Daniel Ségala, humaniste et passeur au musée Soulages de Rodez

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  • Daniel Ségala présentant le Totem de Juana Muller lors de la conférence du 15 décembre au musée Soulages.
    Daniel Ségala présentant le Totem de Juana Muller lors de la conférence du 15 décembre au musée Soulages. Repro CP - Hélène Lecarme
  • Daniel Ségala, humaniste et passeur ! Daniel Ségala, humaniste et passeur !
    Daniel Ségala, humaniste et passeur ! Repro CP - Hélène Lecarme
Publié le , mis à jour
Hélène Lecarme

Commissaire de l’exposition temporaire "Femmes années 50" au musée Soulages à Rodez, Daniel Ségala est un Aveyronnais peu ordinaire ! Ce passionné à l’appétence absolue pour apprentissage et culture collectionne les œuvres d’art mais il est également un merveilleux passeur.

Né sur le Ségala, à Crespin, où ses grands-parents maternels ont une ferme (sa grand-mère est née Boudou), Daniel Ségala baigne dans la langue occitane, qu’il parle et lit avec bonheur, notamment grâce à Jean Boudou, le poète et romancier, dont la parole prémonitoire, "Pichon, te cal escriure", reste gravée dans sa mémoire. Très attaché à la terre de ses ancêtres, il a d’ailleurs conservé la propriété familiale. De son enfance à Laboulesq, petit hameau proche de Saint-Geniez-d’Olt, il garde le souvenir merveilleux de l’école primaire, de son institutrice – sa mère ! –, qui a su lui insuffler une curiosité intellectuelle insatiable, le goût de la lecture, de la connaissance : boulimique depuis toujours, l’enfant se passionne pour tout, insectes, plantes, livres, dessin, lisant tout ce qui lui tombe sous la main, depuis le Petit Larousse jusqu’aux atlas… "Ma mère m’a appris à apprendre", se remémore-t-il avec émotion. Cette institutrice, comme tant d’autres enseignants, se dévoue corps et âme à son métier et à la conception laïque de l’enseignement. Dans le monde des années 50, sans télévision, sans route, sans confort, loin de tout, elle lui a montré le chemin : celui de la nature, des autres, de la quête de la beauté. Son rêve d’écolier ? Faire des manuels scolaires.

Au lycée Foch de Rodez, où il devient interne dès l’âge de 10 ans, il apprend le latin et est marqué par des enseignants exceptionnels, notamment M. Loupias, en physique-chimie, et M. Larue, en biologie, qui seront déterminants : après des études de math/physique à Montpellier, il est reçu aux IPES (Instituts de préparation à l’enseignement secondaire) de maths, et fait ensuite des études de gestion, pour s’orienter finalement vers l’édition, réalisant ainsi son rêve d’enfant. Forgé par l’école de la République, laïque et gratuite pour tous, il milite pour témoigner de ce rôle d’ascenseur social de l’école, et revendique la liberté pour chacun de devenir ce que l’on a envie d’être : "Tête de caillou, je ferai ce que je veux !".

Un éditeur passionné : la problématique de la transmission

Il s’oriente vers la presse et les industries graphiques, et fait une carrière dans l’édition du livre scolaire et technique : chez Bordas, puis directeur adjoint responsable des pays francophones chez Harrap’s, il devient directeur général des éditions Foucher. Passionné par la formation professionnelle technique, il voue sa vie à l’écrit et au papier : comment transmettre des savoir-faire, comment les formuler pour les rendre accessibles à tous, comment offrir les supports les plus pertinents, est au cœur de ses préoccupations.

À la découverte de la peinture : un collectionneur averti

"C’est grâce à mes parents que j’ai découvert la peinture. Ils m’emmenaient, enfant, au château du Bosc, et c’est avec les tableaux de Toulouse-Lautrec qu’a commencé mon éveil artistique. Ensuite, autre élément fondateur – ma madeleine de Proust ! – c’est le cadeau de Noël que j’ai reçu d’eux lorsque j’avais une dizaine d’années : les deux tomes de L’impressionnisme de Jean Leymarie, aux éditions Skira. Un fabuleux cadeau qui m’a permis de découvrir que l’on pouvait représenter la nature autrement".

Lorsqu’il travaille à Saint-Germain-des-Prés, Daniel Ségala découvre les galeries, et en 1973, la grande exposition Picasso organisée à la fête de L’Humanité à La Courneuve (l’année de la mort de l’artiste) conforte sa nouvelle passion : il sera collectionneur ! À 23 ans, il achète un papier froissé de Kijno – peintre reconnu des années 50 –, première pièce d’une collection qui ne cesse de croître depuis. Toujours engagé à fond dans ce qu’il fait, il veut tout savoir, tout comprendre : il se documente, étudie, lit, se rend aux vernissages, rencontre galeristes, artistes, se familiarise avec le monde de l’art, noue des amitiés, et devient un connaisseur éclairé de l’art abstrait des années 50. Il se crée ainsi un environnement de vie qu’il aime, s’entoure de belles choses, exerce son œil, apprend à vivre avec les œuvres, les redécouvre chaque jour à la faveur d’une lumière différente, de ses lectures, du temps qui passe… "Le matin, je prends mon petit-déjeuner debout, mon thé à la main, en regardant mes tableaux : je ne pourrais pas vivre sans la peinture !"

Actuellement, son nouveau dada ? Les artistes dits singuliers, tels Dado, Fred Deux… Car s’il n’est pas en recherche permanente, avec quelque chose à découvrir, à apprendre, Daniel Ségala s’ennuie ! Collectionner, c’est un prétexte pour lire, étudier, échanger avec les autres…, un projet humaniste, donc !

Conteur hors pair : au programme, partage et transmission comme valeurs à défendre !

Cela faisait longtemps que Daniel Ségala avait en tête l’idée d’exposer les femmes des années 50, injustement oubliées. Le musée Soulages a fait de cette idée une réalité, offrant au public l’exposition temporaire "Femmes années 50, Au fil de l’abstraction, peinture et sculpture, abstraction", ouverte jusqu’au 10 mai 2020. "Le rôle d’un commissaire d’exposition, c’est d’apporter le concept et les contenus, de sélectionner les œuvres et de participer activement à l’élaboration du catalogue".

Le 15 décembre, les visiteurs ont pu bénéficier d’une visite guidée exceptionnelle, l’enfant du pays parvenant avec brio à faire partager ses connaissances pointues des mouvements artistiques, ses connaissances techniques, sa maîtrise de la vie de chacune des artistes, alliant naturellement informations sérieuses et anecdotes amusantes, jouant avec les registres, passant avec naturel du langage le plus châtié au vocabulaire le plus relâché… Un régal ! Le tout avec une bonhomie et une simplicité confondantes ! "J’aime raconter, être acteur de la transmission, au sens le plus large." : et cela se voit ! On ne peut que souhaiter que Daniel Ségala ait l’occasion de revenir souvent en Aveyron pour nous faire partager ses passions.

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