Cancers : "Notre rôle est de cibler aussi les personnes qui ne se font pas dépister", préconise le Docteur Nzietchueng

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  • Le Docteur Caline Ngounou Nzietchueng.
    Le Docteur Caline Ngounou Nzietchueng. Midi Libre - Archives Eva Tissot
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Octobre rose approche. Il reste important de consacrer du temps pour sensibiliser les femmes sur la problématique des cancers féminins et les encourager à se faire dépister : c’est l’objectif de la campagne de sensibilisation annuelle qui commencera le 1er octobre prochain.

Chaque année, le mois d’octobre est l’occasion de rappeler l’importance d’un dépistage régulier des cancers féminins (cancer du sein et du col de l’utérus). "Le dépistage organisé reste une arme puissante dans la lutte contre la maladie", martèle le docteur Caline Ngounou Nzietchueng, le médecin responsable de l’antenne de l’Aveyron du Centre régional de coordination des dépistages des cancers (CRCDC).

"Le dépistage, une arme puissante"

"Il permet de détecter précocement le cancer, offrant ainsi des chances de guérison plus élevées". Néanmoins, le taux de participation au dépistage organisé n’atteint pas encore les objectifs nécessaires pour réduire de manière conséquente la mortalité. En Aveyron, il s’élève à 47,3 % (44,70 % en 2022) pour le cancer du sein qui reste la première cause de mortalité chez les femmes.

Face à cet enjeu de santé publique, le site de l’Aveyron, l’un des douze en Occitanie, du CRCDC, s’investit aux côtés d’autres structures, associations et relais comme les Maisons de santé, les CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé), les mairies, les centres communaux d’action sociale, les Esat (établissement et service d’aide par le travail) à destination des personnes en situation de handicap, etc., dans des actions de sensibilisation, pour favoriser et encourager l’adhésion des femmes à cette démarche de prévention.

Quelles sont vos missions ?

Nous sommes mandatés par l’État et l’Assurance maladie pour à la fois mettre en œuvre les programmes de dépistage des cancers et assurer la prévention.
Nous sommes destinataires des fichiers des assurés, c’est-à-dire des personnes concernées par le dépistage de masse. Nous invitons donc, par lettre, les personnes cibles âgées de 50 à 74 ans, pour le cancer du sein, à prendre rendez-vous dans un centre d’imagerie pour bénéficier de leur mammographie et surtout du double avis médical.

C'est important de parler de tous les cancers féminins

L’enjeu est aussi de sensibiliser aux autres cancers qui touchent les femmes ?

Tout à fait. Octobre rose ne se résume pas au seul cancer du sein. C’est important de parler de tous les cancers féminins comme celui du col de l’utérus, pour les 25-65 ans, qui est le seul pouvant bénéficier d’une vaccination préventive. Mais là encore ce n’est pas acquis dans les mœurs donc il faut continuer à faire passer le message pour que les jeunes filles et garçons se fassent vacciner en prévention contre le papillomavirus (HPV).

Il faut continuer à faire passer le message pour que les jeunes filles et garçons se fassent vacciner en prévention contre le papillomavirus (HPV)

Enfin, nous nous adressons aussi aux femmes et aux hommes âgés de 50 à 74 ans pour le dépistage colorectal, deuxième programme généralisé en France depuis 2008. Il consiste à rechercher des traces de sang dans les selles.

Il faut savoir qu’un polype, considéré comme une lésion très cancéreuse, met en moyenne entre dix et quinze ans à évoluer vers un cancer.

Il est important d’agir sur nos comportements au quotidien

La prévention, via le dépistage, est votre cheval de bataille, encore plus aujourd’hui face aux délais d’attente qui s’allongent pour obtenir un rendez-vous ?

La prévention est transversale avec l’activité physique, régulière, une modification de certaines de nos habitudes de vie, nos comportements alimentaires, etc. Sans être moralisatrice, il est important d’agir sur nos comportements au quotidien.

Il faut investir le champ de la prévention

De toute façon, au rythme actuel de la progression des maladies chroniques, aucun système de santé au monde ne pourra y faire face de manière durable. Il faut donc investir le champ de la prévention. La durée et la qualité de notre vie dépendent en partie des choix que nous faisons chaque jour.

La durée et la qualité de notre vie dépendent en partie des choix que nous faisons chaque jour

Le dépistage est une arme puissante pour lutter contre les cancers. Un courrier est envoyé aux femmes à partir de 50 ans pour la prise en charge de leur mammographie. Ce courrier qui fait office d’ordonnance permet la prise en charge à 100 % de la mammographie, sans avance de frais.

En participant au dépistage organisé, les femmes ont la possibilité d’avoir une deuxième lecture. Concrètement, lorsque le radiologue rend son diagnostic avec un résultat normal, il informe la patiente de la transmission de son dossier au CRCDC pour une seconde lecture, un second avis médical, pour plus de sécurité.

Délais d'attente et manque de ressources

Notre rôle, c’est aussi d’aller vers les personnes qui ne répondent pas et de les cibler pour aller se faire dépister. Oui, aujourd’hui, il y a des délais d’attente et un manque de ressources pour permettre d’effectuer les dépistages dans les délais préconisés. C’est pour cela que je travaille en étroite collaboration avec les professionnels de santé.

Par exemple, avec le service radiologie de l’hôpital de Rodez, on a réussi à mettre en place une journée par semestre dédiée au dépistage par mammographie avec des créneaux octroyés. Mais il est vrai que ne pas arriver à obtenir un rendez-vous peut décourager. Les femmes se trouvant dans ce cas-là ne doivent pas hésiter à nous appeler.

L’Aveyron est-il un bon élève ?

On progresse. Concernant le dépistage du cancer du sein, on a jamais été aussi haut même si on est encore loin de l’objectif qui serait d’atteindre 70 %. On avait atteint 50 % en 2018 avant le Covid. Donc, on peut y arriver. En 2001, la participation au dépistage s’élevait à peine à 36 %.

Vous travaillez conjointement avec le Comité de sensibilisation pour le dépistage des cancers et la Ligue contre le cancer ?

Pour une meilleure prise en charge du patient, il est important de garder à l’esprit que nous sommes plusieurs à travailler autour du patient. Nous travaillons avec le Comité de sensibilisation pour le dépistage des cancers qui investit le champ de la prévention, de la santé et l’environnement.

Peur du diagnostic ou de la douleur, négligence...

Et la Ligue contre le cancer qui fait des interventions en milieu scolaire sur la prévention des cancers par rapport à l’alimentation, le tabac et le danger des écrans. Elle intervient également dans l’après-cancer en proposant des soins supports et des aides financières aux patients.

Pourquoi les femmes sont-elles réfractaires au dépistage ?
Il y a plusieurs explications. D’abord, la peur qu’on trouve quelque chose ; ensuite, la négligence en remettant à plus tard les examens à effectuer ; enfin, la peur d’avoir mal, notamment lors de la mammographie. Mais il faut poursuivre la mobilisation.

Contact : Centre régional de coordination des dépistages des cancers : impasse des Vieux-Chênes à Rodez. Tél. 05 65 73 30 36. Email : occitanie-depistagecancer.fr

Prévention primaire et prévention secondaire

Le Centre régional de coordination des dépistages des cancers en Occitanie est une association (CRCDC). Il rassemble douze associations départementales d’Occitanie qui ont fusionné entre elles. C’est un acteur de prévention en santé publique. On en distingue deux types : la prévention primaire pour sensibiliser aux facteurs de risque de cancer et la prévention secondaire qui regroupe trois dépistages bénéficiant d’un programme organisé : le cancer du sein, le col de l’utérus et le cancer du côlon.

"Ce sont des cancers réunissant les critères de l’OMS pour pouvoir bénéficier d’un programme national de dépistage. Trois de ces critères sont la fréquence de la maladie, le nombre de décès et l’existance d’un test performant pour les détecter. D’année en année, l’objectif est d’améliorer l’efficacité et la qualité des programmes. C’est pour cela que nous centralisons toutes les données. Cela ne veut pas dire que l’on abandonne les autres cancers mais que l’on va s’orienter plutôt pour ceux-là vers du dépistage individuel et un accompagnement personnalisé". 

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