Les enjeux et les acteurs du conflit à Radio France

Radio France est au coeur d'un conflit social qui dure depuis trois semaines la plus longue grève de son histoire - avec pour enjeu des suppressions d'emplois, des finances mal en point, un chantier colossal de rénovation et le sort de son PDG, Mathieu Gallet.

Des départs

Radio France emploie 4 380 salariés en CDI (2.881 à Paris et 1.499 en région), dont 756 journalistes et 635 techniciens. Mathieu Gallet a proposé un plan de 300 à 380 départs volontaires, en priorité pour les seniors, assortis de 50 créations de postes dans des métiers nouveaux. Les syndicats sont vent debout contre cette proposition. Fleur Pellerin, ministre de la Culture, a averti que l'emploi ne doit pas être "la seule variable d'ajustement". 

Des déficits

Radio France a adopté fin janvier son budget 2015, déficitaire de 21,3 millions d'euros, une première dans son histoire. Un déficit "dont l'augmentation devrait être rapide" si rien n'est fait, s'inquiète la Cour des comptes. Sur ses 663,9 millions d'euros de budget, 90% proviennent de la contribution à l'audiovisuel public (redevance). Les recettes publicitaires - 40 millions d'euros en 2014 - ne représentent elles que 6% du budget. Fleur Pellerin s'est opposée à une hausse du volume de publicité tout en se disant ouverte à de "nouvelles catégories d'annonceurs". 

Un chantier pharaonique

Le chantier de la Maison ronde, en cours depuis 2009, est la plus importante rénovation d'un bâtiment occupé en France. Pour la Cour des comptes, "la dérive financière du chantier" (passé de 262 à 575 millions d'euros courants) a contribué au "déséquilibre des comptes de l'entreprise". Mathieu Gallet a demandé à l'Etat une rallonge d'urgence pour payer la fin du chantier. Fleur Pellerin s'est engagée sur "une dotation en capital" pour financer la fin du chantier, qu'elle n'a pas chiffrée. 

Un bémol sur la musique

Radio France compte quatre formations musicales: deux orchestres, un choeur d'adulte et une maîtrise (choeur d'enfants). Si la maîtrise, dont les enfants en formation ne sont pas rémunérés, ne fait guère débat, les autres formations sont jugées "nombreuses et coûteuses" par la Cour des comptes.

L'option de la fusion des orchestres (258 équivalents temps plein), proposée par la Cour des comptes, a été écartée par Fleur Pellerin. Une baisse des effectifs semble le scénario le plus probable. Ces quatre formations coûtent 60 millions d'euros par an et ne rapportent que 2 millions de billetterie, selon Mathieu Gallet.

Le PDG, la ministre et le gendarme

Mathieu Gallet : à 38 ans, le jeune dirigeant à l'ascension fulgurante se retrouve en pleine tourmente, fragilisé par le conflit et des révélations du Canard enchaîné sur ses dépenses.

La semaine dernière, il s'est défendu pied à pied, a exclu de démissionner et dénoncé "une chasse à l'homme". Fleur Pellerin, la tutelle : la ministre de la Culture a "convoqué" à deux reprises le PDG depuis le début de la grève. Elle lui a renvoyé sa copie sur le plan stratégique, réclamant des modifications.

Exprimant leur défiance vis-à-vis des projets du PDG, les syndicats ont demandé à la ministre "d'intervenir en tant que médiatrice". Le CSA: le Conseil supérieur de l'audiovisuel, gendarme du secteur, a renouvelé sa confiance à Mathieu Gallet, qu'il a nommé l'an dernier à l'unanimité, un choix qui avait surpris à l'époque. Il est le seul à pouvoir lui retirer son mandat.