Football : "Il faut des filles qui fassent beaucoup d’efforts", prévient Franck Plenecassagne, l'entraîneur de Rodez, avant la reprise de la D2 féminine

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  • Onze après son départ, Franck Plenecassagne est de retour sur le banc des sang et or.
    Onze après son départ, Franck Plenecassagne est de retour sur le banc des sang et or. Centre Presse - Jean-Louis Bories
Publié le , mis à jour
Centre Presse Aveyron

Les Ruthénoises débutent leur saison face à Marseille à La Roque, dimanche 16 septembre à 15 heures. Ce match marque aussi le grand retour de l’entraîneur Franck Plenecassagne, plus de dix ans après son départ et une première épopée terminée en D1. C’est aussi le retour d’une certaine méthode de travail et d’une vision singulière.

Vous voilà de retour aux commandes des Rafettes. Dites-nous en plus sur le pourquoi ?

C’est avant tout une histoire de timing. J’avais déjà eu l’occasion de les reprendre, mais je n’avais pas envie de refaire quelque chose que j’avais déjà fait. Là, nouveau groupe, nouvelle compétition, nouveau contexte, j’ai foncé.

Avec quel objectif affiché ?

C’est toujours difficilement lisible dans les championnats amateurs où on ne connaît pas tous les effectifs, qui plus est avec une nouvelle poule. Je pense que ce sera très homogène. Même si Marseille et Strasbourg ont beaucoup plus de moyens que les autres. Nous, nous sommes ambitieux, nous avons envie de jouer les premiers rôles, mais il faut d’abord se concentrer sur les moyens pour avoir des résultats.

Justement, en termes de moyens, quelles garanties avez-vous eues ?

Économiquement, on a moins de moyens que les autres, ça a toujours été comme ça, ça sera dans la même lignée.

"On a moins de moyens que les autres, mais on en a pour bosser correctement"

Est-ce que ce n’est pas aussi pour cela que vous étiez la personne idoine, puisque vous avez déjà fait des miracles avec peu de moyens par le passé ?

On avait aussi de bons candidats de l’extérieur ; ce qui n’était pas vrai les années précédentes. Le marché des coaches d’équipes féminines commence à se mettre en place. Après, pour le choix, il faut plutôt voir avec le président (Murat, NDLR). Mais c’est sûr qu’avec une solution interne, on perd moins de temps sur la mise en place.

D’autant que le budget club stagne, et celui alloué aux filles est forcément plus impacté. Les moyens seront-ils ainsi en adéquation pour jouer les “premiers rôles” ?

Est-ce que tu te concentres sur ce que tu as ou sur ce que tu n’as pas ? Moi, je préfère voir ce que j’ai. Après, on n’est pas aveugle, on sait qu’en termes de contrat, d’infrastructures… Aujourd’hui, on n’a pas de terrain dédié pour jouer, pour s’entraîner, pas de synthétique pour l’hiver. On sait que ça évolue, on fait avec ce qu’on a. Bien évidemment, Nantes, Nice, Strasbourg, Marseille, Évian, même Montauban, ont plus de moyens que nous. Mais on travaille dans de bonnes conditions ; au Trauc, la qualité de pelouse est présente. J’ai aussi un staff. On a moins de moyens que les autres, mais on en a pour bosser correctement.

Il y a eu beaucoup de changements dans l’effectif. Comment qualifieriez-vous ce mercato ?

Bien. Les joueuses qui sont restées et celles qui arrivent ont une très bonne dynamique. J’avais l’appréhension d’avoir des joueuses aigries par la descente et je me dis que c’est peut-être pas plus mal qu’il y ait eu un renouvellement. Beaucoup sont revanchardes ou ont envie de franchir des paliers.

Au rayon des départs, il y a eu l’historique Laurie Cance. Avez-vous tenté de la conserver ?

Non. Laurie, ça fait 10 ans qu’elle était dépositaire du jeu offensif et, pour moi, garder une joueuse qui a la possibilité de jouer au-dessus, c’est contre-productif.
Je lui souhaite de réussir son challenge au Havre. C’est une bonne chose qu’elle tente une nouvelle aventure. Quoi qu’il arrive, un jour, elle reviendra, car c’est une fille très attachée à son territoire.

Dans l’autre sens, Sophie Vaysse, c’est un sacré coup.

Oui, c’est une grosse opportunité. Elle a joué la Ligue des Champions, a 10 ans voire plus de matches en D1, c’est évidemment une grosse plus-value.

Sur le terrain, quel est votre projet ?

On a mis de côté le 3-5-2, car cela apparaît compliqué de le jouer sans gauchère et ça fait 5-6 ans qu’on n’en a pas. Donc, on est reparti sur un système à 4 derrière. On a un projet de jeu ancré par rapport à notre territoire, essentiellement basé sur la récupération et le jeu vers l’avant. Il faudra des filles qui travaillent, qui courent, qui fassent beaucoup d’efforts.

"Il n’y a aucune considération pour le sport féminin"

Vous revenez sur le banc des Rafettes un peu plus de dix ans après l’avoir quitté. Qu’est ce qui a le plus changé ?

Ce qui saute le plus aux yeux, ce sont les moyens financiers. Quand je suis parti, il n’y avait pas une indemnité, pas de frais, pas de contrat. Je crois qu’il n’y avait même pas de prime de match, ni la télé… Aujourd’hui, c’est la mise en lumière du foot féminin qui a considérablement progressé. Les moyens financiers se répercutent sur les moyens humains. Il y a quatre ou cinq personnes dans les staffs, moi je faisais les entraînements tout seul. Le suivi médical est aussi plus important. Là où je trouve que ça n’a pas suivi, c’est que le niveau ne s’est pas élevé.

Comment l’expliquez-vous ?

Au niveau de la formation, rien ne s’est mis en place. Peu de formation veut dire peu de joueuses, donc le niveau n’augmente pas. Les clubs de D1 vont beaucoup chercher à l’étranger d’autant que beaucoup de Françaises partent justement à l’étranger. On a élevé le sommet, mais on ne s’est pas concentré sur la base de la pyramide. Depuis cet été, ils essaient de rattraper le retard, avec déjà la création de six centres de formation. Du coup la fédération travaille beaucoup plus sur la préformation. Mais il faudra quatre ou cinq ans pour qu’il y ait un début d’effet.

Rodez, en D2, peut-il présenter de jeunes joueuses issues de sa formation ou, avec l’obligation de résultat, il faut forcément se renforcer à l’extérieur ?

Déjà, il faut mettre les moyens sur la formation. Ça veut dire peut-être un éducateur salarié, plus de moyens sur le recrutement, passant aussi par une montée en U19 national. Et ensuite, cela dépend de la politique sportive de club. Je suis persuadé que l’on aura plus de résultats avec des joueuses ancrées sur le territoire. C’est pour cela que Coralie Austry revient (blessée gravement au genou dimanche), comme Maëlle Saltel, Sophie Vaysse… Qu’il y a aussi trois ou quatre jeunes dans le groupe. Aujourd’hui, on peut faire les deux.

Plus personnellement, vous étiez directeur du football au club et vous retrouvez le coaching. Cette hauteur de vue vous fait-elle appréhender les choses différemment sur le terrain ?

Déjà, je n’ai jamais quitté le terrain. Sur les 30 dernières années, il n’y a qu’un an où je n’ai pas coaché. La seule chose qui me change, c’est que ma mission n’est centrée quasiment que sur ça. Coach en CFA avec les garçons ou en D1 avec les filles, j’étais en double mission avec le rôle aussi de responsable administratif, sportif et logistique.

Aujourd’hui, j’ai certes aussi la responsabilité du pôle féminin, et j’estime que c’est largement faisable, mais j’ai plus de temps pour préparer mes séances. C’est plus facile pour moi d’entraîner que ça l’était il y a 15 ans.

Votre position à ce sujet est singulière puisque plusieurs de vos prédécesseurs sont partis car ils ou elles estimaient ne pas pouvoir mener de front leur mission de coach et de responsable du pôle féminin. Qu’est ce qui vous différencie d’eux ?

Je ne connais pas leur fonctionnement ou leur motivation. Mais il y a beaucoup de coaches carriéristes. Ce qui les intéresse, ce n’est pas de former des joueuses mais d’avoir des résultats. Du coup, ce que tu as moins envie de faire, tu n’as peut-être pas le temps de le faire. Moi, gérer le pôle féminin ne me prend pas cinq heures par jour : des éducateurs, de la compétence et un fonctionnement sont en place. Il y a toujours à construire, notamment nous sur la préformation et la formation, mais ce n’est pas quelque chose qui me pèse. Car quand tu arrives dans un club, je pars du principe que tu dois bosser comme si tu allais y rester 10 ans. Ça m’intéresse donc de savoir ce qui est fait en 16, 17 ou 18 ans puisque ce sont les joueuses que je vais avoir dans quelques années. Après, c’est sûr, il ne faut pas compter ses heures. Si tu travailles une demi-journée par jour, c’est compliqué de tout faire.

Concernant le stade, vous le disiez, vous n’en avez pas de dédié et dimanche vous évoluerez même à Onet. Votre objectif est-il malgré tout de jouer le plus possible à Paul-Lignon ?

Oui, c’est la volonté, sauf que la politique de la mairie reste la même avec une priorité aux équipes garçons. On peut en faire un débat, mais le rugby est prioritaire (comme ce dimanche) […] La place du sport en France, il y a déjà débat ; mais celle du sport féminin est catastrophique. On n’est pas à l’âge de pierre, mais pas loin. Il n’y a aucune considération pour le sport féminin.

Ça n’a pas bougé depuis votre premier passage sur le banc des Rafettes ?

Le foot féminin est aujourd’hui surmédiatisé, mais la mentalité n’a pas évolué. Il y a des gens encore qui se demandent pourquoi des filles font du foot ou du rugby (rires jaunes). Oh, il faut se réveiller ! On l’a bien vu lors du Mondial cet été : quinze jours avant, aucune chaîne TV n’avait acheté les droits… Et ce n’est pas spécifique au football. C’est un combat. Les filles ont ça en elles, elles sont toujours obligées de faire plus pour gagner en crédibilité. J’ai des filles qui s’entraînent tous les jours, après leur journée de boulot, elles rentrent chez elles à 21 heures et font ça uniquement par passion (l’effectif compte quatre demi-contrats fédéraux). Je suis persuadé qu’il n’y a pas un mec qui fait ça !
 

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Les commentaires (1)
Vinchau Il y a 7 mois Le 14/09/2023 à 17:33

Allez les Rafettes ! Vous avez toujours porté tres haut les couleurs ruthenoises et aveyronnaises ! Cela va continuer, c est sûr. En sang et or, vous etes les plus belles !