Sans-abris et migrants d'Île-de-France "déportés" vers les régions : seulement à cause des J. O. ?

  • Des "sas d'hébergement temporaires" vont être créés dans presque toutes les régions de France pour accueillir les SDF parisiens.
    Des "sas d'hébergement temporaires" vont être créés dans presque toutes les régions de France pour accueillir les SDF parisiens. Illustration - Pixabay
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Le ministre du Logement a expliqué comment s'organisent ces départs "volontaires" de personnes sans domicile fixe avant les JO 2024 à Paris.

Faut-il comprendre que les plus précaires ne sont pas les bienvenus dans la capitale à l'approche des Jeux Olympiques de Paris en 2024 ? Le gouvernement est sous le feu des critiques depuis qu'il a annoncé vouloir inciter des milliers de sans-abri à quitter l'Île-de-France pour se rendre dans d'autres régions. Début avril, il a été demandé aux préfets de créer des "sas d'accueil temporaires régionaux" partout en France, sauf dans les Hauts-de-France et la Corse, selon BFMTV. 20 Minutes précise qu'il y aura 10 "sas" d'accueil dans 10 régions.

Le gouvernement se défend en disant vouloir "désengorger les centres d'hébergement" en Île-de-France. Le ministre du Logement, Olivier Klein, parle d'une "situation tendue", et a expliqué que les sans-abri serait accueillis pendant trois semaines dans ces "sas" avant d'être orientés vers un autre hébergement en France. "L'objectif, c'est de baisser le nombre de sans-abri en Île-de-France pour avoir un accompagnement de proximité en province et mieux accompagner", décrit le ministre ce jeudi au micro de RMC.

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Ces départs seraient "volontaires", selon Olivier Klein qui ajoute qu'il n'y aura pas d'évacuations forcées. Déjà 450 personnes auraient déjà été transférées. Le ministre a refusé de faire le lien avec la tenue des Jeux Olympiques en France, mais a parlé de centres d'accueil qui seront ouverts... jusqu'à la fin de l'année 2024. "Peut-être que certains resteront dans leur nouvelle région et y trouveront peut-être un logement", s'est exprimé le ministre, toujours sur RMC. Mais le dispositif

Au début du mois de mai, Olivier Klein prenait la parole à l'Assemblée nationale en rappelant que les hôteliers ne souhaitaient plus accueillir de public précaire dans l'urgence car ils s'attendaient à une forte clientèle pendant la Coupe du monde de rugby 2023 et les JO 2024.

L'exécutif sous le feu des critiques

La députée LFI de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain, dénonce une mesure où "les sans-abris et les migrants sont priés d'aller se faire voir loin de Paris". Le maire adjoint de Paris en charge du logement, Ian Brossat, a également chargé le gouvernement sur Twitter : "Macron avait fixé l'objectif zéro SDF. A défaut d'y être arrivé (et d'avoir vraiment essayé), il les promène".

Macron avait fixé l'objectif zéro SDF.

À défaut d'y être arrivé (et d'avoir vraiment essayé), il les promène. https://t.co/13i127qZgC

— Ian Brossat (@IanBrossat) May 24, 2023

La sénatrice communiste de la Loire Cécile Cukierman précise que parmi les sans-abri, "bon nombre d’entre eux travaillent et ont des enfants scolarisés" : "Que deviendront-ils demain, envoyés sans coup férir à l’autre bout du pays ?", s'interroge-t-elle, rappelant qu'en juillet 2017, Emmanuel Macron avait pris l'engagement que "plus personne ne dormirait dans la rue". Elle affirme dans une tribune publiée sur le Huffington Post que "ces centres pour sans-abri d’un genre nouveau (...) ressemblent davantage à des lieux de privation des libertés, gardiennés et clôturés". "L’État va reporter la misère vers des collectivités qui n’auront pas davantage de moyens d’accueil ni d’insertion pour y faire face", conclut-elle.

Le terme de "déportation" (1) a même parfois été utilisé pour ces opérations que la Direction nationale des étrangers de France appelle des "mises à l'abri"

Manque de transparence ?

Sur Franceinfo, la Fondation Abbé Pierre déplorait le manque de transparence de cette initiative du gouvernement. "Mettre les gens dans des bus de manière plus ou moins contrainte sans les informer, ça nous inquiète", avouait le directeur des études de la Fondation, Manuel Domergue. "On ne veut pas faire de procès d'intention, mais si c'est mal préparé, que les personnes sont mal accompagnées, ça ne va pas atteindre l'objectif qui est de trouver une meilleures conditions de vie pour les personnes sans domicile".

Certaines villes ont vu l'apparition d'un "sas d'accueil temporaire" d'un mauvais oeil. Le maire de Bruz, commune de 18 000 habitants située près de Rennes, a déploré des conditions d'accueil "indignes" sur un terrain près d'une voie ferrée "pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds". A Besançon, où l'un de ces "sas régionaux" doit ouvrir, Philippe Crémer, conseiller municipal délégué à l’accueil des sans-abri et l’accompagnement des migrants précise que ceux-ci " recevront 50 migrants venant des camps toutes les trois semaines". L'appel à projet paru en Bourgogne Franche-Comté précise que "ces sites d’hébergement ad hoc devront permettre, dans un premier temps, d’accueillir jusqu’à 600 personnes par mois".

Les premiers sas régionaux d'accueil temporaire sont en cours d'ouverture.

(1) Selon Wikipédia : "la déportation est l'action pour un pouvoir politique de contraindre une catégorie ou un groupe de personnes à quitter son habitat".
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