Aveyron : ces parents prêts à la désobéissance civile pour conserver leur choix de l'instruction à domicile

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  • "On ne dit pas que l'école à la maison est mieux ou moins bien que l'école tout court. Avant, on avait la possibilité de choisir, et nous estimons que c'est important à conserver", expliquent les jeunes parents.
    "On ne dit pas que l'école à la maison est mieux ou moins bien que l'école tout court. Avant, on avait la possibilité de choisir, et nous estimons que c'est important à conserver", expliquent les jeunes parents. Centre Presse Aveyron - X. B.
Publié le , mis à jour
Xavier Buisson

Installés à Saint-Cyprien, Gwénaëlle et Jérôme, parents de trois enfants, sont officiellement considérés comme hors la loi depuis le mardi 25 octobre. Malgré une mise en demeure de l'inspection d'académie, ils refusent de scolariser leurs filles pour privilégier l'enseignement à domicile, un mode de vie qui leur "convient" et "donne du sens aux enseignements".

Tous deux sont issus, comme ils s'expliquent, des rangs de "l'école républicaine" affirment n'avoir rien contre l'école "classique". Aujourd'hui installés à Saint-Cyprien-sur-Dourdou, Gwénaëlle et Jérôme pratiquent l'école à la maison depuis 2016, aux côtés de leur fille Manon, atteinte de trisomie 21 et aujourd'hui âgée de 11 ans. La jeune fille a pourtant passé deux ans à l'école, pour ses premières années de maternelle, mais son handicap l'a rapidement rattrapée. "On la voyait moins joyeuse, on voyait qu'elle n'était pas bien le soir", se souvient Gwénaëlle, sa mère, qui explique que l'aspect "ritualisé" de l'école ne convenait pas à sa fille.

"On la voyait moins joyeuse"

"À l’époque, nous ne savions même pas ce qu'était l'instruction à domicile, et nous n'étions pas du tout motivés pour la mettre dans un Institu médico-éducatif", poursuit-elle. Pour pouvoir dispenser légalement leur instruction à domicile, Gwénaëlle et son mari Jérôme, jusqu'à présent, étaient tenus de rédiger une déclaration envoyée à l'académie et à la commune ; ils s'engageaient en contrepartie à subir des inspections de la part de la commune, tous les deux ans, et de l'Education nationale, tous les ans. Les retours de ces institutions ont systématiquement été positifs et les avis favorables à la poursuite de cette pratique.

Des retours positifis

Face au succès de leur approche éducative auprès de la jeune Manon, ses deux jeunes sœurs rentrent elles aussi dans le rang et les parents, tous deux employés et trouvant leur compte dans l'instruction à domicile, se passent le relais pour faire l'école à leurs trois enfants.

Les choses ont radicalement changé depuis l'entrée en vigueur de la loi "séparatisme", de son véritable nom "Loi confortant le respect des principes de la République", en août 2021. "Désormais, cela a changé de régime et nous devons demander l'autorisation", résume Jérôme. L'interlocuteur est l'académie de Toulouse, jugée "très sévère" en la matière, et la famille essuie un refus.

Six mois d'emprisonnement et de 7500 € d'amende

Arrive ensuite dans leur boîte aux lettres une mise en demeure de la Directrice académique des services de l'Education nationale de l'Aveyron. Cette dernière acte le refus des parents de scolariser leurs enfants, qui l'en avaient informée, et les "met en demeure" d'inscrire leurs enfants dans un établissement public ou privé dans un délai de quinze jours.

Nous demandons un retour au régime déclaratif parce qu'on ne les inscrira pas à l'école, c'est ferme

Pour Gwénaëlle, Jérôme et leurs enfants, le couperet est donc tombé ce mardi 25 octobre, date à laquelle ils seront considérés comme hors la loi. Et passibles d'une peine de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 € d'amende. À leurs côtés dans cette aventure, le mouvement "Enfance libre", qui fédère une vingtaine de familles dans la même situation. Et dont certaines ont choisi le nomadisme ou une forme de disparition pour échapper à cette obligation qu'elles estiment injuste... "Beaucoup essayent de passer sous les radars. Nous, on n'aurait pu ne rien dire en arrivant dans l'Aveyron. Nous demandons un retour au régime déclaratif parce qu'on ne les inscrira pas à l'école, c'est ferme", affirme Jérôme.

"On ne dit pas que l'école à la maison et mieux ou moins bien que l'école tout court. Avant, on avait la possibilité de choisir, et nous estimons que c'est important à conserver", conclut le jeune papa.

Quatre motifs de dérogation à l'école "classique"

Comme le confirme la direction académique des services de l’Éducation nationale de l’Aveyron, "depuis la rentrée 2022, le régime de déclaration d’instruction dans la famille est remplacé par un régime d’autorisation préalable".
Les motifs de dérogation sont au nombre de quatre :
- L’état de santé de l’enfant ou son handicap
- La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives
- L’itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public
- L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.
"Les services académiques examinent chaque situation au vu du motif de la demande pour chacun des enfants, et non d’une fratrie. En cas de refus, les parents sont informés des voies de recours. Les familles s’étant vu opposer un refus d’Instruction dans les familles (pour un de leurs enfants ou pour leurs enfants) pouvaient formuler un recours administratif préalable obligatoire puis le cas échéant saisir le tribunal administratif.
En cas de refus d’autorisation, les parents sont tenus de procéder à la scolarisation de leur(s) enfant(s) comme le prévoit le législateur"
, détaillent les services de l’Éducation nationale.

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