La France a plus de temps pour mettre de l'ordre dans ses finances

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AFP

Paris a obtenu vendredi un sursis de deux ans, soit jusqu'en 2015, pour remplir ses objectifs budgétaires alors que la Commission européenne table sur une récession cette année en France et prévoit un dérapage de ses déficits contribuant à une hausse inquiétante du chômage.

Dans ses prévisions économiques dévoilées vendredi, la Commission estime que le déficit de la France va déraper, à 3,9% du PIB cette année et à 4,2% l'an prochain. Ces chiffres s'éloignent beaucoup de ceux du gouvernement français, qui prévoit de rater l'objectif de 3% cette année avec un déficit de 3,7%, mais de revenir à 2,9% du PIB en 2014.

De même, alors que Paris prévoit une croissance de 0,1% cette année, Bruxelles anticipe une récession de 0,1%.

Les prévisions du gouvernement français sont "excessivement optimistes", a tranché le commissaire chargé des Affaires économiques, Olli Rehn, ajoutant que "pour ramener le déficit sous les 3%, des efforts beaucoup plus importants et urgents sont nécessaires". C'est pourquoi, "étant donnée la situation économique, il serait raisonnable de prolonger de deux ans le délai" pour revenir dans les clous imposés par la Commission, soit 2015 et non 2014 comme demandé par Paris.

Le ministre français des Finances Pierre Moscovici a réagi en soulignant à l'inverse que "les prévisions de croissance de Bruxelles sont proches" des prévisions du gouvernement français. "Je continue de maintenir que la croissance française peut être un peu plus élevée que ce que prévoit la Commission", a-t-il ajouté.

"Ce sont des thèses françaises qui ont été entendues. Dans l'équilibre entre la réduction des déficits et le soutien à la croissance, c'est désormais le soutien à la croissance qui l'emporte et c'est fondamental", s'est félicité M. Moscovici.

Le commissaire européen a pourtant insisté sur le fait que la souplesse accordée à la France dans la gestion de son déficit ne devait pas la dispenser de faire des efforts supplémentaires.

"Dans tous les cas de figure, il est essentiel que la France mette pleinement en oeuvre les mesures envisagées et précise rapidement quelles nouvelles actions elle compte entreprendre", a-t-il dit.

La légère récession qui attend la France cette année est d'abord à mettre au compte de la faiblesse de la consommation, explique la Commission dans ses prévisions. Cette atonie est liée à un revenu disponible des ménages insuffisant pour cause de chômage et de hausses d'impôts. Bercy prévoit en effet une hausse des prélèvements obligatoires cette année à 46,3% du PIB, puis 46,5% les années suivantes, contre 44,9% l'an dernier.

Autre facteur qui va peser sur la croissance: le manque de confiance des entrepreneurs qui risque de se traduire par une réticence à investir, expliquent les économistes de Bruxelles. Sans compter un troisième problème mis en avant par M. Rehn, "la détérioration persistante de la compétitivité française" à l'exportation.

"Dès lors, une stratégie budgétaire de moyen terme crédible doit s'accompagner de réformes structurelles substantielles en matière de marché du travail, de système de pensions et d'ouverture des marchés", a souligné le commissaire européen.

Il a jugé que c'était "essentiel pour débloquer le potentiel de croissance et déverrouiller la situation de l'emploi, dont la France a tant besoin".

Car la morosité économique ambiante va peser sur le chômage, autre point noir du tableau économique de l'Hexagone: alors que dans la plupart des pays de la zone euro il devrait repartir à la baisse l'an prochain, en France le taux de chômage devrait se stabiliser cette année à 10,6% puis progresser pour atteindre 10,9% en 2014.

Or, l'emploi a été élevé au rang de "grande cause nationale" par le président français Hollande, dont le gouvernement a promis d'"inverser la courbe du chômage". Mais les critiques, notamment dans l'opposition, jugent que les mesures prises, emplois d'avenir, contrats de génération, ou encore crédit impôt-compétitivité, sont trop timides pour changer la donne.

Enfin, la dette publique va elle aussi augmenter, anticipe la Commission: de 90,2% du PIB en 2012, elle devrait passer à 94,0% cette année et 96,2% l'an prochain. Là encore, c'est plus que ce qu'attend Paris, qui prévoit un pic à 94,3% en 2014.

"Aucun pays n'est épargné par la crise", a souligné le ministère des Finances dans un communiqué.

Les chiffres publiés vendredi illustrent cependant le décrochage toujours plus important de l'économie française par rapport à celle de l'Allemagne, où la croissance devrait atteindre 1,8% l'an prochain contre 1,1% en France, avec un retour des comptes publics à l'équilibre, un chômage en baisse à 5,3% et un taux d'endettement à 78,6%.

Source : AFP

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