Procès Bettencourt: une milliardaire aux facultés très diminuées en 2011

  • Un des experts psychologue Bruno Daunizeau au tribunal de Bordeaux le 16 février 2015
    Un des experts psychologue Bruno Daunizeau au tribunal de Bordeaux le 16 février 2015 AFP - Mehdi Fedouach
  • Sophie Gromb, médecin légal, à son arrrivée au tribunal le 16 février 2016 à Bordeaux
    Sophie Gromb, médecin légal, à son arrrivée au tribunal le 16 février 2016 à Bordeaux AFP - Nicolas Tucat
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Centre Presse Aveyron

Difficulté à dire son âge, son lieu de résidence ou à répondre à des questions sur son quotidien : cinq experts médicaux chargés d'examiner Liliane Bettencourt en 2011 ont dressé lundi le portrait d'une femme aux facultés mentales particulièrement diminuées, souffrant d'une "démence" à un stade modéré.

Les experts -- deux neurologues, un médecin ORL, un psychologue, placés sous la direction de Sophie Gromb, medécin légal -- s'étaient rendus le 7 juin 2011 au domicile de la milliardaire, alors âgée de 88 ans, à la demande du juge d'instruction bordelais Jean-Michel Gentil.

Dans leur rapport, les cinq praticiens, également chargés d'analyser l'ensemble de son dossier médical, avaient estimé que la vulnérabilité de la vieille dame remontait à septembre 2006, date retenue pour le début des faits d'abus de faiblesse, recel et blanchiment, pour lesquels dix hommes sont jugés jusqu'au 26 février à Bordeaux.

La chute de la vieille dame en Espagne, à cette époque, "marque le début des troubles les plus apparents", a rappelé à la barre la neurologue Sophie Auriacombe, indiquant que l'expertise avait conclu que l'héritière de L'Oréal souffrait d'une "démence à un stade modérement sévère", associant maladie d'Alzheimer à des symptômes de troubles vasculaires.

Elle souffrait également de "troubles cognitifs" touchant l'orientation spatio-temporelle, a rappelé la praticienne, tandis que le médecin ORL a évoqué une surdité sévère "évolutive", avec une "vitesse d'aggravation importante".

- 'Très femme du monde' -

A l'appui de leurs conclusions, les experts ont rendu compte à la barre des entretiens menés avec la milliardaire dans la matinée du 7 juin 2001, en présence de son ex-infirmier Alain Thurin, chargé de lui répéter leurs demandes "à l'oreille" en raison de son handicap auditif.

La neurologue a fait d'abord état de la difficulté pour la vieille dame de comprendre une batterie de questions simples, sur elle-même ou sa vie du moment. "Lorsque je lui demande quelle année nous sommes, elle a beaucoup de mal à comprendre ce que je veux lui dire", a détaillé la spécialiste, tout comme sa difficulté à dire le lieu où elle se trouvait.

La neurologue a également souligné l'incapacité de la vieille dame à lui répondre sur son âge. "Mais elle sait sa date de naissance" car les "informations sur-apprises sont connues", a-t-elle relevé. Selon elle, Liliane Bettencourt était par ailleurs incapable de répéter trois mots qu'elle venait de lire ou de lui répondre sur son programme de la journée.

Même difficulté devant le "test très simple de vocabulaire" proposé par le Dr Bruno Daunizeau, psychologue. "Elle n'a pas été capable de répondre à la moindre question", a expliqué l'expert, relevant des réponses stéréotypées d'une "femme courtoise, très femme du monde", telles que "oui, oui, je vois", mais finalement "n'arrivant pas à répondre".

Selon le Dr Jean-François Dartigues, neurologue, la discussion avec la milliardaire pouvait avoir une "certaine cohérence" quand les "questions venaient d'elle". "Une attitude qu'elle a dû peaufiner tout au long de son existence" en raison de son statut de "fille unique promise à un avenir grandiose" dans un "univers tout à fait à part", a confirmé le psychologue.

- 'Abuser son interlocuteur' -

"Il est plausible d'imaginer que si elle a l'initiative de la conversation", Liliane Bettencourt "pouvait tout à fait abuser son interlocuteur", a-t-il ajouté. L'expertise n'était qu'une photographie à un instant donné, a-t-il toutefois insisté.

L'expertise judiciaire, la toute première réalisée sur la milliardaire, avait été au coeur d'une polémique, la défense dénonçant la partialité des examens menés par le Dr Gromb, suffisamment proche du juge Gentil pour être témoin à son mariage. La cour de cassation avait finalement validé l'expertise.

A l'audience, les avocats de la défense sont revenus à la charge sur la validité du travail des experts, les accusant d'avoir privilégié certains documents médicaux tout en en délaissant d'autres.

Aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, Liliane Bettencourt est la grande absente du procès.

Source : AFP

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