"Mettons tout sur la table" : Emmanuel Macron veut-il mettre l'arme nucléaire française au service de la défense européenne ?

  • Pour Emmanuel Macron, l'Europe est une composante des intérêts vitaux de la France.
    Pour Emmanuel Macron, l'Europe est une composante des intérêts vitaux de la France. Archives - Centre Presse
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L. R., avec AFP

En proposant d'inclure les armes nucléaires dans le débat sur une Europe de la défense en construction, le président français Emmanuel Macron a déclenché une pluie de critiques parmi les oppositions qui lui ont reproché de "brader" la souveraineté nationale
 

Dans le sillage de son discours sur l'Europe de La Sorbonne, le chef de l'Etat rencontrait ce vendredi 26 avrilà Strasbourg une douzaine de jeunes, un entretien organisé par les journaux régionaux du groupe Ebra (Est-Bourgogne-Rhône-Alpes) qui l'ont publié samedi soir.

"La France est-elle donc prête à européaniser sa capacité de dissuasion nucléaire?", lui demande un de ses interlocuteurs, Linus.

Emmanuel Macron reprend reprend alors l'argumentaire développé jeudi dans son discours, celui en faveur d'une défense européenne "crédible". Il évoque ensuite le déploiement de boucliers antimissiles ("mais il faut être sûr qu’ils bloquent tous les missiles"), les armes à longue portée, puis l'arme nucléaire.

"La doctrine française est qu'on peut l'utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux", a-t-il poursuivi.

Tout mettre en commun, y compris l'arme nucléaire française

"Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d'armes de longue portée, l'arme nucléaire pour ceux qui l'ont ou qui disposent sur leur sol de l'arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible", a-t-il encore déclaré.

Une pluie de critiques

François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains (LR) aux élections européennes du 9 juin a dénoncé une déclaration d'une "gravité exceptionnelle parce que là nous touchons au nerf même de la souveraineté française" "Un chef de l’État français ne devrait pas dire ça", s'est-il emporté au "Grand Rendez-Vous Europe1/CNews/Les Echos".

Depuis le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, la France est le seul de ses Etats membres à disposer de la dissuasion nucléaire. Le dialogue sur les questions de sécurité se poursuit cependant avec Londres, notamment au sein de la Communauté politique européenne (CPE), un forum nouvellement créé à l'initiative du président français.

Pour autant, selon Emmanuel Macron qui le répète depuis février 2020, "la dissuasion nucléaire est (...) par essence un élément incontournable de la défense du continent européen."

Comme la droite, La France insoumise (LFI) a estimé dimanche, dans un communiqué de son groupe parlementaire, que M. Macron "vient de porter un nouveau coup à la crédibilité de la dissuasion nucléaire française". "La doctrine nucléaire française, c'est que nous ne croyons pas au parapluie. On ne va pas déclencher un feu nucléaire pour un autre pays", a déclaré la cheffe du groupe Mathilde Panot sur RTL/Le Figaro/M6.

Les pro-Européens favorables

Aux antipodes, la tête de liste des Ecologistes aux européennes Marie Toussaint, favorable à un "saut fédéral européen", a considéré sur France 3 que cela signifiait le "partage de cette force qu'est l'arme française, donc le nucléaire aussi".

Le président du MoDem François Bayrou, allié d'Emmanuel Macron, a lui aussi estimé sur LCI que les intérêts vitaux de la France et de l'Europe pouvaient parfois se confondre.

Un discours motivé par la "menace" Donald Trump ?

La construction d'une Europe de la défense est depuis très longtemps un objectif de la France, mais elle s'est souvent heurtée aux réticences de ses partenaires qui jugeaient plus sûr le parapluie de l'Otan.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022, et le possible retour à la Maison-Blanche de Donald Trump ont cependant relancé la pertinence du débat sur une autonomie européenne en matière de défense.