Des vaches pour protéger les brebis du loup, elle n’y croit pas

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    Des vaches pour protéger les brebis du loup, elle n’y croit pas
Publié le
Victor Guilloteau

Micheline Roux élève des vaches d’hérens à Salles-Curan. Elle doute de l’expérience qui débutera en août sur le Larzac.

La vache d’hérens, Micheline Roux connaît. Par cœur. L’agricultrice d’origine suisse est l’heureuse propriétaire du Mas d’hérens, à Connes, du côté de Salles-Curan. Une exploitation unique en Aveyron. Installée depuis 2013 avec son compagnon, Micheline Roux est à la tête d’un troupeau de neuf vaches, d’un taureau et de deux veaux " de pure race hérens ", précise-t-elle, elle qui fait pâturer au total une quarantaine de bêtes en agriculture bio. Des animaux qu’elle appelle par leur prénom, qu’elle câline et à qui elle voue une affection sans limite. " Mes hérens, je les aime. Ce sont des bêtes intelligentes, qui demandent énormément d’attention. "

Exemples suisses

Lorsqu’elle a pris connaissance de l’expérimentation qui va se dérouler sur le Larzac en ce début de mois d’août, Micheline Roux a pris sa plume. Une exploitation agricole du plateau va en effet tester l’utilisation de deux vaches et d’un veau de race hérens pour protéger son troupeau de brebis du loup.

L’hérens a beau être de réputation belliqueuse (lire par ailleurs), l’éleveuse n’y croit pas. " Je ne dis pas que ce n’est pas possible, mais j’ai de gros doutes sur le fait que cette race puisse défendre un troupeau de brebis. De plus, l’hérens est effectivement agressive, mais envers ses congénères. Je l’imagine mal défendre des brebis. Défendre son veau contre le prédateur, pourquoi pas. Mais des ovins… "

Son recul, son expérience et sa parfaite connaissance de la race lui suggèrent que l’expérimentation a peu de chance d’aboutir. Quoi qu’en dise Jérôme Rouve (lire plus bas), patron de l’entreprise de distribution de produits agricoles Socopa, à Saint-Affrique.

Micheline Roux s’appuie également sur la presse suisse pour argumenter. " Je lis que des troupeaux de moutons sont attaqués par le loup dans le Val d’hérens, que des veaux de race hérens sont également tués…

À ces endroits, il y a des hérens, et cela n’empêche pas le prédateur d’agir. Même dans les Alpes, où l’hérens est bien présente, certains bergers préfèrent construire de grands enclos en pleine nature. Si l’hérens était efficace contre le loup, cela se saurait. "

" Je ne vendrai pas mes vaches au loup ! "

Pour autant, Micheline Roux est consciente du désarroi qui touche actuellement les éleveurs de brebis du Sud-Aveyron.

Le prédateur inquiète énormément, dans une zone où plus de cinquante attaques ont été recensées depuis le début de l’année 2018.

" J’entends la détresse qui frappe les éleveurs. Je comprends que dans leur situation, on ait envie de tester toutes les solutions possibles pour faire fuir le loup. " Elle-même a été sollicitée et a reçu des coups de fil sans équivoque. " On m’a appelé pour me demander des détails sur la race, des bergers m’ont posé des questions… Jusqu’à ce qu’on me demande si j’avais des vaches à vendre. Mais moi, je ne vendrai pas mes vaches au loup ! "

Faire appel à des vaches d’hérens pour défendre les troupeaux, l’idée fait pourtant son chemin chez les éleveurs victimes du loup, et pas seulement en Sud-Aveyron.

C’est aussi l’une des solutions avancées par certains environnementalistes. " On ne s’occupe pas d’hérens comme on s’occupe d’aubrac, de limousine et encore moins de brebis, alerte néanmoins l’éleveuse. Ce sont des vaches à part. L’Aveyron n’a pas cette culture et cette éducation de l’hérens. Comment vont-elles être traitées dans le cadre de cette expérimentation ? Cela m’inquiète. "

 

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