Retraites : "Le gouvernement et le Parlement doivent entendre ce qui se passe dans le pays" pour Laurent Berger

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  • Laurent Berger lance un avertissement alors qu'est entamée une troisième journée de grève ce mardi 7 février 2023.
    Laurent Berger lance un avertissement alors qu'est entamée une troisième journée de grève ce mardi 7 février 2023. MAXPPP - Thomas Padilla
Publié le , mis à jour
Recueilli par Manuel Cudel

Alors que démarre une nouvelle journée de manifestations ce mardi 7 février 2023, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger lance un avertissement sur le dossier sensible des retraites.

Dans quel état d’esprit abordez-vous cette journée d’action ce mardi, alors qu’a débuté l’examen de la réforme des retraites dans l’hémicycle de l’Assemblée ?

Avec détermination. L’opinion est toujours défavorable à cette réforme des retraites, au report de l’âge légal à 64 ans et en soutien de l’union syndicale. Il faut qu’on montre que les salariés sont toujours très mobilisés.

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Pour que cette journée soit un succès, la mobilisation devra être plus importante, au moins aussi conséquente que les 19 et 31 janvier ?

Non, ça, c’est vous qui le dites, je ne suis pas dans cette logique, on sait ce que ça coûte de faire grève, avec les problèmes de pouvoir d’achat. L’intersyndicale a donc voulu une mobilisation en deux temps cette semaine, elle sera additionnelle.

On appelle le maximum de salariés, de citoyens à se mobiliser ce mardi. Et samedi, ce sera l’occasion pour beaucoup plus de gens de manifester sans perdre de salaire. Je souhaite que cela fasse l’objet d’une grande mobilisation populaire, familiale, syndicale, festive, revendicative. On regardera ce qui se sera produit à hauteur de la semaine.

Que vous inspirent les mesures (carrières longues, index senior...) annoncées ce week-end par l’exécutif ?

À chaque fois que le gouvernement ouvre une porte, il en prend une autre dans le nez. On attend des précisions, mais cela ne répond pas à l’enjeu. L’injustice réside dans le report de l’âge de départ. Elle demeure.

Ces mesures ne vont pas dans le bon sens ?

Tout ce qui permettra d’amoindrir la dureté de 64 ans sera bon pour les personnes concernées. Mais la dureté demeure.

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, s’est dit prêt lundi dans nos colonnes à discuter, il dit souhaiter que la réforme soit améliorée.

On lui répond qu’on est prêts à discuter, on veut une réforme des retraites, mais leur projet est massivement rejeté dans l’opinion, ils font face à un mouvement populaire très puissant, très profond, avec une géographie des mobilisations très particulière, beaucoup de monde dans les villes moyennes et les petites villes. Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier.

Le sort de la réforme ne se jouera-t-il pas au Parlement et non dans la rue ?

Le gouvernement tente d’obtenir un compromis politique, mais ce serait une faute démocratique de considérer que tout pourrait se passer uniquement au Parlement. Il faut aussi tenir compte de la démocratie sociale.

Quel message adressez-vous aux parlementaires ?

Je leur dis : “Regardez comme ce report de l’âge est injuste, regardez ce qui se passe, le nombre de manifestants.” À certains endroits il n’y en a jamais eu autant. Ils font face au mouvement social le plus puissant des trente dernières années. Ils ne peuvent pas faire comme si cela n’existait pas, sinon il y aura beaucoup de ressentiments en France et dans leurs circonscriptions.

Les syndicats de la SNCF appellent à manifester mais pas à faire grève samedi. Vous pouvez rassurer les Français sur le fait qu’ils ne seront pas pénalisés par le mouvement pendant leurs vacances ?

Les gens qui sont en congés cette semaine vont pouvoir partir en vacances et circuler.

Mais au-delà de samedi ?

Qui bloque la situation pour l’instant ? C’est le gouvernement. Ce que je sais, c’est que samedi, il y aura un appel à la grève pour permettre à ceux qui veulent manifester de le faire, mais il n’y aura pas de problème de transport.

La CFDT s’est-elle fixée des limites s’agissant des actions ?

Non, ça, on le décidera ensemble. Les manifestations se déroulent pacifiquement. Or quelle serait la perspective démocratique d’un pays qui donnerait plus de réponses quand le chiffre maximal de la mobilisation des “gilets jaunes” était de 284 000 personnes selon la police, parce que le mouvement a été violent, même si ce n’était pas le cas de tous les “gilets jaunes” ? Alors qu’aujourd’hui, 1 270 000 personnes manifestent dans la rue sans violence et on ne prendrait pas en compte cette expression pacifique ?

Êtes-vous opposé aux actions de blocages ?

Ce n’est pas d’actualité, il n’y en a pas ! Je ne pense pas que bloquer les départs en vacances aurait été une bonne idée. Le gouvernement ne peut pas rester insensible au fait qu’il y a un grand sens des responsabilités des organisations syndicales et il ne peut pas donner des gages qu’à ceux qui ont envie de bloquer. Moi je ne souhaite pas qu’il y ait de blocages, mais il faut que le gouvernement et le Parlement entendent ce qui est en train de se passer dans le pays.

Ce qui est d’actualité, c’est l’appel au blocage des universités, des lycées, est-ce que vous approuvez ?

Je ne suis pas l’organisateur de ces actions, mais que des jeunes veuillent s’exprimer, je n’ai jamais été contre. Je peux comprendre ces mobilisations.

Vous comprenez aussi la fermeture des mairies ?

Ça, c’est politique, ce n’est pas mon problème. On se bat pour que cela reste un mouvement syndical. Que certains fassent des actions qui leur sont propres, ça les regarde.

Êtes-vous certain que l’unité syndicale tiendra ?

Pour l’instant, elle tient et je pense qu’elle tiendra longtemps.

La mobilisation se poursuivra si le texte est adopté ?

Pour l’instant, on est au milieu du film, je ne commente pas la fin du film… Mais je trouve que le gouvernement a pris les choses à l’envers, nous sommes face à un mouvement post-pandémique, beaucoup de choses ont bougé, les gens qui sont dans la rue sont des travailleurs de la deuxième ligne, qu’on croyait invisibles. Ils ne se sentent pas reconnus et ne l’ont pas été suite au confinement, alors qu’ils se sont révélés extrêmement utiles pour la société.

Il fallait réfléchir à l’évolution du travail, ses réalités, aux fins de carrière, à un système plus juste, notamment pour les femmes. Ils ont fait l’inverse, une réforme des finances publiques.

Nous sommes aussi dans le scénario classique des relations sociales, chacun se dit déterminé. Mais le texte peut être voté s’il obtient le soutien de LR. Il y a aussi l’option du 49.3…

Il y a la question du passage du texte. Celle de l’avenir du monde du travail, de l’action sociale, de notre démocratie en est une autre. C’est tout cela qui se joue. Ce n’est pas qu’une question de posture.

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