Ouedraogo, grand corps valable

  • Toujours jovial, le gaillard est l’un de ces rouages qui maintiennent le Roc sur les bons rails.
    Toujours jovial, le gaillard est l’un de ces rouages qui maintiennent le Roc sur les bons rails. JAT
Publié le
Maxime Raynaud

Focus. Adjoint du coach Kojic, sorte de super-intendant, le colosse est un un des hommes de l’ombre du Roc. Ce cheminot dans le civil, miné par une vilaine blessure, ne désespère pas de retrouver les parquets.

Pour quiconque ne suit pas le Roc au quotidien, Frédéric Ouedraogo, que tout le monde surnomme «Fred» - «sauf ma mère quand elle s’énerve», se marre-t-il-, est une de ces énigmes des clubs. Un homme de l’ombre, assis à la droite de l’entraîneur Milenko Kojic sur le banc, les soirs de matches.

Un de ces bénévoles si utiles pour lesquels «(la) rémunération c’est une poignée de main». Ou peut-être bien plus, en fait. Car le colosse (1,91 m, 98 kg), qui a bien du mal à passer inaperçu, doit aussi beaucoup au handball. «À un moment, c’était un exutoire, mon espace où souffler, où m’aérer», livre ce fils d’un père ancien instructeur commando burkinabé, champion de boxe anglaise, et d’une mère kabyle.

Arrivé en 2006 à Rodez, un peu par hasard, pour débuter une carrière de cheminot, le natif de Villeneuve-sur-Lot y a découvert le hand. C’était au Roc et le jeune homme de 24 ans, trimballé dans sa jeunesse de la Côte d’Ivoire à la Nouvelle-Calédonie jusqu’à Anthony en région parisienne, changeait d’horizon.  Après des années de taekwondo, au point d’en côtoyer les Bleus, Ouedraogo signait une licence au Roc «en équipe III et en pivot». Pour voir. «De dépannage en dépannage», la porte de l’équipe fanion, alors entraînée par Slavisa Risticevic, s’entrouvre. 

«Un peu “Pascal le grand frère “!»

Une préparation estivale en guise d’apéritif. Ce sera l’indigestion. D’abord un claquage au fessier puis l’engrenage. «J’ai arrêté le sport mais je continuais mon boulot à la SNCF. Sauf que debout dans le train, avec les vibrations, tout s’est aggravé», lâche le jeune papa de deux garçons de 4 et 2 ans. Résultat, des périostites (inflammation de la membrane qui entoure l’os) aux deux tibias le mènent un matin à ne plus se lever. «À 28 ans, ça fait flipper...»

C’est à ce moment, alors que la médecine enchaîne les diagnostics- «On me cherchait même un cancer, une maladie dégénérative» -, que le handball se mue en soupape. De décompression et de renaissance. Avec sa canne, nouveau compagnon de route imposé et haïe, Ouedraogo prend des airs de grand corps malade mais découvre la fonction d’adjoint. D’abord en réserve avant que Yann Joannel, nouveau chef de file du Roc version N2, ne vienne le chercher «pour ma proximité avec les joueurs et mon œil neuf. Et ça a marché.»

Statistiques, logistique: Ouedraogo est devenu le «Monsieur pratique» de l’équipe fanion et de Kojic qui l’a conservé depuis dans son staff. Une sorte d’Henri Émile, le super-intendant des footballeurs champions du monde 1998, pas vraiment dans le sportif mais davantage dans le psychologique. «Je suis un peu “Pascal le grand frère “!, lâche d’ailleurs dans un éclat de rire le garçon, faux calme mais vrai rigolard.

«Pour tout ce qui n’est pas du hand, les gars viennent vers moi. C’est valorisant et ça allège Milenko». Le Bosnien le lui rend bien. Son fils, Tin, ostéopathe au Roc comme à la vie, est celui qui a décelé le mal de Ouedraogo: une mauvaise cicatrisation autour du nerf sciatique. C’était en 2013, après 3 ans de questions et de doute. Aujourd’hui, après des séances à répétition de kiné et un adieu à sa canne, l’adjoint voit le bout. Du tunnel et de l’attente. À 32 ans. «J’ai le sentiment que jouer, pour moi ce n’est pas encore fini. Peu importe le niveau, ce serait une belle manière de boucler la boucle.» Et de prendre aussi une part de lumière.

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