Balade dans la jungle du Gers, il y a 17 millions d'années

  • Sous la supervision du paléontologue Yves Laurent (c), des jeunes volontaires sont à la recherche de fossiles sur le site du Montréal-du-Gers,près de Toulouse, le 8 juillet 2013
    Sous la supervision du paléontologue Yves Laurent (c), des jeunes volontaires sont à la recherche de fossiles sur le site du Montréal-du-Gers,près de Toulouse, le 8 juillet 2013 AFP - Eric Cabanis
  • Un paléontologue dépoussière des dents d'éléphant sur le site du Montréal-du-Gers, près de Toulouse, le 8 juillet 2013
    Un paléontologue dépoussière des dents d'éléphant sur le site du Montréal-du-Gers, près de Toulouse, le 8 juillet 2013 AFP - Eric Cabanis
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AFP

Dans la campagne du Gers, les rhinocéros côtoient éléphants, tortues, reptiles, écureuils..., endormis là voilà 17 millions d'années dans un des plus grands sites paléontologiques d'Europe, désormais ouvert au public.

"Je marchais sur un tapis d'os. Jamais je n'avais vu ça de ma vie !" , raconte le conservateur en chef et directeur du Muséum d'Histoire naturelle de Toulouse, Francis Duranthon, en se remémorant la découverte du site, en 1988.

Le jeune paléontologue avait été appelé sur place par les exploitants d'une carrière de calcaire située près de Montréal-du-Gers, dont un tir de mine avait éparpillé des ossements fossiles. "On trouvait des os partout ! Il y en avait tellement que l'on se demandait par quel bout on allait prendre le site".

Une vingtaine d'années plus tard, le bilan des fouilles est impressionnant: plus de 20.000 ossements identifiés, appartenant à 90 espèces, dont quatre inconnues jusque-là. "L'un des gisements les plus riches d'Europe", s'extasie M. Duranthon.

Depuis le XVIIIe siècle, le Gers est connu pour ses fossiles. Le physicien et naturaliste français René-Antoine de Réaumur avait révélé dans ses "Observations sur les mines de turquoises du Royaume" que les turquoises recueillies à Simorre étaient des dents de mammifères, plus précisément d'un animal désigné plus tard sous le nom de Mastodonte.

Le premier singe fossile connu au monde a pour sa part été exhumé en 1834 sur la commune de Sansan.

Le gisement de Montréal-du-Gers - 1,5 ha dont seuls 400 m2 ont été dégagés - remonte au miocène (- 24 à - 5 millions d'années) et correspond à un ancien marécage où de nombreux animaux ont été piégés.

Pour un néophyte, le site apparaît comme un vaste cimetière, avec un enchevêtrement d'os englués dans la terre.

En fait, il s'agit d'un "instantané d'une vie au miocène, de la photo d'un moment de vie" il y a 17 millions d'années, "quand la Gascogne était une jungle", s'émerveille M. Duranthon.

Là, un crâne percé de trois trous, traces de morsures, trouvé à 30 cm d'une mâchoire de carnivore, raconte la course-poursuite et le combat mortel entre les deux animaux.

Corps de girafe, tête de cerf

Plus loin, la présence d'un fossile d'écureuil volant montre qu'il y avait de grands arbres dans la région.

Amphibiens, tortues d'1,5 m de diamètre, crocodiles de 2 à 3 m de long, hippopotames, attestent de la présence d'un lac et d'une rivière, dont l'interaction aurait formé le marécage.

Les ossements d'éléphants prouvent le contact entre les blocs Eurasie et Afrique, puisque ces pachydermes viennent de ce continent...

Quant aux restes de végétaux (pollens...), ils permettent de reconstituer le climat d'alors: des températures moyennes annuelles de 20° Celsius (contre 14° aujourd'hui) et des précipitations annuelles proches de 1.500 mm contre 800 de nos jours.

Chaque saison de fouilles réserve des surprises tellement la diversité de la faune piégée dans la couche d'argile se révèle extraordinaire: plus de 50 espèces de mammifères (70 rhinocéros, 15 éléphants, cervidés, sangliers, rongeurs...), des reptiles (lézards, serpents...), des amphibiens (grenouilles, tritons...), des oiseaux, des mollusques gastéropodes (famille des escargots) terrestres et d'eau douce, etc.

Parmi les animaux les plus curieux figurent une sorte de gros chien, l'Hemicyon stehlini, ou un énorme prédateur ressemblant à un lion, le Megamphicyon giganteus.

Mais les scientifiques ont surtout identifié quatre espèces et genres inconnus: deux cochons, un rhinocéros, et surtout un cerf-girafe (Ampelomeryx ginsburgi), au corps de girafe et à la tête de cerf portant des bois.

Par ailleurs, les études anatomiques réalisées sur certains fossiles pourraient "remettre en cause l'évolution de l'apparition des bois sur les cervidés", dévoile M. Duranthon.

Gisement exceptionnel, proximité d'universités comme celles de Toulouse, recherches au Muséum d'Histoire naturelle, pourraient permettre "dans les années à venir d'organiser des master classes en paléontologie au niveau européen", estime le conservateur.

Dès cet été, les touristes plongeront 17 millions d'années en arrière grâce à des visites guidées du site, et des jeunes de 14 à 17 ans pourront, lors de stages, aider les professionnels à dégager crânes et squelettes d'animaux préhistoriques.

Source : AFP

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