Bettencourt acte 3: la juge Prévost-Desprez nie avoir violé le secret professionnel

  • La magistrate Isabelle Prévost-Desprez (D) et son avocat, Francois Saint-Pierre, le 8 juin 2015 à Bordeaux
    La magistrate Isabelle Prévost-Desprez (D) et son avocat, Francois Saint-Pierre, le 8 juin 2015 à Bordeaux AFP - MEHDI FEDOUACH
  • Le journaliste du Monde Jacques Follorou le 5 septembre 2013 à Bruxelles Le journaliste du Monde Jacques Follorou le 5 septembre 2013 à Bruxelles
    Le journaliste du Monde Jacques Follorou le 5 septembre 2013 à Bruxelles AFP - John Thys
  • Me Georges Kiejman à Paris le 14 novembre 2014 Me Georges Kiejman à Paris le 14 novembre 2014
    Me Georges Kiejman à Paris le 14 novembre 2014 AFP/Archives - Joel Saget
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Centre Presse Aveyron

La juge Isabelle Prévost-Desprez a nié lundi, au premier jour de son procès à Bordeaux, avoir violé le secret professionnel dans l'enquête sur l'affaire Bettencourt, dont elle fut un acteur-clé, avant d'en être dessaisie avec le dépaysement du dossier loin de Nanterre.

La présidente de la 15e chambre correctionnelle de Nanterre est notamment soupçonnée d'avoir divulgué, dans des échanges téléphoniques, les détails d'une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt le 1er septembre 2010. Une perquisition dont elle avait la charge et qui était relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, avec qui la magistrate avait co-signé quelques mois plus tôt un livre : "Une juge à abattre".

Mme Prévost-Desprez, 55 ans, "conteste absolument" avoir commis un tel délit, passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. Elle maintient n'avoir eu que des "discussions personnelles" avec M. Follorou, "un ami" de longue date, ou avec de nombreux autres journalistes.

L'enquête avait bien identifié des SMS échangés avec M. Follorou au début de la perquisition sans pouvoir établir le contenu de ces messages, dont rien ne prouve formellement qu'ils soient à l'origine des "fuites".

Le président du tribunal correctionnel de Bordeaux, Denis Roucou, s'est d'ailleurs intéressé à d'autres SMS. Comme celui envoyé, peu après le début de la perquisition, par l'infirmier de Liliane Bettencourt, Alain Thurin - poursuivi pour abus de faiblesse au détriment de la milliardaire dans un autre volet de l'affaire - à Marion Bougeard, "conseil en communication" de l'héritière de L'Oréal qui gérait alors ses relations avec la presse.

Et M. Roucou de déplorer que les investigations n'aient pas été aussi poussées sur ces SMS d'Alain Thurin que sur ceux de Mme Prévost-Desprez...

Pour expliquer les poursuites à son encontre, la juge et deux témoins cités par sa défense ont longuement évoqué lundi "l'ambiance délétère" qui régnait en 2010 aux TGI et Parquet de Nanterre. Une lutte d'influence menée par certains magistrats, le procureur Philippe Courroye en tête, contre leurs collègues du siège, motivée par des amitiés politiques coupables, selon Mme Prévost-Desprez.

- 'Théâtre d'intrigues incessantes' -

Appelé à témoigner par la défense, Benjamin Blanchet, substitut du procureur Courroye en 2010, a comparé le TGI à "un théâtre d'intrigues incessantes" où lui-même était considéré comme un "traître" pour ses bonnes relations avec Mme Prévost-Desprez.

Il a affirmé "solennellement" n'avoir "jamais été témoin de la commission par Mme Prévost-Desprez du moindre manquement".

La procédure contre la juge est née d'une plainte pour "violation du secret professionnel" déposée par Me Georges Kiejman, alors avocat de Liliane Bettencourt.

Pour Mme Prévost-Desprez et son conseil, Me François Saint-Pierre, il ne fait aucun doute que cette plainte était une tentative de "déstabilisation" de Mme Prévost-Desprez visant à "l'évincer" d'un dossier politiquement sensible. L'enquête s'intéressait alors aux liens éventuels entre la milliardaire et le financement de l'UMP, parti du président alors en exercice, Nicolas Sarkozy. L'ex-chef de l’État, soupçonné d'abus de faiblesse dans un autre volet du dossier, a bénéficié d'un non-lieu en 2013.

"La plainte visait à l'empêcher par tous les moyens d'aller jusqu'au bout", a assuré pour la Défense Bruno Houssa, juge assesseur de Mme Prévost-Desprez à Nanterre.

"Me Kiejman n'a pas agi dans l'intérêt de sa cliente", a renchéri Mme Prévost-Desprez, invitée à préciser les motifs de l'ancien conseil de Mme Bettencourt, par Benoît Ducos-Ader, aujourd'hui avocat de la milliardaire, âgée de 92 ans et atteinte de la maladie d'Alzheimer.

Dès le lendemain de la plainte de Me Kiejman, le procureur Courroye diligentait une enquête pour trouver la source des "fuites" publiées par Le Monde.

En guerre ouverte avec son ancien collègue du pôle financier de Paris, la juge a dénoncé les forts soutiens politiques de M. Courroye dont il se prévalait alors en évoquant sa prochaine nomination au poste de procureur de Paris. Il avait donc tout intérêt à bloquer les "investigations dangereuses" autour de la fortune de Liliane Bettencourt et du financement du parti de M. Sarkozy, selon la juge.

Ces investigations ont finalement abouti après le dépaysement en novembre 2010 de l'affaire à Bordeaux, loin des passions de Nanterre.

Le procès doit reprendre mardi à 9h30 avec le réquisitoire et les plaidoiries.

Source : AFP

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