Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies

  • Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies
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    Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies
Publié le
Myriam Laffont

Laurent Charvet, 44 ans, hier, ingénieur, aujourd’hui boulanger à l’ancienne à Saint-Cyprien-sur-Dourdou. Claire Charvet, 40 ans, hier, préparatrice en biologie, aujourd’hui, employée de boulangerie. Chrystelle Audo, 42 ans, hier ingénieur, aujourd’hui maraîchère et exploitante des Jardins de la Borie.

  • Laurent Charvet, 44 ans, hier, ingénieur, aujourd’hui boulanger à l’ancienne à Saint-Cyprien-sur-Dourdou. Claire Charvet, 40 ans, hier, préparatrice en biologie, aujourd’hui, employée de boulangerie

Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies
Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies

"À la quarantaine, j’ai eu l’impression de patiner, de ne plus être créateur de ma vie. Je passais des heures devant l’écran. Je l’éteignais le soir en partant, l’écran se vidait, rien ne restait hormis cette impression que la vie passe, qu’on vieillit, que ça s’écoule sans intérêt, sans nous."  À 19 ans, son CAP photo en poche, Laurent est employé dans un magasin photo à Rodez. Trois ans plus tard, il intègre, technicien photographe, le CNRS (Centre nationale de la recherche scientifique) de Montpellier où il ne cessera de gravir les concours et les échelons jusqu’au grade d’ingénieur. Sa femme, Claire, CAP photo en poche, le rejoint dans l’Hérault, entre à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), passe des concours et jongle entre son job de préparatrice en biologie et leurs deux enfants : "À Montpellier, on manquait de vert et de vision large. La foule, on n’en pouvait plus. Jusque-là familiale, l’ambiance au travail s’est dégradée. Changer nous a trotté dans la tête longtemps."

J'ai vu mon collègue tomber raide mort

En 2000, Laurent est victime d’un petit AVC. Plus tard, il verra un collègue "tomber raide mort" sur son clavier. Il reprendra le poste de son collègue décédé et regardera la photo de famille, désormais endeuillée, s’afficher en fond d’écran. Les écrans se vident, rien ne reste. Pendant une dizaine d’années, de multiples facteurs, anecdotes, circonstances, prises de conscience s’accumulent, s’accélèrent et préfigurent l’agglomérat sur lequel s’appuiera le changement. En 2008, le couple envisage une mutation à Limoges, généreux pour ce qui est du vert. La ville ne leur plaît pas, "là, on s’est dit, on arrête les bêtises et on bosse. Six mois après, on cherchait quoi faire en Aveyron. Laurent faisait déjà son pain, on était sensible à la qualité de notre alimentation et surtout, on voulait créer du bon et du lien."

"Tu fais un métier à la con"

Laurent a grandi dans la boulange, son père, son grand-père au fournil, souvenirs d’odeurs, désir de revenir aux sources, même si le jeune Laurent se rappelle avoir dit à son père : "Tu fais un métier de con, je te vois jamais, tu travailles 20 heures d’affilée!"  Leur décision prise, Claire et Laurent foncent: ils démissionnent. "Si on part, on ne peut pas revenir en arrière et on ne peut qu’avancer. À la chambre de métiers, la responsable de la formation m’a dit: On vous fait confiance parce que vous avez démissionné", ils vendent leur maison dont la valeur a triplé en 7 ans, louent un gîte en Aveyron et prospectent, Laurent passe son CAP boulanger, ils trouvent la maison idéale, y installent en novembre 2011 le Fournil du Truquet, pains à l’ancienne 100% bio et levain naturel. "Depuis qu’on a démissionné, tout s’enchaîne, se déroule sans accroc", s’émerveillent-ils en choeur : "On colle au prévisionnel, on a assez pour vivre et payer les factures, les proches qui étaient inquiets ou dubitatifs sont aujourd’hui nos premiers supporters, nos pains font des heureux. Oui, on travaille 7 jours sur 7 mais nous avons gagné une extraordinaire sérénité. "

 

  • Chrystelle Audo, 42 ans, hier ingénieur, aujourd’hui maraîchère et exploitante des Jardins de la Borie.  

Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies
Aveyron: Itinéraire de reconversions réussies

"Ces six semaines de bilan de compétences ont été décisives. J’avais la vague idée de monter une ferme, de faire du maraîchage, de l’accueil, de la vente directe, de la pédagogie. Que la conseillère me dise que j’étais faite pour ça a été une délivrance : j’étais dans le noir, je ne savais pas où aller et elle m’a dit: “C’est votre direction”. Avant, je n’osais pas, là, soudain, j’avais le starter pour démarrer.» Ingénieur agricole dans la région parisienne, Chrystelle est licenciée du groupe L’Oréal en 2004, après 10 ans d’activité. S’ensuit un voyage au Niger et le projet d’y créer une ferme pédagogique. Le projet sera ajourné, trop complexe. En 2005, galvanisée par le bilan de compétences, la Parisienne a des ailes et s’attaque à la réalisation de son projet. Celle qui conserve des souvenirs de vacances paradisiaques chez ses grands-parents paternels dans l’Aveyron a le coup de foudre pour la Borie, Auzits. 12 hectares, un horizon à couper le souffle, une excellente prise de contact avec les propriétaires, le dossier d’installation déposé à la chambre d’agriculture.

"Ici, c'est la liberté!"

"Tout est arrivé dans le bon ordre. Les bonnes circonstances, les bonnes rencontres, les bonnes conjonctions. Et là, oui, on se dit qu’on est vraiment fait pour ça."  Évident, le projet n’en est pas moins rigoureusement paramétré : "Nous avions des enfants, nous ne pouvions pas prendre le risque de nous planter, notre réflexion a été profonde et notre ami, directeur financier à L’Oréal, a livré le business plan." Le père de Chrystelle, cadre chez Coca Cola, est inquiet et très perplexe sur la solvabilité économique du projet :"Aujourd’hui, c’est un crève-coeoeur pour lui de repartir en région parisienne." Le mari de Chrystelle, professeur en région parisienne, n’obtiendra sa mutation que deux ans après l’installation de sa femme sur le plateau. Mais là, encore tout s’enchaîne, le coup de main des voisins, la bonne fortune d’une gare à quelques kilomètres, le bonheur des fillettes, parfaitement intégrées, qui se sont exclamées le premier jour : "Oh, maman, ici, c’est la liberté !". En 2009, Chrystelle installe et loue deux yourtes à flanc d’horizon: "Nous souhaitions qu’avec ces conditions inhabituelles, les gens, coupés du quotidien, puissent s’ouvrir à la possibilité d’un autre mode de vie et de consommation."

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