Les "343 salauds" enflamment le débat sur la prostitution

  • Le comédien Nicolas Bedos  à Paris le 13 mars 2013
    Le comédien Nicolas Bedos à Paris le 13 mars 2013 AFP/Archives - Francois Guillot
  • Une prostituée à Toulouse Une prostituée à Toulouse
    Une prostituée à Toulouse AFP/Archives - Remy Gabalda
  • Une prostituée dans le Bois de Boulogne, à Paris, le 6 juin 2011
    Une prostituée dans le Bois de Boulogne, à Paris, le 6 juin 2011 AFP/Archives - Bertrand Langlois
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AFP

En s'autoproclamant les "343 salauds", les signataires d'une pétition au titre provocateur, "Touche pas à ma pute", enflamment un débat déjà âpre sur la prostitution, à la veille de l'examen d'une proposition de loi visant notamment à la pénalisation des clients.

"Certains d’entre nous sont allés, vont, ou iront aux +putes+ – et n’en n’ont même pas honte", déclare la poignée de personnalités - comme l'humoriste Nicolas Bedos, le comédien Philippe Caubère ou le journaliste Eric Zemmour - premiers signataires de l'appel "Tous ensemble, nous proclamons: touche pas à ma pute!".

Ils considèrent que "chacun a le droit de vendre librement ses charmes" et disent que "sous aucun prétexte" ils ne se passeraient "du consentement de (leurs) partenaires".

"Ce n'est pas une pétition pour la prostitution mais pour la liberté", résume pour l'AFP un autre signataire, Basile de Koch, alias Bruno Tellene, le mari de Frigide Barjot.

L'appel, publié en novembre dans le magazine Causeur, est né "en se marrant" et "est patronné, parrainé et inventé par une femme avec l'heureux concours de Frédéric Beigbeder", insiste la directrice de la rédaction du mensuel, Elisabeth Levy, fière de la "maternité" du titre des "343 salauds".

Cet intitulé provocateur fait référence au manifeste publié par le Nouvel Observateur en 1971 et signé par 343 femmes qui proclamaient "J'ai avorté" alors que l'IVG était encore passible de poursuites.

"Les 343 salopes réclamaient en leur temps de pouvoir disposer librement de leur corps. Les 343 salauds réclament le droit de disposer du corps des autres. Je crois que cela n'appelle aucun autre commentaire", a déclaré la ministre des Droits des Femmes Najat Vallaud-Belkacem, mercredi.

343 ringards, sexistes, réacs et machistes

La référence est "abjecte" pour la présidente de l'association Osez le Féminisme. Anne-Cécile Mailfert dénonce "343 mâles dominants qui veulent défendre leur position et continuer de disposer du corps des femmes par l'argent" alors que "le désir ne s'achète pas".

Pour le Parti communiste français c'est l'appel de "343 réacs, sexistes et machistes" tandis que l’association Zéro Macho parle de "343 ringards (qui) se battent pour une cause machiste perdue". Le "Touche pas à ma pute" traduit "leur mépris pour les femmes dans la prostitution", estime Zéro Macho.

"On n'est pas là pour piétiner la mémoire des féministes, comme elles nous défendons la liberté", soutient pourtant Mme Levy qui insiste sur la notion de "consentement" présente dans le texte.

"Pour ces messieurs, dont certaines +célébrités+, le libre-accès à la prostitution fait partie de leur liberté, interdiction d’y toucher! ", relève Laurence Cohen, du PCF.

Mais "comment peut-on (...) revendiquer comme liberté ce qui en fait la bafoue?" s'interrogeait Anne Zelensky, présidente de la Ligue du Droit des Femmes dans Le Monde daté de mercredi. "Dans cette pétition +Touche pas à ma pute+, par un tour de passe-passe pervers, la liberté est mise au service de la défense d'un esclavage de fait", dit-elle.

"Dans cette affaire de prostitution, personne n'est en fait libre : ni la pute ni le client. A part quelques rares exceptions, la majorité des personnes qui se prostituent le font par contrainte économique ou psychologique (...) Quant au client, il est pris dans un système de relation homme-femme, fondé sur le malentendu et la peur", écrit-elle.

Nicolas Bedos reconnaît lui aussi que la comparaison avec les 343 salopes est "indécente" et "un peu inconséquente".

L'humoriste et chroniqueur "regrette" de s'être associé à l'initiative et se dit "embarrassé par le voisinage" d'autres signataires qui "ne sont pas tous mes camarades de lutte". Mais pour lui "vouloir abolir la prostitution c'est aussi con que de vouloir abolir la pluie".

"Ce n'est pas parce que l'on combat les dérives de cet univers souvent crapuleux (...) que l'on doit pour autant remettre en question un phénomène qui a pu adoucir la misère sexuelle d'individus", dit-il.

Une proposition de loi doit être examinée fin novembre et prévoit notamment la création d'une amende de 1.500 euros sanctionnant le recours à la prostitution, doublée en cas de récidive.

Source : AFP

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