Iran: Washington et Paris se méfient l'un de l'autre sur le nucléaire

  • Les présidents français et américain François Hollande et Barack Obama, en compagnie des Premiers ministres britannique et allemande David Cameron et Angela Merkel, lors du sommet du G20 à Brisbane le 16 novembre 2014
    Les présidents français et américain François Hollande et Barack Obama, en compagnie des Premiers ministres britannique et allemande David Cameron et Angela Merkel, lors du sommet du G20 à Brisbane le 16 novembre 2014 AFP/Archives - Glenn Hunt
  • Le secrétaire d'Etat américain John Kerry lors d'un discours à la Conférence sur le climat de Lima, le 11 décembre 2014
    Le secrétaire d'Etat américain John Kerry lors d'un discours à la Conférence sur le climat de Lima, le 11 décembre 2014 AFP - Cris Bouroncle
  • Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en compagnie du Prix Nobel de la paix 2007 indien Rajendra Pachauri, responsable du Giec, à Lima le 11 décembre 2014
    Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en compagnie du Prix Nobel de la paix 2007 indien Rajendra Pachauri, responsable du Giec, à Lima le 11 décembre 2014 AFP - Eitan Abramovich
  • Le président iranien Hassan Rohani en compagnie de son homologue azéri Ilham Aliyev à Bakou le 13 novembre 2014
    Le président iranien Hassan Rohani en compagnie de son homologue azéri Ilham Aliyev à Bakou le 13 novembre 2014 AFP/Archives - Vugar Amrullayev
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Centre Presse Aveyron

Les Etats-Unis et la France s'observent avec méfiance sur le dossier nucléaire iranien, un poker diplomatique où Washington soupçonne Paris de traîner des pieds pour sceller un accord quand les Français s'inquiètent in petto de la précipitation des Américains.

Régler une fois pour toutes le casse-tête du programme nucléaire de l'Iran et se réconcilier avec la République islamique sont des priorités du président Barack Obama. La France bataille aussi pour une sortie de crise mais est considérée depuis des années comme la plus intransigeante du groupe 5+1 (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) qui négocie avec Téhéran.

Officiellement, les deux alliés affichent leur "unité" pour trouver une solution avec Téhéran qui mette fin à 12 ans de tensions internationales.

Mais, reconnaissent des sources diplomatiques concordantes, en coulisses de ce bras de fer entre les grandes puissances et l'Iran, se joue aussi une lutte feutrée entre Washington et Paris. Leur relation a connu des hauts et des bas depuis la crise sur l'Irak en 2003 et pourrait être le maillon faible du 5+1 face à Téhéran.

En privé, des responsables américains s'inquiètent, voire s'agacent, de la France qui prétendrait, à tort disent-ils, être la plus dure contre l'Iran. Ils accusent leurs homologues français de beaucoup parler de leur expertise réelle sur le nucléaire iranien mais sans proposer grand chose, ni agir.

Critiqués mezza voce par les Américains, les Français refusent de riposter.

Mais lors des dernières négociations à Vienne fin novembre, l'ambassadeur de France aux Etats-Unis Gérard Araud a beaucoup tweeté en anglais: il prônait "patience et fermeté" lors de cette "bonne partie de poker", notant que si "un accord est crucial pour l'économie iranienne", il est seulement "important pour nous".

A l'adresse sûrement du secrétaire d'Etat John Kerry, réputé pour son optimisme et son activisme, un diplomate occidental met aussi en garde: "Nous ne devrions pas nous précipiter pour un accord, ce serait une erreur du 5+1 de se précipiter. La pression est sur l'Iran".

"Nous voulons un accord solide, pas un accord pour un accord", insiste-t-il.

Un autre diplomate souligne que si "les Iraniens veulent un accord, il n'est pas sûr qu'ils puissent en payer le prix", notamment sur le nombre de centrifugeuses et sur la capacité d'enrichissement, un point d'achoppement des pourparlers.

- Différences franco-américaines -

A Vienne il y a trois semaines, le 5+1 et l'Iran n'ont accouché que d'une prolongation de leurs négociations jusqu'en juillet 2015. Les tractations reprendront le 17 décembre à Genève.

Avant de se rendre dans la capitale autrichienne, John Kerry avait pris soin de s'arrêter à Paris pour s'assurer que son homologue Laurent Fabius et lui étaient sur la même longueur d'onde. M. Kerry redoutait, confient des responsables américains, que M. Fabius ne rejoue le psychodrame de début novembre 2013 lorsqu'il s'était opposé à une première mouture d'un accord provisoire avec l'Iran. Un texte amélioré avait été signé à Genève deux semaines plus tard, celui qui vient d'être prolongé jusqu'à l'été.

Kelsey Davenport, experte à la Arms Control Association à Washington, reconnaît que "la France et les Etats-Unis ont des avis différents sur les chances de parvenir à un accord". "Mais, dit-elle, un verre à moitié vide est aussi un verre à moitié plein".

- Succès pour Obama -

Un règlement sur le nucléaire représenterait un succès historique pour le président Obama qui a tendu la main à l'Iran. Il s'est entretenu au téléphone en septembre 2013 avec son homologue iranien Hassan Rohani et a écrit en octobre dernier au guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei. Les Américains ont également négocié en secret en 2011 et en 2012 avec les Iraniens sur le nucléaire. Les deux pays n'ont pourtant plus de relations diplomatiques depuis 1980.

Se réconcilier avec la grande puissance de l'Islam chiite ouvrirait en outre la voie à un rééquilibrage au Moyen-Orient pour les Etats-Unis, alliés des monarchies sunnites du Golfe.

La France, au contraire, bien qu'elle n'ait pas rompu avec l'Iran, a toujours tenu un discours extrêmement ferme sur le nucléaire, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy. M. Fabius a encore averti récemment: "L'énergie civile, oui. La bombe atomique, non". Paris s'est aussi beaucoup rapproché ces dernières années des puissances du Golfe, dont l'Arabie saoudite, grande rivale de l'Iran.

Et alors que la relation entre les Etats-Unis et Israël subit un très net coup de froid ces derniers mois, Paris se montre conciliant avec l'Etat hébreu, la bête noire de Téhéran.

Source : AFP

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