La polémique politique enfle autour du contrat Ecomouv'

  • Le député EELV des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, en 2012 à Marseille
    Le député EELV des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, en 2012 à Marseille AFP/Archives - Anne-Christine Poujoulat
  • Des camions passent le 27 juin 2013, sur l'autoroute A25 près d'Armentières, dans le nord, sous un portique, censé vérifier si les véhicules ont bien payé l'écotaxe
    Des camions passent le 27 juin 2013, sur l'autoroute A25 près d'Armentières, dans le nord, sous un portique, censé vérifier si les véhicules ont bien payé l'écotaxe AFP/Archives - Philippe Huguen
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AFP

Taxe collectée par une société privée, retour sur investissement juteux, "scandale d'Etat"... Les conditions du contrat signé entre Ecomouv' et l'ancien gouvernement Fillon pour la collecte de l'écotaxe cristallise désormais les critiques de droite comme de gauche.

Ardents défenseurs de la philosophie du "pollueur-payeur", les écologistes ont tiré à boulets rouges lundi contre les modalités de mise en oeuvre de cette taxe, qui a soulevé la Bretagne. Leur ex-candidate à l'élection présidentielle, l'eurodéputée Eva Joly, a jugé qu'il "faut dénoncer ce contrat et il faut faire une enquête".

Le député EELV des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert, n'a pas hésité à décrire les germes d'un "scandale d'Etat" derrière le partenariat public-privé (PPP) avec Ecomouv', société montée spécifiquement par une compagnie italienne pour mettre en oeuvre et collecter l'écotaxe.

Le principe de cette fiscalité écologique, imposée au transport routier en vue de financer des grands projets d'infrastructures, avait été adopté largement par la classe politique lors du Grenelle de l'environnement, organisé sous le gouvernement Fillon. Les conditions du contrat liant Ecomouv' à l'Etat sont également connues: le dispositif doit rapporter 1,15 milliard d'euros par an, dont 20% doivent tomber dans l'escarcelle d'Ecomouv', soit 250 millions d'euros annuels.

Ecomouv' appartient à 70% à la compagnie italienne Autostrade per l'Italia. Le reste de son capital est partagé entre le groupe français d'électronique et de défense Thales, Geodis (filiale de la SNCF), l'opérateur de télécommunications SFR et Steria, société d'ingénierie informatique.

"Les 20% qu'ils touchent eux, c'est énorme (par un rapport à un partenariat public-privé classique)", reconnaît-on dans l'entourage de l'actuel ministre des Transports Frédéric Cuvillier. "Il n'y a pas de dogme anti-PPP, on en a signé plusieurs depuis qu'on est là, mais est-ce que celui-ci a été signé dans des conditions acceptables?", s'interroge la même source, pointant vers le gouvernement Fillon. "Il ne faut pas que cela se fasse au détriment de l'intérêt de l'Etat et donc de celui des particuliers".

Le pouvoir socialiste a suspendu l'écotaxe, mais n'entend pas y renoncer. Selon le contrat, un abandon coûterait 800 millions d'euros payables sans délai, et 200 millions supplémentaires sur un an, soit un milliard d'euros au total.

Règlements de comptes à l'UMP

A quatre mois des municipales, la candidate socialiste à la mairie de Paris, Anne Hidalgo a fustigé un "marché ruineux" sur lequel sa rivale UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-ministre de l'Ecologie du gouvernement Fillon, "doit rendre des comptes".

Certains ex-ministres de droite n'ont pas été en reste pour se désolidariser de leurs anciens collègues: Rachida Dati et Xavier Bertrand se sont étonnés "qu'une entreprise privée et étrangère soit en charge de collecter l'impôt en France".

"Il y a une différence fondamentale en matière de fiscalité entre un impôt et une taxe", corrige Dominique Bussereau, joint par l'AFP. L'ancien ministre des Transports, qui a vécu le début la procédure, souligne que de nombreux organismes privés comme les chambres d'agriculture ou de commerce assurent aujourd'hui la perception de certaines taxes en France.

"La somme reversée pour gérer la complexité du système ne me paraît pas folle", plaide M. Bussereau, invoquant la "technicité" -- 800.000 camions doivent être équipés de dispositifs de paiement --- de l'écotaxe pour justifier l'appel à un partenaire privé.

Plus largement, les conditions d'attribution à la société Ecomouv' refont surface. Le choix du gouvernement avait été contesté par Alvia, l'un des concurrents à l'appel d'offres, devant le tribunal administratif. Le juge avait alors invalidé la candidature d'Ecomouv', arguant notamment que le conseiller de l'Etat sur le dossier écotaxe, le cabinet suisse Rapp Trans AG, ne pouvait être impartial car il travaillait également avec Autostrade.

Cette décision avait ensuite été cassée par le Conseil d'Etat, qui "a considéré que les griefs qui étaient formulés ne concernaient pas le contrat en cours de signature", se défend la société Ecomouv', jointe par l'AFP.

Dans l'entourage de François Fillon, on adopte la même ligne de défense. De source proche de l'ancien Premier ministre, le contrat entre Ecomouv' et l'Etat est "totalement inattaquable", car le gouvernement a procédé au "lancement d'un appel d'offres" et a ensuite choisi la société en mesure de mettre oeuvre l'écotaxe le plus rapidement possible.

Source : AFP

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