Criolo, le Brésil brille à la rue

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Monsieur L’ouïe

Je n’aurais de cesse de le répéter : si vous ne savez pas comment chanter ou dire quelque chose, chantez-le ou dites-le en brésilien. Tout de suite, ça chante, ça balance, ça remue. Alors que les autres langues sont souvent cantonnées à une spécialité musicale (l’anglais pour le rock, l’espagnol pour le flamenco, l’alsacien pour les flammenküches et le français pour... les chansons françaises), le brésilien, lui, s’adapte à tout, ou plutôt il adapte tous les styles à son flow musical.

«Enchantééééé..»

Prenez par exemple le rap ou le hip-hop: alors que l’anglais ou le français soit te rendent neurasthénique agressif soit te donne l’impression, à l’écoute, de passer ta vie les deux pieds dans un bloc de ciment au fond d’une cuve de mazout, dans une cave oubliée d’une barre béton d’une riante cité où même les oiseaux vivent dans des parpaings, le brésilien, lui, non.

Tout à coup, tu vois des couleurs: «Enchantééééé..». Tout à coup, bordel (si vous permettez de dire bordel; non ? Soit, je ne dirai pas bordel), tout à coup, diantre, le hip-hop chante, des rayons de soleil pénètrent au fin fond des caves des cités, nos hanches balancent et presque nos zygomatiques s’épanouissent et s’alanguissent comme si nous étions sur une plage au bord d’une mer toute de rose vêtue. Et cet excellent album de Criolo vous résume l’affaire.

Brillant, malgré la misère

Criolo, il a quitté son Nordeste natal et ses pauvres paysans pour descendre 3000 kilomètres, dans une banlieue pauvre de Sao Paulo. Et depuis une vingtaine d’années, le bonhomme est l’une des figures d’un hip-hop brésilien aux couleurs des murs de sa banlieue et de son pays. Brillant, malgré la misère.

Car le hip-hop de Criolo, même s’il se sert des traditions musicales du Brésil, même s’il chante comme aucune autre banlieue dans le monde, ne perd pas de vue la situation sociale. La lutte de tous les jours des enfants des rues, un pauvre qui doit montrer patte blanche pour s’en aller servir des riches dans une propriété privée, les affres d’un SDF accro du crack: ce nouvel opus de Criolo a trouvé son inspiration lors de la récente Coupe du monde de foot, moins (quoiqu’un peu certainement) dans le 7-0 que la Seleçao s’est prise à domicile face aux Teutons que dans les manifestations de rue qui se sont produites avant la grand-messe des types en short.

Chaleur et nature tropicale

La critique sociale est omniprésente, mais Criolo sait la manier entre amertume, colère et ironie. Et digresse volontiers vers des sujets plus légers. Au final, sujets lourds ou légers, on remue pareil. Car Criolo a sorti sa belle plume, saluée depuis belle lurette par les critiques musicaux, et a convoqué son bouddha pour une superbe galette. Si la base sonore et le squelette en reste le hip-hop, les morceaux voyagent souvent, dansla musique du Nordeste, les tambours de la samba, la chanson, le reggae, des guitares qui partent en solo, des parfums d’afrobeat...

Une richesse musicale, enfin bref, bien urbaine car venue des banlieues sud de Sao Paulo, mais bourrée de la chaleur et de la nature tropicale brésilienne. «Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil», chantait Aznavour. Peut-être... À condition d’écouter Criolo et son hip-hop bouddhique. Tenez, si vous voulez, je vous prête mes oreilles, et régalez-vous, par exemple, sur «Casa de papelao», «Pegue pra ela» ou «Fio de prumo». Chaleur garantie sans fioul.

Criolo, le Brésil brille à la rue
Criolo, le Brésil brille à la rue

Criolo, «Convoque seu buda», chez Sterns

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