Dans les écoles aveyronnaises, le jour d'après expliqué aux enfants

  • «Il ne faut surtout pas minimiser leurs ressentis».
    «Il ne faut surtout pas minimiser leurs ressentis». Illustration
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R.B avec F.C et PA-D.S

Education. Rassurer, expliquer, organiser une minute de silence, l'école se mobilise pour accueillir lundi des élèves parfois choqués ou désorientés par la masse d'informations ou de rumeurs liées aux attentats du début du week-end.

Redoutée par les uns, attendue par d’autres, la reprise des cours, ce matin, après les attentats, sera différemment vécue par les enseignants. «C’est forcément un moment délicat», expliquait hier une enseignante d’un quartier ruthénois. «C’est flou, on ne sait pas encore ce qu’on va faire, c’est arrivé ce week-end, et on ne s’est pas vu avec les collègues, donc on verra ça lundi matin», poursuit-elle. À l’image de tous ses collègues sur le territoire national, cette dernière a bien reçu hier les préconisations de sa ministre de tutelle. «On nous conseille de laisser les enfants s’exprimer. Il faut que cela sorte. On nous dit aussi de ne surtout pas minimiser leurs ressentis. Et puis on va aussi faire une minute de silence tous ensemble.»

«Cette fois, les attaques ont visé des gens comme eux»

Enseignante d’une classe mélangeant des élèves de CE1 et de CE2, la Ruthénoise déclare toutefois avoir plusieurs idées pour ce matin. «On va changer la configuration de la classe et mettre les tables en rond pour que les enfants puissent discuter. Avec une de mes collègues on a aussi pensé à mettre de grandes feuilles blanches et des crayons dans la cour de récréation, afin que les enfants puissent laisser libre cours à leur imagination. En classe aussi on va faire des dessins. Le drapeau français par exemple, avec le drapeau de leur pays d’origine, s’ils en ont un. Il faut que cela sorte», répète encore l’enseignante.

Pas de parallèle avec «Charlie»

Pas question pour autant de faire le parallèle avec les événements survenus en janvier. «Dans l’esprit de certains des enfants ce n’était pas du tout la même chose. Pour quelques-uns, heureusement une minorité, les cibles des attaques, à l’époque -les dessinateurs de Charlie Hebdo - [CIT]étaient moins défendables. On leur avait mis dans la tête que ce qu’ils avaient fait (des caricatures) n’était pas bien. Alors que cette fois, les terroristes s’en sont pris à des gens comme eux. C’est différent. Alors, les enfants vont certainement nous demander s’ils risquent quelque chose eux aussi. Il va falloir être pédagogue et les rassurer», conclut celle qui réfléchit pour associer les parents d’élèves à la minute de silence qui sera organisée aujourd’hui, à midi, un peu partout et donc aussi dans les écoles. 

Decazeville : «Je prendrai tout le temps nécessaire pour en parler avec mes élèves»

Marlène Soulié est professeur de français au collège Paul-Ramadier de Decazeville. La minute de silence qui sera observée aujourd’hui à midi, elle la vivra de chez elle, seule, pour ne pas avoir cours à ce moment-là de la journée. Si elle entend donc respecter cet instant de recueillement à titre personnel, elle le replace dans le domaine du «symbole. C’est important évidemment, mais cela demeure un acte symbolique malgré tout». Pour Marlène Soulié, au-delà de cette minute de silence, pas question d’éluder le sujet des attentats avec les élèves dont elle va croiser le chemin ce matin, notamment des 4e.

«On va prendre un moment pour en parler, c’est une évidence, explique-t-elle. On va en parler pour que les enfants puissent mettre des mots sur ce qu’il s’est passé, sur ce qu’ils ont vu, sur ce qu’ils ont ressenti. Et on prendra tout le temps nécessaire, en fonction de leur réaction. S’ils ont envie d’en parler pendant une heure, on en parlera pendant une heure. S’ils se montrent plus réticents, on abrégera le sujet.» Si aucune consigne particulière n’avait été donnée durant le week-end par la direction de l’établissement decazevillois quant à la minute de silence proprement dite ou à la manière de procéder en cours, Marlène Soulié avait, dès hier soir, quelques idées bien précises sur la nature des propos qu’elle pourrait tenir ce matin à ses élèves.

«Je souhaite notamment évoquer avec eux la notion d’information qui entoure ce genre d’événements, souligne-t-elle. En clair, ce que l’on peut montrer ou ne pas montrer. J’ai personnellement vu des choses qu’il aurait été sans doute préférable, à mon avis, de ne pas montrer…» Au-delà de cet aspect, la prof de français veut aussi «expliquer aux enfants que, malgré ce qu’il s’est passé, on ne doit surtout pas s’arrêter de vivre, ou d’écouter de la musique, ou de faire bien d’autres choses encore. Aussi cruels et douloureux qu’ont été ces attentats, on ne doit pas se laisser dicter sa façon de vivre.» Dans un autre esprit, l’enseignante insistera peut-être aussi sur les «risques d’amalgames». En revanche, elle ne souhaite pas «aller au fond du problème. C’est trop compliqué et j’avoue ne pas maîtriser tous les paramètres. Je laisserai ça à mes collègues d’histoire-géographie, plus à mêmes d’expliquer certaines choses.»

Savignac : «Il est important d’insister sur les mots tolérance et respect»

«Ce qui s’est passé est très grave.» Comme pour beaucoup, Vanessa Coppo a du mal à mettre des mots sur les attentats parisiens. Rapidement, son regard s’est néanmoins tourné vers «ses» 90 enfants, ceux de l’école de Savignac, à quelques kilomètres de Villefranche-de-Rouergue, où elle est à la fois institutrice pour la classe de maternelle et directrice. «Avec mes trois collègues, nous allons nous voir avant le début des cours, lundi matin, pour discuter de ces événements. Il est possible que nous ayons comme directive d’instaurer une minute de silence. Les enfants ont dû voir des images en boucle ou entendre des commentaires à la radio durant tout le week-end. Ils vont arriver avec leurs opinions, leurs idées; à nous de les écouter et de leur apporter des réponses pour expliquer une violence qu’ils ne comprennent pas.»

Parmi le programme de l’école, cette année, une large part est donnée au «vivre ensemble». «Nous allons nous y appuyer dessus avec des paroles simples mais également concrètes. Personnellement, je prendrai des exemples du quotidien de la cour de récréation comme “on n’est pas toujours d’accord avec les copains mais cela ne veut pas dire que l’on doit mal se comporter avec eux”. Il est important d’insister sur les mots tolérance et respect.» Ces règles de vie, les professeurs y reviennent très souvent, comme le confirme Vanessa Coppo : «On en parle régulièrement car ce sont ni plus ni moins que les valeurs de la République. Le droit à la différence, le respect des différences, il faut bien entendu en discuter. D’ailleurs, les élèves vont très certainement aborder le sujet et pas uniquement le lundi. Il y aura de nombreuses discussions et ils auront raison de le faire.»

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