Les "gueules cassées" de la forêt, derniers témoins végétaux de 14-18

  • Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014
    Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014 AFP - Jean-Christophe Verhaegen
  • Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014
    Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014 AFP - Jean-Christophe Verhaegen
  • Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014
    Un chêne criblé de balles pendant la Première Guerre mondiale est exposé dans l'église de Fey-en-Haye, le 2 juin 2014 AFP - Jean-Christophe Verhaegen
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AFP

Comme la chair des soldats, les arbres aussi ont été meurtris par la Grande Guerre, mitraillés par les balles, démembrés par les obus. Cent ans après, les dernières "gueules cassées" de la forêt témoignent toujours de la folie des hommes.

Dans une alcôve lumineuse de l'église de Fey-en-Haye (Meurthe-et-Moselle) se dresse un tronc de chêne de sept mètres de haut, le seul arbre à avoir survécu sur un secteur de la forêt du Bois-le-Prêtre, théâtre de combats acharnés entre Français et Allemands en 1915.

Le monolithe de bois n'a pas besoin de mots pour raconter son histoire. Les impacts de balles dont il est criblé, ses morceaux de ferraille incrustés, son trou percé par un obus parlent d'eux-mêmes.

"C'est un symbole de la guerre, de la mort, mais aussi de la vie", commente avec respect Jean-Paul David, l'ancien maire de Fey-en-Haye, artisan de la sauvegarde du chêne-relique.

En 2005 ce miraculé était encore à sa place d'origine mais "il était à l'agonie, pourri de l'intérieur et abîmé par des promeneurs qui en extrayaient des bouts de métal" en guise de souvenirs, raconte M. David.

Pour le préserver il fut abattu avec précaution, asséché puis traité deux ans durant, avant d'être installé dans l'église commémorative du village.

- Des arbres traceurs d'histoire -

Combien reste-t-il de ces témoins des combats dans les forêts du nord-est de la France ? Personne ne le sait avec exactitude. Ce qui est sûr, c'est qu'"ils sont de plus en plus rares, car ils vieillissent et sont parfois affaiblis" par leurs stigmates de guerre, relève Frédéric Steinbach, responsable en Lorraine de l'Office national des forêts (ONF) pour le patrimoine historique et archéologique.

En outre, seuls ceux qui n'étaient "pas commercialement exploitables et "remarquables d'un point de vue mémoriel" ont été conservés tels quels, rappelle-t-il.

Ce sont des "traceurs d'histoire, car quand on sait les lire, ils permettent de comprendre certains aménagements du front", poursuit M. Steinbach. Tel arbre avec des échelons métalliques était un observatoire militaire; d'autres ont avalé d'anciens potelets électriques, des bouts de rail ou fusionné avec des barbelés.

Pendant des décennies, les arbres mitraillés moins remarquables, destinés à la vente, ont été purgés dans les scieries. Jusqu'en 2004 l'ONF disposait d'un service de traitement des bois mitraillés dans les Vosges, où les billes de bois suspectes passaient sous un détecteur de métal avant la coupe.

- La renaissance de la forêt de Verdun -

Au total, selon les recherches effectuées dans 11 départements touchés par le conflit (hors Alsace-Moselle) par Jean-Paul Amat, chercheur en biogéographie historique à la Sorbonne, 78% des massifs forestiers y ont été endommagés, soit plus de 650.000 hectares.

Les dégâts ont été aussi bien causés par les combats que par l'exploitation massive des forêts voisines du front, pour le chauffage des troupes et l'édification de leurs positions.

Au lendemain de la guerre, la mission du reboisement, prise en charge par l'Etat dans les secteurs les plus dévastés - les "zones rouges" - s'annonçait titanesque. A Verdun par exemple, "en raison de la disparition totale de l'ambiance forestière, il était très difficile de faire repousser des feuillus au départ", rappelle M. Steinbach de l'ONF.

D'où l'introduction au début des années 1920 de résineux, plus résistants et à la croissance rapide, pour reconstituer les sols. Certains semis, comme le pin noir d'Autriche, ont été livrés par l'Allemagne au titre des réparations de guerre.

Des feuillus ont pu être progressivement réimplantés à partir de la fin des années 1970 dans la forêt de Verdun, qui reçoit vendredi le label national de "Forêt d'Exception".

A l'origine bon nombre d'anciens combattants étaient farouchement opposés au boisement du champ de bataille de Verdun, qu'ils associaient à un "voile de l'oubli". Cependant au vu de scanners 3D récemment réalisés au laser pour l'ONF, c'est précisément le linceul vert de la forêt qui a permis de conserver au mieux le champ de bataille, en préservant le sol.

Source : AFP

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