A Rio, haro sur la malbouffe dans les écoles

  • Les élèves redécouvrent ainsi des fruits et légumes tropicaux devenus rares dans les assiettes brésiliennes, comme l'igname ou le gombo.
    Les élèves redécouvrent ainsi des fruits et légumes tropicaux devenus rares dans les assiettes brésiliennes, comme l'igname ou le gombo. Pablo PORCIUNCULA / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Poulet aux pommes de terre, salade de carottes et de chou, pastèque: ce menu aux allures de diète "detox" est servi dans une cantine scolaire de Rio de Janeiro, pour combattre le fléau de l'obésité infantile.

"Du gâteau? Pas de gâteau ici", dit en souriant la cuisinière Neide Oliveira, tout en coupant des oignons pour les 650 élèves de l'école municipale Burle Marx, à Curicica, quartier de l'ouest de la ville.

Pour le goûter à la récré, finis les biscuits bourrés d'additifs. Sur décision municipale, les aliments ultra-transformés ont été bannis des établissements scolaires à partir de cette année, dans le public comme dans le privé.

Les élèves redécouvrent ainsi des fruits et légumes tropicaux devenus rares dans les assiettes brésiliennes, comme l'igname ou le gombo.

Beaucoup d'entre eux pensaient qu'on leur avait servi une tomate en dessert quand ils ont goûté pour la première fois du kaki, fruit rond très sucré à la peau rouge.

Mais l'appétit est bien au rendez-vous. "J'aime tout ce qu'on mange ici. C'est bon pour ma santé. Chez moi, je mange des cochonneries, comme de la pizza ou des hamburgers", raconte Guilherme, 15 ans.

- "Épidémie" -

"L'obésité infantile est une épidémie, pas seulement au Brésil, mais dans le monde entier", explique à l'AFP Marluce Fortunato, responsable des politiques de nutrition à la mairie de Rio.

Près d'un tiers (31%) des Brésiliens de moins de vingt ans sont en surpoids ou souffrent d'obésité, selon les données de l'Institut Desiderata.

Et une étude menée par cette ONG auprès des 5-19 ans a montré que huit sondés sur dix avaient consommé au moins un aliment ultra-transformé, comme des boissons sucrées ou des biscuits industriels, la veille d'être interrogés.

"La science a montré que ces produits sont mauvais pour la santé et qu'ils sont la cause de 70% des maladies chroniques dans le monde", dit le pédiatre Daniel Becker.

Il observe un "phénomène d'obésité associé à de la dénutrition", avec des carences alimentaires qui nuisent à l'apprentissage des enfants.

- Tentations à l'extérieur -

Le passage à une nourriture plus saine est un défi de taille: les aliments ultra-transformés ont tendance à "vicier le palais", d'autant plus qu'ils sont moins chers et plus faciles à trouver dans la grande distribution, prévient le docteur Becker.

A la cantine de l'école Burle Marx, Lucas, 14 ans, se régale de son poulet accompagné de riz et de haricots noirs. Mais une fois sorti de l'école, il lui arrive d'acheter "des biscuits ou des chips", admet-il.

Hors de l'école, c'est à la maison qu'il faut montrer le bon exemple, estime Marluce Fortunato.

Elle raconte qu'un parent d'élève s'est plaint auprès de son école, mécontent de voir son fils réclamer des jus de fruits naturels, longs à préparer et plus chers que des sodas. Dans une ville où d'innombrables familles peinent à boucler les fins de mois, la malbouffe a encore de beaux jours devant elle.

- "Oeufs de Barbie" -

Mais Vera Lucia Perreira, 60 ans, a sauté le pas: elle a appris à cuisiner à sa petite fille de sept ans des légumes bio: "il faut qu'ils soient bons pour la santé, mais aussi qu'ils soient savoureux".

Elle est une des 160 femmes bénéficiaires du projet Favela Organica (Favela bio), qui a débuté il y a 13 ans à Babilonia, quartier pauvre à flanc de colline avec une vue imprenable sur la plage de Leme, près de Copacabana.

Les ateliers de sensibilisation sont également destinés aux plus petits, qui apprennent par exemple à préparer des "oeufs de Barbie", oeufs durs teintés au jus de betterave.

Quand la fondatrice de Favela Organica, Regina Tchelly, 42 ans, intervient dans ses écoles, les élèves sont mis au défi d'avoir dans leur assiette des produits naturels de cinq couleurs différentes.

Les recettes enseignées dans le cadre de ce projet ont été compilées dans un livre, récompensé par le prestigieux prix littéraire Jabuti.

Au-delà de Rio, des ONG, des experts et des célébrités appellent à une prise de conscience au niveau national, avec une campagne publicitaire intitulée "Doce veneno" (poison sucré).

Objectif: obtenir que le gouvernement surtaxe les aliments ultra-transformés et que les recettes fiscales occasionnées soient utilisées pour rendre la nourriture saine moins chère et plus accessible.

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