Le droit de vote des femmes fête ses 80 ans en France : pourquoi votent-elles moins que les hommes ?

Publié le
Élise Do Marcolino

Les femmes votent moins que les hommes, qu’il s’agisse d’élections municipales, législatives ou présidentielles. Ainsi, en 2022, 60 % des abstentionnistes étaient de sexe féminin.

À quelques semaines des européennes, il n’a jamais été aussi important de rappeler que ce droit, rudement acquis, fait l’objet d’enjeux majeurs de représentativité pour les femmes. Reste à comprendre pour quelles raisons elles s’abstiennent. Lors de la dernière élection présidentielle, 7 millions d’électrices manquaient à l’appel, contre 5 millions d’électeurs, notent BVA et Ouest-France.

"La conscience politique"

Comme tous les droits, le vote est facultatif. En 2022, 20 % des femmes ont voté, contre 29 % des hommes, pose l’Insee. Mais les plus jeunes inversent la tendance. Car l’abstention systématique est en hausse chez les hommes de 18 à 29 ans. En revanche, au-delà de 80 ans, alors même qu’elles sont les héritières directes des suffragettes, les femmes participent moins.

La question de la "conscience politique" des femmes est à appréhender dans son ensemble, note Emmanuelle Reungoat, chercheuse en sciences politiques à l’Université Montpellier. "Ce n’est pas que le jour du vote que ça se joue. Les représentants politiques sont-ils éloignés de leurs conditions sociales ? Quel temps de parole donne-t-on aux femmes en politique ? Quelles places ont-elles dans les milieux militants ? Qui sont les chefs de parti ?"

La question ne serait pas tant celle de la politisation des femmes que celle de la place que la politique veut bien leur donner.

Défaut de représentativité

L’abstentionnisme chez les femmes pourrait s’expliquer par un manque de représentativité. Si les lois contraignantes sur la parité permettent que les conseils municipaux, régionaux et les partis politiques présentent autant de femmes que d’hommes, les élections dites non contraignantes font ressortir des disparités. Les femmes, faute de voir des candidats qui connaissent leurs revendications, les comprennent et les défendent, s’abstiendraient de voter.

"Il faut mettre en avant des récits inspirants", note le coprésident de l’ONG A Voté, Dorian Dreuil, "afin de donner l’envie d’un engagement politique". Alors que 90 % des pays du monde sont dirigés par des hommes, sans doute manque-t-il aux femmes des figures qui incarnent les problématiques qu’elles affrontent et qui luttent pour leurs intérêts.

"Les femmes ne se sentant pas représentées en politique, elles ne se sentent pas concernées", appuie Geneviève Tapié. Par ailleurs, l’abstentionnisme est lié au contexte socio-économique des électeurs. Or, les femmes sont légèrement plus précaires que les hommes et moins disponibles, car souvent chargées de s’occuper des enfants. Ainsi, note Dorian Dreuil, quand arrive un dimanche électoral, entre 8 h et 20 h tapantes, il est parfois plus difficile pour elles de se rendre aux urnes.

L’accès au bureau de vote

Organiser des élections sur plusieurs jours, à distance, anticipées… permettrait de lutter contre l’abstentionnisme des femmes, mais sans doute aussi dans son ensemble. Sans parler de la"mal inscription" sur les listes électorales, qui éloigne les électeurs des bureaux de vote.

"Si vous êtes une mère célibataire, dont le bureau de vote est à 20 kilomètres de chez vous, le coût du vote est plus important." Les femmes occupant des métiers plus précaires, disposant donc de ressources inférieures à celles des hommes, pâtissent davantage d’aléas électoraux. "Le droit de vote est comme tous les droits. Quand on ne favorise pas son accès, il est peu utilisé."

Enseigner l’histoire du droit très récent

Professeure d’histoire-géographie et enseignement morale et civique (EMC) en Occitanie, Laura Fini observe que la conscience politique des élèves varie beaucoup en fonction de leur âge. Qu’il s’agisse de collégiens ou de lycéens, "une partie a conscience des inégalités entre les hommes et les femmes et, surtout, qu’il y en a toujours eu". Pour l’enseignante, les cours qui abordent le droit de vote des femmes, à travers l’histoire du suffrage universel et de la démocratie, sont l’occasion d’ouvrir le dialogue sur les élections. "Pour les élèves de quatrième, par exemple, ce droit semble acquis, même s’ils voient bien que l’histoire alterne entre marche avant et marche arrière." Chez les jeunes, l’égalité sociale compte. Ils sont nombreux à lutter contre les discriminations sexistes. Pour la professeure, ces cours servent aussi à apprendre aux jeunes à penser par eux-mêmes, afin que, par extension, ils se fassent confiance devant les urnes.

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