Prothèses PIP: le géant allemand du contrôle TÜV fixé sur son sort

  • Des plaignantes et leur avocat Laurent Gaudon  lors du procès des prothèses PIP le 22 mars 2013 à Marseille
    Des plaignantes et leur avocat Laurent Gaudon lors du procès des prothèses PIP le 22 mars 2013 à Marseille AFP/Archives - Gerard Julien
  • Les dossiers de l'affaire des prothèses PIP à l'ouverture du procès pénal qui le 18 avril 2013 à  Marseille
    Les dossiers de l'affaire des prothèses PIP à l'ouverture du procès pénal qui le 18 avril 2013 à Marseille AFP/Archives - Anne-Christine Poujoulat
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AFP

Le tribunal de commerce de Toulon se prononce jeudi, au civil, sur la responsabilité du leader mondial du contrôle qualité, l'allemand TÜV, dans le scandale des implants mammaires frauduleux PIP, que l'entreprise était chargé de certifier.

Six distributeurs - un bulgare, un brésilien, un italien, un syrien, un mexicain et un roumain - réclament à l'entreprise 28 millions d'euros, et plus de 1.600 porteuses de prothèse mammaires, essentiellement sud-américaines mais aussi françaises et anglaises, demandent, elles, 16.000 euros chacune au titre notamment du préjudice moral et d'anxiété, soit environ 25 millions d'euros. Soit, au total, 53 millions.

Certaine porteuses, ainsi qu'un avocat du barreau de Bogota (Colombie), sont attendus à Toulon pour entendre la décision, a indiqué l'AFP Me Laurent Gaudon, qui représente plusieurs victimes.

Elles estiment que la fraude n'aurait pu se produire sans des défaillances répétées dans les inspections du géant allemand du contrôle. L'enjeu est de taille : trouver un débiteur pour indemniser les victimes.

Car, dans le procès pénal qui s'est tenu à Marseille au printemps, et où TÜV n'est pas poursuivi, les cinq prévenus, anciens cadres et dirigeants de l'entreprise varoise au coeur de la fraude, Poly Implants Prothèses, ne sont pas solvables.

Lors des plaidoiries à Toulon, les avocats des distributeurs et des victimes avaient dénoncé le fait que TÜV, malgré les "pouvoirs étendus" (inspections inopinées, tests d'échantillons, saisie des stocks) dont il disposait, n'avait jamais vérifié les implants, se contentant du seul contrôle documentaire. Dans sa fraude parfaitement organisé, PIP avait ainsi aisément pu déjouer ces contrôles, prévenu à l'avance des visites du certificateur.

"Il aurait suffi d'examiner une seule des centaines de milliers de prothèses", s'était indigné à l'audience Me Olivier Aumaitre, avocat des distributeurs.

Manque de curiosité

"TÜV a rendu crédibles, dans le monde entier, des produits qui ne le méritaient pas", avait résumé Me Gaudon.

"J'ai entendu une belle histoire, mais ce n'est pas la réalité de la réglementation. Ce n'est pas TÜV qui apposait le marquage CE sur les prothèses", avait répliqué l'avocate de TÜV, Me Cécile Derycke, soulignant que la mission du groupe était de contrôler le procédé de fabrication, et non les implants eux-mêmes. "Nous ne sommes ni une autorité de surveillance, ni un fonds d'indemnisation", avait-elle ajouté, soulignant "l'escroquerie de grande ampleur" de PIP.

De son côté, le parquet n'avait pas évoqué une éventuelle condamnation. "Les victimes doivent être indemnisées, elles le seront, est-ce que c'est ici ?", s'était demandé le procureur Nicolas Bessone, tout en soulignant le manque de curiosité de TÜV pour ce "petit client". Il avait également mentionné un nouveau règlement européen, directement inspiré de l'affaire PIP, qui doit rendre obligatoires les contrôles inopinés. "Si on en a besoin, c'est qu'on ne peut reprocher à TÜV d'avoir manqué à ses obligations", avait-il estimé.

Début septembre, la Commission européenne a effectivement renforcé la surveillance des dispositifs médicaux, dont les certificateurs devront désormais respecter un cahier des charges détaillé, incluant la tenue de contrôles surprise des fabricants, et une surveillance d'éventuelles fraudes sur les matières premières qu'ils utilisent.

Début mai, la justice avait autorisé, dans le cadre de la procédure toulonnaise, les six distributeurs à saisir à titre conservatoire les comptes bancaires de la filiale française du certificateur à hauteur de 900.000 euros, une décision confirmée par un juge de l'exécution de Nanterre.

En-dehors des procédures françaises, trois cents Argentines porteuses de prothèses ont également déposé une plainte collective dans leur pays, exigeant 41 millions d'euros de dommages et intérêts, contre PIP et TÜV.

TÜV a par ailleurs été assigné fin août en Allemagne par l'une des caisses d'assurance-maladie AOK, l'AOK Bayern, qui assure un peu plus de 4 millions de personnes. TÜV met lui en regard deux jugements favorables obtenu outre-Rhin contre des porteuses lui ayant demandé réparation.

Source : AFP

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