Grèce: double discours du gouvernement pour rassurer Bruxelles et le peuple

  • Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem le 24 février 2015 à Athènes
    Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem le 24 février 2015 à Athènes AFP/Archives - John Thys
  • Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis le 24 février 2015 à Athènes
    Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis le 24 février 2015 à Athènes AFP/Archives - Aris Messinis
  • Grèce: vers la réduction du déficit
    Grèce: vers la réduction du déficit AFP - J.Bonnard, -
  • Le Premier ministre grec Alexis Tsipras au Parlement, à Athènes, le 24 février 2015
    Le Premier ministre grec Alexis Tsipras au Parlement, à Athènes, le 24 février 2015 AFP/Archives - Aris Messinis
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Centre Presse Aveyron

Assurer aux Européens que l'on se conformera à leurs exigences, rassurer les Grecs sur les marges de manœuvre disponibles pour œuvrer en leur faveur: le gouvernement d'Alexis Tsipras manie ces jours-ci un double discours qui illustre sa position délicate.

Mardi, Athènes a reçu le feu vert de la zone euro à l'extension jusqu'à fin juin du programme d'aide qui maintient le pays à flot, en échange d'engagements de réformes.

Au passage, le gouvernement grec sorti des urnes fin janvier et élu sur une promesse de rupture avec l'austérité, a fait un pas vers Bruxelles sur deux gros sujets qui fâchaient, l'abandon des privatisations - celles achevées ne seront pas remises en cause - et le relèvement du salaire minimum, qui n'est plus ni daté ni chiffré.

Et Athènes, qui voulait s'affranchir de la tutelle de ses créanciers internationaux, "s'est engagée à travailler en étroite union avec les partenaires européens et les institutions". "Nous serons clairement sous contrôle" notamment de la Commission européenne pendant les quatre mois à venir, a reconnu une source haut placée au ministère des Finances.

- "Grand écart" -

Mais alors que le journal libéral Katherimini, libéral et critique du gouvernement, titrait mercredi sur "le recul", l'équipe dirigeante faisait le service après-vente à Athènes, s'attachant à expliquer en quoi les propositions faites à Bruxelles collaient parfaitement avec le programme de Syriza, le parti de gauche radicale de M. Tsipras.

"Le gouvernement Tsipras doit faire un grand écart incroyablement périlleux", commentait pour l'AFP Susanna Vogt, politologue et directrice de l'antenne grecque de la Fondation Konrad-Adenauer, proche du parti conservateur allemand. "Avec un jeu sur la double communication il essaie de rendre justice aux attentes en tout genre qu'il a suscitées pendant la campagne électorale et depuis l'arrivée au pouvoir", analyse-t-elle.

Alors qu'à Bruxelles Athènes insiste sur le sérieux de ses engagements, mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis, a salué le fait que l'accord trouvé avec les Européens "consiste en des généralités sur beaucoup de points". Il estime qu'ainsi, les propositions "laissent du champ" au gouvernement pour mener sa politique.

Ainsi mercredi soir, une source gouvernementale indiquait que la vente de 14 aéroports récemment emportée par une société allemande, et "toutes les privatisations en cours", seraient "réexaminées", une formulation plus favorable sans être forcément contradictoire avec la promesse aux créanciers selon laquelle "les procédures d'appels d'offre déjà lancées seront respectées, en accord avec la loi".

"Dans certains domaines oui, ils ont de la marge de manoeuvre", explique à l'AFP Michalis Spourdalakis, professeur de sociologie politique à l'université d'Athènes. "Ils promettent par exemple d'améliorer la collecte de l'impôt, mais il y a des tas de manière de faire cela, ou bien la modernisation des services publiques, c'est vague, cela peut vouloir tout dire", relève-t-il.

- tous attendent du concret -

Tout ce qui engendrera un coût sera toutefois soumis à l'étroit contrôle des institutions (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), dans la mesure où Athènes s'est engagé à ne rien dépenser sans financement équivalent.

Pour le moment, le numéro d'équilibriste du gouvernement ne lui a pas aliéné son électorat. Quelques critiques isolées sont venues de l'aile gauche de Syriza, ou du doyen de la gauche, l'eurodéputé Manolis Glezos, 92 ans.

"La plupart des gens dans le pays savent bien, au fond, que pour le moment c'est tout ce que (le gouvernement) était en mesure d'atteindre", commente M. Spourdalakis. Mais "si dans les six mois qui viennent ils font plus de concessions, ou ne s'attaquent pas à certaines choses qui ne coûtent pas un sou, comme les violences policières", le soutien pourrait rapidement fléchir, prévient-il.

Les gens ont voté Syriza - qui a réalisé un score de 36% aux élections du 25 janvier - "parce qu'ils voulaient un vrai changement dans le pays", relève Mme Vogt, et les électeurs grecs seraient "les vrais perdants" d'un échec du gouvernement.

Dans le même temps les partenaires d'Athènes, dans un premier temps "relativement détendus" face à la rhétorique utilisée par l'équipe Tsipras en interne, attendent maintenant du concret, ajoute-t-elle, et à cet égard "une communication à double entrée ne sera pas d'une grande utilité".

Source : AFP

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