Paris tente de peser sur l'avenir d'Alstom, convoité par GE et Siemens

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AFP

Le gouvernement français tentait dimanche de faire valoir les intérêts stratégiques de la France et son souci pour l'emploi dans le dossier Alstom, alors que se tenait en fin d'après-midi un conseil d'administration du groupe, dont la branche énergie est convoitée à la fois par General Electric et Siemens.

Le conseil d'administration, qui s'annonçait mouvementé, a démarré vers 18H00, a annoncé à l'AFP une source proche du dossier.

Un peu plus tôt le gouvernement français avait haussé le ton, en affirmant souhaiter "disposer du temps nécessaire à un examen sérieux des propositions" sur la table, tandis que le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg reportait sine die son entrevue avec le patron américain de GE, Jeffrey Immelt, évoquée depuis vendredi.

Bien que l'Etat ne soit plus actionnaire de l'entreprise depuis 2006, le gouvernement, qui a mis la lutte contre le chômage et la désindustrialisation de la France au coeur de son projet politique, s'est invité avec force dans le dossier.

"Compte tenu des enjeux stratégiques pour l'industrie et l'économie française, le gouvernement n'acceptera pas qu'une décision soit prise, quelle qu'elle soit, dans la précipitation et sans l'instruction conjointe avec les intérêts de la nation des choix alternatifs", a ainsi prévenu le ministère de l'Economie.

"GE et Siemens sont deux investisseurs importants en France et des acteurs de premier plan au sein de notre tissu industriel national", a souligné le ministère, affirmant que "le gouvernement est prêt à examiner leurs projets avec le souci de préserver les intérêts de la base industrielle de la France et à y participer financièrement".

Le gouvernement "sera particulièrement ferme sur ses exigences de maintien et de créations d'emplois, d'investissements et de recherche-développement en France, ainsi que le maintien des centres de décision en France", a encore martelé le ministère de l'Economie dimanche. Il sera "extrêmement vigilant, s'agissant du maintien de l'excellence et de l'indépendance de la filière nucléaire française".

Les discussions entre le ministre et le patron de GE devaient porter sur le projet du mastodonte américain (305.000 salariés dans le monde et 146 milliards de dollars de chiffre d'affaires), de racheter les actifs d'Alstom dans l'énergie. Ces divisions "Power" et "Grid", spécialisées dans les équipements pour centrales thermiques, les lignes à haute tension ou encore les énergies renouvelables, représentent plus de 70% de l'activité d'Alstom et un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros.

- Siemens en trouble-fête -

Les négociations seraient déjà bien avancées avec le groupe français dirigé par Patrick Kron, pour une transaction estimée par la presse à quelque 10 milliards d'euros, qui ne concernerait pas la branche transport, fabriquant les trains à grande vitesse (TGV), source de fierté française. Le groupe diversifié Bouygues, premier actionnaire d'Alstom avec 29,4%, serait favorable à l'opération.

Mais l'Allemand Siemens est venu jouer les trouble-fête: dimanche matin, il a annoncé dans un bref communiqué avoir fait part à Alstom "de sa disposition à échanger sur les questions stratégiques soulevées par une coopération future".

Le groupe allemand aurait proposé par écrit de reprendre l'activité énergie d'Alstom convoitée par GE contre une somme en numéraire, à laquelle s'ajouterait "la moitié de sa branche transports", ont affirmé plusieurs médias.

Selon le quotidien allemand Handelsblatt à paraître lundi, qui dit avoir consulté ce courrier, Siemens évalue les activités d'énergie d'Alstom entre 10 et 11 milliards d'euros et aurait l'intention de "maintenir les emplois en France pendant au moins trois ans" avant de "continuer à développer l'activité".

Un rebondissement surprenant pour les analystes, car lors du sauvetage d'Alstom en 2003-2004 alors au bord de la faillite, l'Etat français s'était opposé à un rachat par Siemens.

Le groupe allemand craint visiblement de se retrouver face à un très puissant concurrent, qui plus est sur ses terres européennes, en cas de rapprochement entre GE et Alstom dans le domaine de l'énergie, l'une de ses sources majeures de revenus et de bénéfices.

Mais le PDG d'Alstom est viscéralement opposé à tout rapprochement avec le groupe allemand.

Dimanche matin, le dirigeant du syndicat Force Ouvrière Jean-Claude Mailly a estimé que l'Etat pourrait entrer temporairement au capital de l'industriel pour "peser sur le dossier", dans la mesure où Alstom est "sur des secteurs stratégiques".

Présent dans une vingtaine de villes de France, dont Belfort, qui abrite son siège européen, General Electric France emploie 11.000 salariés en France, contre 18.000 pour Alstom.

"GE est très respecté en termes de politique sociale", avait affirmé samedi à l'AFP une source proche du dossier.

Face à des salariés inquiets d'éventuelles réductions d'effectifs - une vingtaine d'entre eux ont manifesté dimanche devant le siège du groupe à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) -, la CGT a appelé à un rassemblement mardi à 08H30 devant le siège d'Alstom Transport à Saint-Ouen près de Paris en marge d'un comité central d'entreprise extraordinaire dédié à un projet de restructuration.

Source : AFP

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