Plan loup : "Nos espoirs se fondent sur la révision du statut de l’espèce", plaident les éleveurs d'Aveyron

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  • Mélanie Brunet est la présidente du Cercle 12.
    Mélanie Brunet est la présidente du Cercle 12. Midi Libre - Michaël Esdourrubailh
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Le gouvernement a présenté lundi 18 septembre les grandes lignes de son "Plan loup" 2024-2029, sujet hautement sensible et politique. L’une des mesures envisagées et sur laquelle tous les regards sont tournés, le déclassement du canidé.

Comment gérer la cohabitation entre le loup et le pastoralisme ? Le dossier divise. Représentants du monde agricole, élus, chasseurs, administrations et associations de protection de la nature étaient réunis le 18 septembre pour découvrir les mesures annoncées par le gouvernement sur la gestion de ce prédateur.

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En Aveyron, Mélanie Brunet, éleveuse de brebis à Sévérac-d’Aveyron, préside le Cercle 12, association regroupant des éleveurs qui se bat depuis des années « pour faire reconnaître le danger que représentent les loups dans nos pays d’élevage de plein air » et réclame une "vraie" régulation.

Comment accueillez-vous les annonces du Plan loup ?

Le Plan loup en lui-même ne va pas changer la donne car, par exemple, le plafond du nombre de loups autorisés à tuer n’a pas été relevé. En revanche, nous fondons nos espoirs sur la révision du statut de l’espèce, inscrite dans le plan, faisant suite aux annonces de la présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leyen qui s’est prononcée en faveur de l’abaissement du statut de protection des loups le 4 septembre dernier.

On a conscience que cela se joue au niveau de l’Europe mais la France doit prendre en main le sujet. Pour l’heure, on peut se réjouir des annonces mais on attend des actes maintenant. Mais cela prendra du temps vu le retard accumulé depuis trente ans. Depuis des années, nous nous efforçons d’expliquer que les mesures de protection, même subventionnées par l’État, ne permettent pas d’éviter la prédation sur nos troupeaux et contraignent les éleveurs et les bergers à vivre un enfer.

C’est-à-dire à rester auprès du troupeau en permanence dès que les animaux sont au pâturage, puis à s’occuper de la meute de chiens nécessaires à la confrontation qu’imposent les loups dans les zones alpines soumises à la prédation.

La France en 2022 avait voté contre le déclassement du loup ?

Oui, en 2022, la France s’était prononcée contre l’abaissement du statut de protection des loups lors de la convention européenne. Cette année, nous espérons que la France et l’Europe vont revoir leur position.

A lire aussi : Plan loup 2024-2029 : simplification des tirs, statut des chiens de protection, indemnisation des éleveurs, qui sont les gagnants et les perdants ?

C’est-à-dire que le loup passerait d’une espèce très protégée à une espèce protégée ?

Cela permettrait de procéder à une régulation des loups en amont et surtout ne pas attendre que les éleveurs subissent des attaques pour pouvoir ensuite demander une autorisation au préfet pour pouvoir tirer le loup attaquant le troupeau et réduire de fait les attaques, car aujourd’hui, il y a des dérogations. C’est très contraignant. Il y a un temps pour la réalité du terrain et l’administration.

Combien d’attaques ont été recensées ?

On se situe officiellement à plus de 12 000 bêtes tuées en France. Et plus de 4 000 attaques. Cela ne peut pas durer, pour les éleveurs, c’est infernal.

Quand doit avoir lieu le vote ?

Le prochain comité de la Convention de Berne (NDLR, l’objectif est de conserver la flore et la faune sauvages et les habitats naturels et de promouvoir la coopération européenne dans ce domaine) va se réunir à partir du 28 novembre et jusqu’au 1er décembre. L’espoir est plus grand.

L’année dernière, nous avions organisé un grand rassemblement européen en même temps que la convention de Berne. Nous avions réuni douze pays européens, dans l’Isère (Autriche, Slovénie, Allemagne, Norvège, Italie, Belgique…). Cela avait abouti à la rédaction d’une motion envoyée à Madame Von der Leyen. Un courrier qui, à l’époque, avait eu une fin de non-recevoir.

Comment expliquer ce revirement ?

Certains évoquent la mort de son poney, en septembre 2022, tué par les loups. Autre explication, l’Allemagne a enregistré une hausse des dégâts liés au prédateur. Mais aussi un grand massacre avec 55 brebis tuées en août dans un parc électrifié. L’exaspération monte dans d’autres pays européens. La commission européenne reçoit beaucoup de doléances depuis toujours. Je reste prudente mais j’ai le sentiment qu’il y a un début de justice.

En Aveyron aussi, les attaques se sont multipliées ?

Depuis début août, nous totalisons une soixantaine de bêtes tuées en plus, rien que sur le Sud-Aveyron alors que jusqu’en juillet, pour tout l’Aveyron, le préfet avait annoncé 127 victimes au 24 juillet. 2023 est une année avec une forte hausse. En 2017, le nombre de victimes avait grimpé jusqu’à 230. En 2019 et 2020, une forte baisse avait été enregistrée. En 2021, une petite augmentation avait été constatée avant une nouvelle baisse en 2022.

Le principal souci porte sur une meute installée au Mont-Lozère. Certes, c’est en Lozère mais c’est à côté. Depuis fin juin, il y a deux, trois attaques par semaine sur le Larzac. On a recensé aussi beaucoup d’attaques sur l’Aubrac et le Nord Aubrac, vers Cantoin, Laguiole au printemps dernier. Cela devient quasiment impossible d’avoir un troupeau de brebis sur l’Aubrac à l’heure actuelle.

On totalise toujours plus de 1 000 loups en France (NDLR, le nombre de canis lupus arpentant le territoire a été estimé début septembre à 1 104 individus. Jusqu’à 209 loups peuvent être abattus en France cette année, soit le quota de 19 % autorisé).

Les associations de défense et de protection, vent debout, sont nombreuses à avoir claqué la porte…

On n’est pas étonnés. Le 18 avril dernier, il y avait eu un débat au ministère de l’Agriculture en présence du ministre et de Jean-David Abel de l’association Ferrus. Aujourd’hui, j’éprouve une certaine satisfaction de constater le revirement du discours du ministre en écho aux déclarations d’Ursula Von der Leyen. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que le ministre reprend du courage pour défendre réellement l’élevage de plein air.

C’est la première fois, qu’on sent, enfin, que la balance peut pencher en faveur des éleveurs. Depuis trente ans, le loup est surprotégé. Lors de notre dernière assemblée générale sur le Larzac, au mois de mars, des éleveurs de la Drôme sont venus témoigner. Il faut les entendre. Ils n’ont même plus d’espoir. Ils nous disent : “On est devenus des éleveurs de chiens”.

Elles dénoncent une atteinte à la biodiversité…

C’est faux. Le loup à lui tout seul ne représente pas la biodiversité. Les troupeaux qui pâturent entretiennent les parcours ou les alpages. La biodiversité est plus complexe qu’un seul grand prédateur. C’est aussi les prairies avec plus de 200 espèces végétales diverses. Il y a aussi toute une faune endémique à ces parcours.

Une faune qui n’est pas composée que de mammifères mais aussi d’insectes, d’oiseaux. Le constat, c’est que les mesures de protection des éleveurs, elles ne sont pas suffisantes car, malgré une légère stabilisation, il y a toujours plus d’attaques. Les éleveurs de plein airs sont réellement menacés.

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Les commentaires (2)
Mézac Il y a 7 mois Le 21/09/2023 à 16:47

Je suis écologiste comme tous les gens sensés.
Mais le loup tue 12.500 brebis (douze mille cinq cent !) par an depuis plusieurs années - rien qu'en France. La plupart de ces brebis agonisent pendant des heures avant d'être euthanasiées par leur propriétaire au petit matin.
Qui peut accepter une telle souffrance animale au nom de la survie d'une espèce ?
Autoriser cet animal dans l'Aveyron et le Lot, c'est introduire... le loup dans la bergerie... Ces deux départements sont un garde-manger.
Quel écologiste sensé peut accepter ça ?

Jema Il y a 7 mois Le 21/09/2023 à 10:45

Alors nourrir les loups aussi.