Ukraine: ballottés d'une guerre à l'autre, le triste destin d'étudiants étrangers à Donetsk

  • Des étudiants de l'université de médecine de Donetsk, classée l'an dernier comme la meilleure d'Ukraine, suivent un cours d'anatomie, le 5 décembre 2014
    Des étudiants de l'université de médecine de Donetsk, classée l'an dernier comme la meilleure d'Ukraine, suivent un cours d'anatomie, le 5 décembre 2014 AFP - Eric Feferberg
  • Kamal Umar Labavan, étudiant ghanéen de l'université de médecine de Donetsk, travaille dans sa chambre, le 5 décembre 2014
    Kamal Umar Labavan, étudiant ghanéen de l'université de médecine de Donetsk, travaille dans sa chambre, le 5 décembre 2014 AFP - Eric Feferberg
  • Bogdan Bogdanov, recteur de l'Université de médecine de Donetsk, le 5 décembre 2014
    Bogdan Bogdanov, recteur de l'Université de médecine de Donetsk, le 5 décembre 2014 AFP - Eric Feferberg
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Centre Presse Aveyron

Il avait quitté Bagdad dans l'espoir de faire ses études d'odontologie loin des bombardements. En 2006, alors qu'il posait les pieds hors d'Irak, Wissan était loin de s'imaginer que sa destination, Donetsk, dans l'Est de l'Ukraine, serait elle aussi en proie huit ans plus tard à un conflit meurtrier.

"J'ai voulu déménager à Donetsk car il y avait la guerre en Irak. Pour étudier. Ca bombardait à Bagdad en 2006. C'était très dur", explique Wissam Fawzi, 29 ans, dans les locaux de l'Université de médecine de Donetsk.

"J'avais des connaissances à Donetsk qui m'ont dit que la ville était jolie, que les gens étaient sympas", ajoute-t-il dans un russe parfait.

Mais aujourd'hui, un conflit meurtrier entre rebelles prorusses et forces loyalistes ukrainiennes, qui a fait plus de 4.300 morts en près de huit mois selon l'ONU, fait rage dans la région de cette "jolie" ville "sympa", devenue un des bastions de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR).

Les bombardements, quasi-quotidiens, résonnent jusque dans les locaux de l'université de médecine, classée la meilleure d'Ukraine l'année dernière.

Des panneaux indiquant les abris les plus proches sont visibles partout sur les murs de cette institution vieille de 84 ans.

"Parfois, ça fait peur. Quand les bombardements se rapprochent, quand le bruit est très fort, quand j'ai l'impression que c'est tombé juste à coté!", raconte un étudiant indien de 23 ans, refusant de donner son nom.

"Mes parents aussi se font bombarder. Et maintenant ils ont peur pour moi", déplore de son côté Mohammad Jaro, un jeune syrien de 24 ans.

- Fuite des étudiants -

Selon les chiffres délivrés par l'université, si plus de 2.000 étudiants étrangers, issus de 57 pays différents, étudiaient "avant la guerre" à la faculté de médecine, d'odontologie et de pharmacie, aujourd'hui ils ne sont plus que 84.

La plupart venaient d'Irak, de Syrie, de Palestine, du Nigeria, du Ghana, de Jordanie ou de pays de l'ex-URSS, attirés par le prix abordable et la qualité des enseignements dispensés, explique le recteur de l'Université de médecine, Bogdan Bogdanov.

C'est aussi "une tradition qui remonte à l'URSS. Nous avions des liens très forts avec ces pays et nous les avons conservés jusqu'à aujourd'hui", ajoute cet homme de 43 ans, qui a pris ses fonctions il y a un mois, suite au départ de son prédécesseur ayant lui préféré quitter la région, où les autorités de Kiev ont coupé le financement de tous les services publics.

A l'époque soviétique, plusieurs établissements avaient en effet pour objectif de former les futures élites des pays émergents, tout en propageant l'idéologie communiste.

Lorsqu'ils arrivent à Donetsk, les étudiants passent tout d'abord leur première année à étudier le russe et ont ensuite le choix entre des enseignements de médecine en langue locale ou bien en anglais.

- Diplôme russe? -

Outre la peur liée aux tirs et aux bombardements quasi-quotidiens, un autre élément préoccupe les étudiants : quel diplôme vont-ils recevoir? Et comment va-t-il être reconnu à l'étranger?

Haidar Al Humrani, 25 ans, originaire de Bassora dans le sud de l'Irak, a fait son choix: il part étudier à Odessa, ville du sud de l'Ukraine, sous contrôle des autorités de Kiev, où un enseignement en anglais est également dispensé.

Après plusieurs années passées à Donetsk, pas facile de quitter la ville. Mais il est impossible de rentrer chez soi sans avoir obtenu de diplôme, à moins d'accepter de tout recommencer à zéro.

"J'étais habitué à Donetsk. Mes amis, mon appartement sont ici. C'est mieux ici", martèle Haidar, le vague à l'âme, avant de récupérer auprès de l'administration de l'université les documents attestant de son transfert dans un autre établissement.

"Je vis déjà depuis cinq ans à Donetsk. Ca me plaît beaucoup. Je l'aime comme si c'était ma ville natale. Je me suis marié ici", renchérit pour sa part Bsharat Wusab, un Jordanien de 22 ans, pour qui il n'est pas question de partir.

Parmi ces derniers résistants, beaucoup se raccrochent à une idée, partagée par le recteur lui-même: obtenir un diplôme non plus ukrainien... mais russe.

"Le ministère de l’Éducation de la DNR travaille activement sur ces questions de certification et on espère qu'elles seront réglées bientôt et que nous recevrons un diplôme officiel avec le tampon russe", dit M. Bogdanov.

Source : AFP

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