Voyage en classe affaires au sommet de l’élevage

  • Le 23e  Sommet de l’élevage a accueilli 80 000 visiteurs pendant 3 jours à Cournon-d’Auvergne.
    Le 23e Sommet de l’élevage a accueilli 80 000 visiteurs pendant 3 jours à Cournon-d’Auvergne. Philippe Routhe
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A cournon, Philippe Routhe

Agriculture. Durant trois jours, le 23e Sommet de l’élevage de Cournon d’Auvergne a draîné plus de 80000 visiteurs, dont de nombreux étrangers. À la clé, des échanges commerciaux qui pèsent.

Jeudi, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll se serait peut-être passé de mettre les pieds au Sommet de l’élevage, à Cournon-d’Auvergne. C’était un peu comme approcher un volcan qui fume... La nouvelle carte des zones vulnérables a en effet réveillé la colère d’agriculteurs croulant sous les directives administratives, et devant aussi faire face à des coûts revus à la baisse dans un contexte économique tendu, notamment avec la fermeture de la Russie. L’an passé, au Zénith d’Auvergne, le président de la République avait, lui, dû essuyer des sifflets... Seulement voilà, les représentants de l’État, soient-ils de gauche, ne peuvent faire l’économie de trimballer leurs mocassins dans cette grande ferme, à la rencontre d’une population traditionnellement bien ancrée à droite. Sur le plan des retombées économique, l’agriculture est une mamelle nationale dont il faut prendre soin. Première puissance agricole européenne, la France assure 18% de la production agricole de l’UE. Et elle demeure le premier producteur de bovins en Europe. Ce 23e Sommet de Cournon-d’Auvergne se veut donc incontournable. C’est une sorte de Salon de l’agriculture recentré sur l’intérêt commercial. Là, pas de vente de produits régionaux, de stands de tourisme ou de marchands du temple. Mais des bêtes racées, du matériel de pointe et des gens en costume cravate. À Cournon, on vient parler affaires. Dans toutes les langues. L’accueil est même dédié à l’international. On croirait un hall d’aéroport. Des visiteurs des cinq continents s’y croisent, souvent à l’invitation des différentes filières.

La race aubrac à l’honneur

Durant les trois jours du salon, matin et après-midi, des bus partent vers les exploitations. Les visiteurs peuvent ainsi se faire une idée du «pays» où grandissent les troupeaux. Certains optent pour les élevages de blondes, d’autres de limousines, etc. Cette année, la race aubrac étant à l’honneur, elle a drainé un peu plus de monde. Croates, Espagnols, Bulgares, Hongrois, Irlandais, Américains, Australiens, Sud-Américains et autres ont pris place dans les bus «Il arrive qu’il y en ait qui ne soient là que pour faire du tourisme», tempère un des guides. Mais il y a bien des «clients». Tel le secrétaire d’État roumain en charge de l’agriculture. Depuis plusieurs années, des contacts sont noués entre Roumains et «Aubraciens». «Nous souhaitons que les éleveurs viennent chez nous, en Roumanie, pour parler avec nos éleveurs. Notre objectif est d’installer des aubrac dans toutes les zones montagneuses du pays. Peut-être...», détaille un personnage influent de la délégation. Aujourd’hui, ce sont principalement des vaches de race Angus qui peuplent cette partie de l’Europe centrale. «On n’est pas là dans le cadre d’un achat direct explique Henry Peyrac, président de la race aubrac. C’est plutôt un système d’élevage, une manière de procéder que les visiteurs viennent observer.»

«Nénette» et ses 15 veaux 

Autant de raisons qui ont poussé la filière à soigner sa présence à Cournon. D’autant que des exploitants français ont aussi un œil attentif sur l’aubrac. « Nos éleveurs l’ont bien compris », sourit Henry Peyrac en observant la qualité des animaux présentés au concours national. Un exemple. Au cœur du ring, l’animateur met en avant Nénette. « Cette vache a 17 ans et a donné naissance à 15 veaux. Regardez comme elle est encore belle aujourd’hui. Avec un beau bassin. Quand le comptable voit une vache comme ça, il est content. Il sait qu’elle va rapporter » Le propos peut faire sourire, mais il est sans ambiguïté quant à l’intérêt commercial de tout ce décorum. Idem quand Henry Peyrac évoque les taureaux. Ils sont près de cent trente à avoir quitté leur pâturage. « C’est important qu’il y en ait beaucoup. Et les meilleurs. Ils font 50% du travail et pèsent énormément dans l’évolution du troupeau... » Un des vainqueurs du concours, avec son taureau, lâche à un journaliste: «J’espère que cela va nous faire gagner en notoriété. Notamment pour mettre en avant la qualité de nos futurs taurillons.» Il y a quelques années, Henry Peyrac pestait contre un gouvernement qui, dans ses déplacements internationaux, embarquait les vendeurs d’avions mais oubliait les éleveurs français et leur capacité à peser dans la balance commerciale. Un message peu à peu entendu. Jeudi, devant les agriculteurs, Stéphane Le Foll a dégainé tous les déplacements à l’étranger qu’il allait effectuer, notamment sur le pourtour méditerranéen, pour influencer le marché à l’export. Un peu avant, il avait redit que l’une des priorités du pacte de responsabilité était la compétitivité de l’agriculture. Du coup, les volcans ne sont pas entrés en éruption du côté de Cournon. Mais, dans les allées, cela n’aurait pas empêché les affaires... 

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