Enquête sur l'arbitrage: Tapie et son avocat en garde à vue

  • Maurice Lantourne et Bernard Tapie, le 10 septembre 2008 à l'Assemblée nationale
    Maurice Lantourne et Bernard Tapie, le 10 septembre 2008 à l'Assemblée nationale AFP/Archives - Jacques Demarthon
  • Bernard Tapie (C) avec ses avocats Mes Maurice Lantourne (D) et Hervé Temime (G), le 19 octobre 2005, au palais de justice de Paris
    Bernard Tapie (C) avec ses avocats Mes Maurice Lantourne (D) et Hervé Temime (G), le 19 octobre 2005, au palais de justice de Paris AFP/Archives - Jack Guez
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AFP

L'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, a de nouveau été placé en garde à vue mardi dans l'enquête sur l'arbitrage controversé de son litige avec le Crédit lyonnais, les policiers continuant parallèlement à interroger l'homme d'affaires qui s'était vu octroyer 403 millions d'euros en 2008.

Les juges d'instruction soupçonnent l'arbitrage, qui était venu solder un vieux contentieux né de la vente d'Adidas en 1993, d'avoir été biaisé au profit de M. Tapie, aujourd'hui âgé de 70 ans.

Pour les enquêteurs, il s'agit notamment de comprendre comment l'homme d'affaires -dont la garde à vue a été prolongée mardi- a plaidé sa cause à l'Elysée et au ministère de l'Economie et quels pouvaient être ses éventuels liens avec les arbitres.

C'est sur ce second point que le rôle de Me Lantourne, avocat de longue date de M. Tapie qu'il a a connu en 1996, intéresse tout particulièrement les enquêteurs.

Ces derniers soupçonnent ainsi l'avocat, dont le cabinet a été perquisitionné fin janvier, d'avoir eu des relations professionnelles avec un des arbitres, Pierre Estoup, et de ne pas en avoir fait état au moment de l'arbitrage comme l'exige la loi.

Lors de sa première garde à vue, Me Lantourne avait notamment été interrogé sur les conditions de désignation des arbitres.

Ce fut un choix collégial, a-t-il dit en substance, mais contrairement à l'usage - un arbitre choisi par chaque partie et un troisième choisi par les deux autres - le CDR (Consortium de réalisation, chargé du passif du Crédit Lyonnais) et le camp Tapie ont "codésigné" les trois arbitres. Selon les indications de Me Gilles August, avocat du CDR, aux enquêteurs, c'est Me Lantourne qui a suggéré le nom de Pierre Estoup.

C'était un nom parmi d'autres, avait déclaré Me Lantourne aux enquêteurs.

Interrogé par l'AFP, Me Lantourne avait indiqué avoir participé à trois arbitrages avec M. Estoup, qui a été mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans cette enquête.

"Trois arbitrages ensemble en dix ans, dans les années 2000-2001, les règles non obligatoires préconisent de le signaler lorsqu'il y en a eu trois en trois ans", avait précisé Me Lantourne. Selon lui à l'époque, personne n'avait demandé que M. Estoup soit récusé comme arbitre.

Un courrier peut-être compromettant

Lors de leur perquisition, les enquêteurs ont toutefois mis la main sur un courrier de M. Estoup à Me Lantourne sur l'arbitrage, qui pourrait s'avérer compromettant; "Je me suis attaché à assurer la sécurité juridique" du compromis "supprimant tout ce qui pouvait ouvrir la voie à d'éventuels recours", précise M. Estoup en demandant à l'avocat de lui donner très rapidement son avis. Or, selon l'enquête, aucun autre avocat n'a semble-t-il reçu cette lettre.

Les enquêteurs soupçonnent également Me Lantourne d'avoir pu confier des missions, rémunérées, à M. Estoup, notamment dans d'autres affaires concernant M. Tapie. MM. Tapie et Lantourne ont démenti.

Les juges s'interrogent également sur le sens d'une dédicace faite par M. Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à M. Estoup. "Votre soutien a changé le cours de mon destin", lui écrivait-il.

Outre M. Estoup, deux personnes sont mises en examen dans cette enquête: Stéphane Richard, le PDG d'Orange et ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde, et Jean-François Rocchi, ancien patron du CDR.

Jean Bruneau, ancien président de l'association des petits porteurs de BTF (Bernard Tapie Finances), était également toujours mardi en garde à vue, une mesure qui peut se prolonger jusqu'à 96 heures.

Une date clé de l'affaire paraît être une réunion tenue fin juillet 2007 à l'Elysée en présence, selon M. Richard, du secrétaire général Claude Guéant, du secrétaire général adjoint François Pérol, de M. Rocchi, du conseiller justice de l'Elysée Patrick Ouart, mais également de M. Tapie.

Lors de cette réunion, Claude Guéant avait tranché: "Nous allons faire l'arbitrage", a rapporté M. Richard. Placé au cœur de l'affaire, Claude Guéant devrait lui aussi être prochainement convoqué par les enquêteurs, qui ont déjà perquisitionné son cabinet et son domicile.

Source : AFP

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