Suicide chez les agriculteurs : "il est temps de changer"

Près de 500 suicides ont été enregistrés chez les agriculteurs en trois ans, un tous les deux jours, en particulier chez les éleveurs confrontés à de graves difficultés financières. Dévoilée récemment, l'étude de l’Institut de veille sanitaire (InVS) est sans appel. Le suicide est la troisième cause de décès dans le monde agricole après les cancers et les maladies cardiovasculaires. "La présente étude confirme clairement un excès de mortalité par suicide chez les exploitants agricoles masculins de 20% supérieur à celui de la population générale française", insiste l’InVS.

"Des chiffres minimisés" selon la Coordination rurale

Leader de la Coordination rurale en Aveyron, Francis Galtier a travaillé durant cinq ans sur la problématique du suicide chez les agriculteurs. S'il reconnait avoir eu beaucoup de mal à récolter des chiffres exacts et avérés auprès de la MSA ou de la gendarmerie, Francis Galtier se félicite aujourd’hui de l’étude de l’inVS, reconnaissant malgré tout "que les chiffres sont encore un peu minimisés et que le phénomène est inquiétant car il prend de l’ampleur".

Peur de passer pour un incapable

Après quatre années de recherche, le leader de la CR a d'abord remarqué que le suicide en agriculture est un phénomène transgénérationnel. "Le suicide touche aussi bien la jeune génération que celles d’avant. Aussi bien les agriculteurs isolés qu’entourés d’une cellule familiale ou professionnelle. Le problème est que l’on touche là à un problème de communication. On n’ose pas parler de sa détresse de peur de passer pour un incapable et un incompétent auprès des autres". 

Problèmes financiers insurmontables

Quant aux causes qui amènent à passer à l'acte, elles sont "multifactorielles", constate Francis Galtier. "C’est tout à la fois un mal-être personnel qui tend vers la dépression, une charge de travail souvent insupportable ou encore des problèmes financiers insurmontables".Soulignant les écueils d'une agriculture essentiellement productiviste, Francis Galtier estime qu'on atteint aujourd'hui "la limite d’un modèle économique qu’il est devenu nécessaire de changer".

"Les agriculteurs ne doivent plus être des sous-traitants de l’industrie agroalimentaire. Il faut arrêter de faire croire au miroir aux alouettes, notamment en poussant, pour les syndicats, les jeunes à s’installer sans leur offrir toutes les garanties et sans les mettre en garde contre les nombreux écueils. L’installation doit découler d’un choix personnel." Et d'inviter la profession à s'ouvrir à la société, "en rencontrant d’autres personnes, d’autres secteurs d’activités pour discuter ensemble."