Réforme des retraites : "Le gouvernement prend la responsabilité d’un durcissement du conflit" prévient Philippe Martinez

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  • Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT : « Notre détermination est absolue. »
    Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT : « Notre détermination est absolue. » Sylvie Cambon
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Manuel Cudel

Entretien avec Philippe Martinez le leader de la CGT, l’un des hommes clé du bras de fer autour de la réforme des retraites.

La réforme des retraites poursuit son chemin législatif, avez-vous les moyens de faire plier le gouvernement qui reste déterminé à reporter l’âge de départ à 64 ans ?

Oui, la mobilisation des trois premières journées est très forte. Je pense qu’on va avoir encore une belle journée samedi. De notre côté, la détermination est absolue.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans la contestation ?

Elle est d’un très haut niveau, mais apparemment pas encore suffisante pour que le gouvernement la prenne en compte, nous mettons donc dans le débat d’autres propositions d’actions. Si cela ne suffit pas, il faut élever le niveau du rapport de force et il n’y aura pas d’autres choix que de durcir le mouvement et d’aller vers des grèves reconductibles, il faut que cela soit débattu dans les entreprises, que les grèves s’amplifient. Il y a une volonté du gouvernement de faire fi de ce qu’il se passe, personne ne peut ignorer que les mobilisations sont importantes, l’opposition de l’opinion à ce projet, son soutien aussi aux manifestants. La balle est dans le camp du gouvernement, ce sont eux qui prennent la responsabilité d’un durcissement du conflit.

Un blocage des raffineries vous semble envisageable ?

Si le gouvernement reste dans cette posture il y aura les raffineries et pas qu’elles…

Êtes-vous prêt à bloquer le pays ?

Non, on va proposer aux salariés des grèves sous des formes différentes, peut-être pas 24 h / 24, mais 2 h par jour à certains endroits, 24 h pour d’autres, ce sont les salariés qui décideront. Vous appelez ça un blocage, moi j’appelle cela des grèves massives qui font qu’il n’y a plus d’activité dans les entreprises…

Un durcissement ne mettrait pas à mal l’unité syndicale ?

Ce sont les salariés qui décident en assemblée générale et cela ne pose pas de problème entre les organisations syndicales au niveau national. Dans l’intersyndicale, les positions sont claires et les débats sont francs je suis très confiant sur la poursuite du mouvement dans l’unité.

Après deux fortes journées de contestation et une troisième un peu en deçà, vous espérez atteindre un pic de mobilisation samedi ?

Oui, la troisième journée a été en deçà du 31 janvier, mais un peu plus haute que le 19 janvier. Quand on a du mal à boucler ses fins de mois, un salaire amputé d’une ou deux journées de grève cela pèse encore plus lourd, l’objectif est donc d’élargir ce samedi en permettant à tous ceux qui viennent nous témoigner leur soutien, mais rencontrent des problèmes de pouvoir d’achat, de se mobiliser eux aussi. Je souhaite que la mobilisation soit très très forte.

Le sort de la réforme ne se jouera-t-il pas au Parlement, si LR soutient la réforme ?

Tout le monde souligne le rôle important des syndicats. Comme les députés doivent rendre des comptes à leurs électeurs, la mobilisation pèse sur ce qui se passe à l’Assemblée Je constate d’ailleurs que certains votes à l’Assemblée sont justes, justes, pour la majorité… Le gouvernement essaie d’amadouer LR en faisant quelques concessions, mais c’est du bricolage.

Quel message adressez-vous au chef de l’État, aux députés ?

Quand il y a un tel niveau de mécontentement, il faut savoir écouter les citoyens, les électeurs, retrouver la raison et retirer ce projet de réforme.

Craignez-vous un recours au 49.3 ?

Sur un tel sujet, avec une telle contestation, cela ne ferait qu’aggraver les tensions et jeter encore plus d’huile sur le feu.

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Comment analysez-vous la stratégie du chef de l’État ?

Il considère qu’il a raison tout seul. D’autres auraient dit qu’il est droit dans ses bottes. C’est comme ça qu’il veut marquer sa présidence. C’est grave d’avoir une telle position quand on a réaffirmé à l’issue de sa réélection qu’il fallait davantage écouter les citoyens, faire preuve de moins d’arrogance, qu’il fallait veiller à rassembler le peuple.

Emmanuel Macron joue gros avec cette réforme, mais vous aussi. C’est aussi la capacité des syndicats à peser sur l’action publique qui est en jeu aujourd’hui.

On joue notre rôle et, pour l’instant, on le fait bien. Après c’est à nous de continuer à faire en sorte qu’il y ait de plus en plus de mobilisation, mais ce que je constate c’est que, alors que les syndicats étaient ringardisés, que beaucoup considéraient qu’ils ne servaient plus à rien, on est plutôt sur le devant de la scène en ce moment…

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Ce mouvement peut-il donner un second souffle aux syndicats ? Enregistrez-vous, comme d’autres syndicats, des adhésions ?

Les syndicats se portent très bien. Pour le seul mois de janvier, nous avons enregistré à la CGT plus de 10 000 adhésions. C’est plus du quart de la totalité des adhésions de l’année dernière ! Le syndicalisme est attractif quand il s’adresse à toute la diversité du monde du travail, de la jeunesse, des retraités. Il a besoin de se renforcer en France et ce qui se passe le confirme.

Laurent Berger note toutefois que les “gilets jaunes” ont été davantage écoutés, alors qu’ils étaient moins nombreux dans la rue. Comment l’analysez-vous ?

Les syndicats ont toute leur place dans ce conflit, mais le gouvernement devrait faire un peu plus attention à ce qui se passe. S’il continue de s’entêter, des citoyens peuvent considérer qu’il faut être plus radical pour faire entendre sa voix. C’est toujours un risque.

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