Bulgarie: la famille de la petite Maria impatiente de la récupérer

  • La famille de Boïan Ivanov le 26 octobre 2013 dans leur maison décrépie à Nikolaevo
    La famille de Boïan Ivanov le 26 octobre 2013 dans leur maison décrépie à Nikolaevo AFP - NIKOLAY DOYCHINOV
  • Katia Rousseva, la soeur aînée de la fillette abandonnée en Grèce, le 26 octobre 2013 à Gourkovo
    Katia Rousseva, la soeur aînée de la fillette abandonnée en Grèce, le 26 octobre 2013 à Gourkovo AFP - Nikolay Doychinov
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"Rendez-nous Maria! Nous l'abriterons et partagerons notre pain avec elle", s'exclame Katia Rousseva, 20 ans, la soeur aînée de la fillette abandonnée en Grèce par des roms bulgares et surnommée dans les médias "l'ange blond".

Aussi blonde que Maria, visage émaillé de taches de rousseur, sourcils presque blancs, Katia craint que les services sociaux "n'enlèvent Maria" à son retour en Bulgarie. "Nous ne la cèderons pour rien au monde", s'écrie-t-elle devant sa masure à Gourkovo (centre) où elle habite avec son mari Moustafa et ses deux enfants, enceinte d'un troisième.

"Je gardais mes huit frères et soeurs à Nikolaevo (ndlr: à 5 km de Gourkovo) quand mes parents étaient en Grèce. A son retour, maman a dit qu'elle y avait laissé un bébé. Elle n'avait pas d'argent pour payer son passeport", témoigne-t-elle.

Une voisine, Nadka Tchakarova, grand-mère de Stanka, une fillette brune de trois ans, avale ses larmes: Stanka est née en Grèce et Nadka a passé le bébé clandestinement à travers la frontière. "Nous aurions pu la vendre, des candidats nous ont contactés à l'hôpital d'Heraklion, offrant beaucoup d'argent", assure-t-elle. "L'enfant n'a aucune pièce d'identité, aucune assurance médicale. Je veux l'enregistrer, mais les fonctionnaires municipaux d'ici me renvoient en Grèce. Avec quel argent?", soupire Nadka.

Pour sa part, Katia s'inquiète de ses parents, Sacha et Atanas Roussev, soupçonnés de vente de bébé et qui risquent six ans de prison. Ceux-ci ont disparu depuis vendredi matin du ghetto de Nikolaevo avec les trois de leurs enfants blonds. La police assure "qu'ils sont en Bulgarie et pas en détention".

Le ghetto aux aguets

Leurs voisins affirment qu'une chaîne de télévision leur paie les frais d'un appartement à Sofia pour les garder à l'abri et les interviewer.

"Qu'on fiche la paix à mes parents. Maman n'a rapporté aucun argent pour avoir laissé Maria, nous avons vécu dans la même misère après son retour de Grèce", témoigne Katia.

Le ghetto de Nikolaevo est aux aguets. Jeudi en fin d'après-midi, les services sociaux ont tenté d'emmener trois enfants mineurs des Roussev, mais les roms du voisinage ne les ont pas laissés partir.

"J'ai pris une hache. Les autres gens les ont engueulés (les agents sociaux). Alors ils ont fait signer à Elena, leur soeur majeure, un document de garde sous sa responsabilté.

"Montrez comment nous vivons"

Grelottant en blouse sans manches et chaussée de sandales dans la froide matinée d'octobre, Elena rappelle à l'ordre son frère Filip, six ans, qui court pieds nus en toussant, alors que la blonde Minka, 14 ans, s'accroche à elle, paralysée de peur devant les appareils des photographes. "J'aimerais qu'on m'envoie aussi Maria", suggère timidement Elena.

La tentative des services sociaux d'emmener trois enfants des Roussev a suscité l'inquiétude et réveillé des souvenirs amers: "Quelle mère se séparerait de ses enfants! Mais ils (les services sociaux) m'en ont volé deux, ils disent que les conditions de vie n'étaient pas bonnes et que je n'avais pas de revenus", se plaint, des larmes aux yeux, Anka Yordanova, 31 ans.

"Montrez comment nous vivons"

"Moi aussi, ils m'en ont pris trois, témoigne Roumiana Tinkova, 32 ans, qui en a six autres. Ils étaient malades, j'ai signé des papiers, mais je ne sais pas lire. Puis j'ai appris que mes fillettes étaient adoptées en Allemagne"!

L'intérêt médiatique sans précédent pour les ghettos roms misérables de Nikolaevo et Gourkovo éveille des espoirs timides: "Nous n'avions jamais vu auparavant des gens comme vous devant ces taudis. Montrez comment nous vivons, quelqu'un peut nous envoyer des vêtements, des couvertures", dit Boïan Ivanov, 33 ans. Il montre sa mère malade et quatre enfants dormant sur le sol humide d'une maison décrépie, misérable comme tant d'autres à Nikolaevo.

"C'est rare qu'on trouve du travail. Ce qui nous reste, c'est de fouiller les poubelles et de voler", expliquent des roms sous couvert d'anonymat.

"Pour la mairie, nous ne sommes pas des hommes. Ils ne viennent que pour nous compter, mais nous laissent nous débrouiller contre les inondations, la faim et les maladies", accuse Boïan Ivanov.

Source : AFP

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