Les tueurs de Charlie: un étrange mélange

  • Photos, diffusées le 8 janvier 2015 par la police à Paris, des suspects Cherif Kouachi (g) et son frère Saïd Kouachi (d), recherchés pour l'attentat contre Charlie Hebdo
    Photos, diffusées le 8 janvier 2015 par la police à Paris, des suspects Cherif Kouachi (g) et son frère Saïd Kouachi (d), recherchés pour l'attentat contre Charlie Hebdo Police/AFP
  • Des membres du GIPN à Corcy, près de Villers-Cotterêts le 8 janvier 2015 à la recherche des tueurs de Charlie
    Des membres du GIPN à Corcy, près de Villers-Cotterêts le 8 janvier 2015 à la recherche des tueurs de Charlie AFP - François Nascimbeni
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Centre Presse Aveyron

Redoutables kalachnikov en main, agissant de façon visiblement improvisée dans leur fuite: les frères Kouachi, tueurs présumés de Charlie Hebdo activement recherchés, sont un étrange et inquiétant mélange de professionnalisme et de comportement anarchique, estiment policiers et experts.

Les images, prises par un témoin depuis un toit voisin, des deux tireurs cagoulés, vêtus de noir, gilets porte-chargeurs sur la poitrine, qui progressent dans la rue à la façon de soldats d'élite et exécutent sans hésiter un policier gisant à terre, a glacé le sang des observateurs et révélé un entraînement quasi militaire.

"On le voit clairement à la façon dont ils tiennent leurs armes, dont ils progressent calmement, froidement. Ils ont forcément reçu une formation de type militaire. Ce ne sont pas des illuminés qui ont agi sur un coup de tête", assure une source policière, qui souligne qu'ils tiennent leurs pistolets-mitrailleurs serrés près du corps et tirent au coup par coup et non par rafales, ce qui démontre qu'ils ont été entrainés à s'en servir.

Les deux hommes connaissaient l'horaire de la conférence de rédaction de l'hebdomadaire, ils exécutent leur plan sans coup férir, sans être arrêtés par le policier armé chargé de la protection rapprochée de Charb, directeur de Charlie Hebdo, qui n'a pas eu le temps d'intervenir et fait partie des victimes. Puis dans leur fuite, ils croisent des policiers, qu'ils tuent ou mettent en fuite, leur tirant dessus avec une précision de combattants aguerris.

Mais la phase "exfiltration" de l'opération semble plus anarchique : ils percutent, alors qu'ils n'étaient pas directement pris en chasse, une automobiliste place du colonel Fabien, s'en sortent en braquant un conducteur pour lui voler une Clio grise. Dans le Citroën C3 noire qu'ils abandonnent, les enquêteurs découvrent la carte d'identité de Saïd Kouachi, qui les met immédiatement sur leur piste. Et jeudi, en Picardie, ils apparaissent dans la Clio grise, cagoulés, armes apparentes, dans une station-service dont ils agressent le gérant, qui immédiatement les identifie et donne l'alerte.

- 'Dérive dangereuse' -

"Ils ne pensaient sans doute pas s'en sortir et n'avaient certainement pas planifié leur fuite avec autant de soin qu'ils avaient monté l'attaque contre le journal", confie jeudi à l'AFP une autre source policière, qui demande à rester anonyme. "Ils pensaient peut-être y rester, mais pas au point de se barricader dans l'immeuble de Charlie et attendre le Raid. Ils ont eu l'occasion de se tirer, ils l'ont fait. Mais depuis, manifestement ils improvisent."

L'ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE, Alain Chouet, commente pour l'AFP la découverte de la carte d'identité dans la C3 en disant: "Certes, cela a un petit côté Branquignols, mais vous savez, dans les opérations les mieux montées, il y en a toujours un qui fait le con. Dans l'action, ils ont montré qu'ils étaient bien formés, qu'ils avaient du sang-froid, mais comme n'importe quel gang de gros truands de banlieue qui montent une attaque de fourgon blindé, à l'arme de guerre et au lance-roquette."

"Ce que je trouve très inquiétant", ajoute-t-il, "c'est qu'on n'est plus dans la dimension psychotique, comme ce fut le cas avec Mohamed Merah ou Jérémie Sydney" (chef de la cellule islamiste dite de Cannes-Torcy). "On assiste à une dérive dangereuse, qui voit les techniques du grand banditisme appliquées à autre chose, au terrorisme. Cela veut dire qu'il y a beaucoup plus de candidats potentiels, et c'est vraiment inquiétant."

Pour sa part Eric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), souligne lui aussi dans l'action des deux tireurs "une amélioration notable des techniques d'attaque. Mais pour le reste, pour la suite, c'est-à-dire les méthodes d'exfiltration et de survie dans la clandestinité, c'est beaucoup moins brillant. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en quelques jours on peut former quelqu'un à utiliser une kalachnikov et à bien se déplacer arme en main. Mais apprendre à survivre longtemps dans la clandestinité, c'est une toute autre affaire..."

Source : AFP

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