30 gardes d'Auschwitz devant la justice allemande

  • L'entrée du camp d'Auschwitz, le 4 décembre 2008
    L'entrée du camp d'Auschwitz, le 4 décembre 2008 AFP/Archives - Valéry Hache
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AFP

Près de 70 ans après la fin de la guerre, la justice allemande va devoir décider d'éventuelles poursuites pour complicité de meurtre contre 30 gardes présumés du camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

L'Office central d'enquête sur les crimes du national-socialisme a annoncé mardi avoir bouclé ses investigations sur 49 personnes, et transférer 30 dossiers aux parquets régionaux allemands, en recommandant des poursuites de ce chef d'accusation.

L'Office, qui ne peut engager lui-même des poursuites, a examiné 39 dossiers d'anciens gardes présumés d'Auschwitz, dont le plus âgé a 97 ans, a déclaré le procureur spécial Kurt Schrimm, lors d'une conférence de presse à Ludwigsbourg (ouest),où il est basé.

"Les dossiers vont être transmis aux procureurs concernés", dans les Etats régionaux où résident ces criminels de guerre présumés, seul habilités à poursuivre, a expliqué M. Schrimm, dont les services ont enquêté sur plus de 7.000 personnes depuis 1958.

"J'ignore quand des poursuites seront engagées, et combien le seront", a commenté M. Schrimm en ajoutant : "je voudrais mettre en garde contre des attentes exagérées, trop fortes. Nous ne savons rien de l'état de santé des personnes concernées. Il se peut que seul un petit nombre d'entre eux puisse faire l'objet de poursuites".

Les représentants des victimes ont salué la perspective de nouveaux procès de criminels nazis.

"Ces crimes contre l'humanité ne doivent pas demeurer impunis", a déclaré à l'agence de presse allemande dpa Ulrich Sander, de l'Association des victimes du régime nazi.

Le Centre Simon Wiesenthal de Jérusalem, qui traque les anciens nazis, a vu dans cette décision "une étape importante dans les efforts pour juger les criminels de guerre nazis en Allemagne". Mais il a aussi évoqué "l'incapacité à prendre de telles mesures au cours des cinquante dernières années, ce qui a permis à des milliers de criminels d'échapper à la justice".

L'Office avait identifié à l'origine 49 gardes présumés du camp d'Auschwitz, construit par les nazis en Pologne occupée. Neuf sont morts, et trente vivent encore en Allemagne.

Un des survivants fait déjà l'objet d'une procédure à Stuttgart (sud-ouest).

Plus de 6.000 personnes ont travaillé à Auschwitz, où quelque 1,1 million de Juifs, Tziganes, homosexuels ou opposants politiques ont péri dans des chambres à gaz, d'épuisement ou de maladie.

Pendant plus de 60 ans, les tribunaux allemands n'ont jugé que des accusés pour lesquels ils disposaient de preuves directes ou de témoignages.

Mais la condamnation de l'apatride d'origine ukrainienne John Demjanjuk à Munich en mai 2011 a fait jurisprudence. Demjanjuk avait été condamné à 5 ans de prison pour participation aux meurtres de 28.000 Juifs, le tribunal ayant établi qu'il était garde au camp de Sobibor, même sans prouver son implication directe dans les crimes.

"Depuis les années 60, c'est la première fois que la nation allemande (...) va poursuivre un si grand nombre de nos compatriotes et peut-être les inculper", s'est félicité Thomas Walther, le procureur qui avait conduit Demjanjuk devant la justice, interrogé par l'AFP.

Cependant, souligne-t-il, "cela montre que cinquante ans après les premiers procès d'Auschwitz (1963-65), un grand nombre de ces personnes vit encore chez nous et nombreux, pendant ces cinquante années, ont vécu ici tranquilles. C'est la grande, grande erreur de la justice allemande".

Le procureur Schrimm a précisé que ses services réexaminaient "les dossiers de tous les anciens personnels des camps de concentration, et ceux des membres de ce que l'on appelait 'Einsatzgruppen' (des 'escadrons de la mort' mobiles) à la lumière du précédent (créé par le procès) Demjanjuk".

"Notre but est de boucler notre enquête sur le camp de Lublin (Majdanek, en Pologne) d'ici six mois", a-t-il dit. "L'office fouille des archives en Russie, au Belarus et au Brésil à la recherche d'autres noms de criminels éventuels".

L'annonce de l'Office est intervenue au lendemain de l'ouverture à Hagen (ouest) du procès d'un ancien SS d'origine néerlandaise âgé de 92 ans, Siert Bruins, accusé d'avoir tué en septembre 1944 un résistant néerlandais dans le nord des Pays-Bas.

Depuis les procès des dignitaires nazis à Nuremberg en 1945-46, environ 106.000 soldats allemands ou nazis ont été jugés, 13.000 reconnus coupables et la moitié condamnés, selon l'Office.

Source : AFP

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