Soupçons de chantage contre le Maroc: 2 journalistes français mis en examen

  • Un homme lit le quotidien marocain Al-Massae, qui présente en une les portraits des journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés de tentative de chantage du roi, le 29 août 2015 à Rabat
    Un homme lit le quotidien marocain Al-Massae, qui présente en une les portraits des journalistes français Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés de tentative de chantage du roi, le 29 août 2015 à Rabat AFP - FADEL SENNA
  • Eric Laurent le 30 août 2006 à Jouy-en-Josas
    Eric Laurent le 30 août 2006 à Jouy-en-Josas AFP/Archives - PIERRE VERDY
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Centre Presse Aveyron

Abandon d'un projet de livre contenant des informations supposées gênantes en échange de deux millions d'euros: deux journalistes français soupçonnés d'avoir fait chanter le royaume du Maroc ont été mis en examen à Paris mais l'un d'eux a contesté toute extorsion samedi.

Eric Laurent et Catherine Graciet, qui préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, dont la sortie était prévue en début d'année prochaine selon les Editions du Seuil, ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi pour chantage et extorsion de fonds, a affirmé à l'AFP une source judiciaire.

Ils ont été laissés libres sous contrôle judiciaire. Via son avocat William Bourdon, Eric Laurent a contesté samedi toute infraction.

Certes, il a bien cherché un "accord financier" avec le Maroc autour de son livre, mais sans chantage. Il a au contraire dénoncé un "traquenard" et une "manipulation" de Rabat, assurant qu'il réclamera un non-lieu.

Cette affaire rocambolesque intervient alors que les relations, souvent passionnées, entre le royaume chérifien et la France connaissent une embellie, après plus d'un an de brouille provoquée par une autre affaire judiciaire, une enquête française portant sur des accusations de torture à l'encontre du chef du contre-espionnage marocain.

Les deux journalistes ont été interpellés jeudi à Paris et placés en garde à vue à la sortie d'un rendez-vous avec un représentant du Maroc au cours duquel "il y a eu remise et acceptation d'une somme d'argent", a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

Vendredi, l'avocat de Catherine Graciet, Me Éric Moutet a aussi concédé un "deal financier", tout en évoquant "un piège".

- "Enregistrements sauvages" -

L'affaire a débuté le 23 juillet quand Eric Laurent a contacté une première fois le cabinet royal marocain en indiquant qu'il préparait un livre, selon le récit de l'avocat du Maroc, Me Eric Dupond-Moretti. Une première rencontre est organisée à Paris avec un représentant du Maroc à qui "Eric Laurent dit +écoutez, moyennant 3 millions d'euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet", a raconté l'avocat.

"Rien dans le dossier n'établit (...) que l'un ou l'autre des journalistes aurait initié une discussion de nature financière et pas plus n'aurait exigé un paiement en contrepartie de la renonciation à publier le livre", a contesté le défenseur du journaliste.

Eric Laurent, 68 ans, n'est pas un inconnu au Maroc. Il a publié en 1993 un livre d'entretiens avec l'ancien monarque Hassan II, père de l'actuel roi. Début 2012, il a publié, avec Catherine Graciet cette fois, un livre accusateur contre Mohammed VI, "Le roi prédateur". L'édition du journal espagnol El Pais avait été interdite sur le territoire marocain le jour où le quotidien avait publié les bonnes feuilles du livre.

Après le premier rendez-vous, le Maroc a porté plainte et une enquête a été diligentée par le parquet de Paris, qui a ouvert mercredi une information judiciaire.

Dans ce cadre, des réunions ont été organisées, "des rencontres filmées, enregistrées, entre le représentant du roi" et les journalistes, selon Me Dupond-Moretti.

"C'est précisément l'avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages", a affirmé de son côté le conseil de Catherine Graciet. "Un traquenard", résume William Bourdon, qui dénonce une "opération politique" de Rabat contre deux journalistes critiques, "dont l'enquête est de nature à révéler de lourds secrets".

Selon l'avocat du Maroc, au cours de ces réunions, les journalistes auraient accepté de transiger à deux millions d'euros et sont sortis du dernier rendez-vous, jeudi", avec "un acompte substantiel de 40.000 euros chacun".

Me Dupond-Moretti a évoqué l'existence d'un "contrat signé" par les deux journalistes. Sur cette lettre manuscrite, dévoilée par BFM, ils écrivent notamment qu'ils "n'écriront plus rien sur le royaume du Maroc". En contrepartie, "nous confirmons avoir reçu à ce jour une avance de 80.000 euros", ajoutent-ils.

Source : AFP

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