuse, alors même qu’il aurait été possible pour l’opposition de défendre ses points de vue et de respecter nos intentions, elle a préféré à l’Assemblée nationale se lancer dans une obstruction qui n’était pas à la hauteur de l’enjeu et certains députés ont eu des mots inqualifiables à l’égard de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et du gouvernement. Ils ont participé à des manifestations d’où s’échappaient trop souvent des propos homophobes, beaucoup de personnes LGBT en ont souffert. Dix ans après, la question du mariage pour les couples de même sexe n’est plus posée et ses plus farouches détracteurs se taisent, ou se repentent. S’ils ont des remords, tant mieux. Nous leur accordons notre pardon si leurs regrets sont sincères. L’essentiel, c’est que la loi soit la même pour tous et soit pleinement respectée.

Le mariage pour tous peut-il être remis en cause ?

Non, aucun groupe politique aujourd’hui ne le propose et la société ne l’accepterait pas. Il n’y a pas besoin de constitutionnaliser le droit du mariage comme l’IVG, qui aurait besoin, lui, d’être protégé. Il y a une irréversibilité, c’est la grandeur de cette loi, c’est pourquoi elle restera dans l’Histoire. Au-delà du mariage, il s’agissait tout simplement d’accepter l’égalité des couples, des familles dans notre pays.

Le nombre d’actes homophobes est pourtant, lui, en forte hausse.

Hélas, je le constate avec l’homophobie comme le racisme et l’antisémitisme, il y a toujours des groupes, des réseaux qui n’admettent pas la diversité, la pluralité et sont dans l’intolérance. Il faut punir ce type de comportements et amplifier le travail mené à l’école pour livrer toutes les informations aux enfants, afin qu’ils ne soient pas atteints par ces préjugés.

Le chemin de l’adoption reste, lui, complexe.

Oui, il l’est pour tous les couples. Il y a aussi la PMA qui a mis du temps pour être enfin adoptée, je le regrette, et la GPA qui pose d’autres questions sur l’utilisation du corps de la femme.

Êtes-vous favorable aujourd’hui à la GPA ?

Je suis hostile à la marchandisation de la gestation. C’est l’une des raisons qui écarte cette procédure en France, même si elle est admise dans certains pays. Mais je suis favorable à la reconnaissance des bébés nés d’une GPA, pour qu’ils puissent être considérés par la loi comme des enfants comme les autres.

Le mariage pour tous restera un marqueur de votre mandat.

Ce qu’on retient souvent des mandats présidentiels, c’est une grande réforme de société et des avancées sociales. Pour la gauche c’était important en 2012 de s’inscrire dans cette démarche de progrès, comme François Mitterrand l’avait lui-même fait avec l’abolition de la peine de mort. La gauche n’en a pas le monopole, je rappelle que c’est durant le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, que l’IVG avait été votée. Chacun se souvient du rôle de Simone Veil. La gauche a le devoir d’appréhender la Nation dans son entier, au-delà des revendications catégorielles, et faire prévaloir les droits pour tous. Il y a encore à faire sur l’égalité hommes-femmes et la lutte contre les violences dont elles sont victimes, mais aussi tout ce qui peut permettre l’ascension sociale et l’égalité scolaire.

Quelle est votre position sur la fin de vie ?

Nous avions fait voter la loi dite Claeys-Leonetti en 2016 qui permet la sédation profonde pour des personnes en situation de souffrance au terme de leur existence. Si nous pouvons aller encore plus loin dans certaines conditions, j’y suis favorable. J’espère qu’un consensus se formera et que ce texte sera voté d’ici la fin de la législature.

Que vous inspire le climat de violence envers les élus ?

Il y a eu, depuis plusieurs années, une tolérance à l’égard de la mise en cause des élus et les rappels à l’ordre comme les sanctions ont manqué. Les citoyens peuvent contester les choix de leurs représentants mais la violence n’a jamais, elle, aucune justification. Elle prospère sur le terreau du désarroi et de la rancune. D’où le rôle de la démocratie de n’abandonner personne sur le chemin.

Peut-on parler d’une "décivilisation", comme le fait Emmanuel Macron ?

Je me garde d’employer des expressions empruntées à d’autres. Il y a à l’évidence une crise de l’autorité. Elle doit s’exercer avec le respect de nos valeurs de liberté mais elle doit aussi surtout être respectée. C’est pourquoi tous ceux qui se dévouent pour le bien public (soignants, enseignants, policiers, pompiers et bien sûr les élus) doivent être à l’abri des menaces et leurs agresseurs lourdement sanctionnés.

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Les commentaires (2)
filochard Il y a 10 mois Le 29/05/2023 à 10:03

Appelons un chat un chat. Il s'agit non pas d'un mariage pour tous ou toutes mais d'un mariage homosexuel

RienCompris Il y a 10 mois Le 29/05/2023 à 09:27

Le mariage pour tous, je suis contre, j'ai le droit, non ?