Projet de loi Santé : après la rue, la "bataille" commence au Parlement

  • La ministre de la Santé, Marisol Touraine, le 17 mars 2015 à l'Assemblée nationale à Paris
    La ministre de la Santé, Marisol Touraine, le 17 mars 2015 à l'Assemblée nationale à Paris AFP - François Guillot
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Centre Presse Aveyron

Le projet de loi Santé défendu par Marisol Touraine est arrivé mardi au Parlement sous l'étroite surveillance de médecins très critiques, mais également d'une majorité soucieuse d'afficher son unité autour d'un texte "de progrès".

La bataille parlementaire a commencé avec l'audition de la ministre de la Santé par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale qui examine le texte cette semaine, avant un débat dans l'hémicycle du 31 mars au 10 avril. Il n'y aura qu'un examen par Chambre, le texte faisant l'objet d'une procédure accélérée.

Mais la présidente de la commission, Catherine Lemorton, a tout de même prévenu que ce serait un "marathon", évoquant le dépôt de 1.760 amendements.

Le débat a été marqué mardi soir par un coup de colère de Marisol Touraine dénonçant les attaques personnelles dont elle a été l'objet depuis des mois. "La coupe est pleine", a-t-elle lancé, très émue, dénonçant "la virulence des propos" tenus ces dernières semaines à son encontre.

A ceux qui reprochent au projet l'absence d'engagements financiers, Mme Touraine a rétorqué que ce n'était pas l'objet du texte et que par ailleurs, le déficit de la Sécurité sociale repasserait "sous la barre des 10 milliards d'euros" pour 2014.

"On peut améliorer les droits de nos concitoyens en faisant diminuer le déficit de la sécurité sociale", a-t-elle mis en avant.

Présenté en octobre, son projet de loi couvre un large champ, de la prévention de l'obésité au dossier médical partagé. Mais depuis des mois, l'attention se focalise sur la généralisation du tiers payant.

Pour la ministre, c'est une mesure de "progrès", qui favorise l'accès aux soins. Elle compte d'ailleurs rebaptiser le texte "loi de modernisation de notre système de santé". Soixante pour cent des Français plébiscitent cette réforme, selon un récent sondage.

Mais les médecins libéraux estiment que dispenser les patients de l'avance des frais risque de faire exploser les dépenses de santé, et occasionnera beaucoup de paperasserie et des problèmes de trésorerie.

Depuis décembre, ils multiplient les actions: fermeture des cabinets autour de Noël, grève des gardes encore le week-end dernier et non utilisation de la carte vitale. Dimanche, entre 19.000 et 50.000 blouses blanches ont défilé à Paris.

"Le tiers payant est vécu comme une atteinte au coeur même de la médecine libérale : les médecins ont peur de passer sous la dépendance des financeurs publics - la Sécu - et privés - les mutuelles", analyse Frédéric Pierru, chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).

- Un texte 'marqueur de gauche' -

Au-delà, "le texte cristallise un ensemble de ressentiments très variés", souligne le spécialiste en santé publique.

Ainsi, les généralistes sont appelés à rester chez eux jeudi par leur principal syndicat, MG France, autant pour contester le texte que pour obtenir des revalorisations d'honoraires.

Aux craintes des libéraux se sont greffés l'inquiétude des étudiants sur leurs conditions d'installation, le sentiment des cliniques privées d'être mal aimées et l'impression d'autres soignants (infirmiers, dentistes...) d'avoir été tenus à l'écart des discussions.

- Projet "bancal" selon les écologistes -

Marisol Touraine a amendé son texte pour répondre aux "inquiétudes". Elle a par exemple réduit à une "expérimentation" la possibilité pour les pharmaciens de réaliser des vaccinations contre la grippe.

A propos du tiers payant, la ministre a promis que l'assurance maladie acquitterait des pénalités si elle ne remboursait pas les médecins dans un délai de sept jours. Mais sur le fond, elle n'a rien lâché et le système sera bien généralisé en 2017.

"La ministre ne peut pas céder" parce qu'elle porte "un texte d'affichage politique", "marqueur de gauche", estime Gaël Sliman, président de l'institut de sondage Odoxa.

Pour preuve, le Parti socialiste a demandé au gouvernement de ne pas reculer sur le tiers payant. Une unanimité bienvenue après les déchirements autour de la loi Macron, qui avaient forcé le gouvernement à passer en force avec un vote de confiance.

De leur côté, les médecins pourront compter sur le relais des parlementaires de droite, l'UDI et l'UMP ayant fait savoir qu'ils s'opposeraient vigoureusement au texte.

Pour les écologistes, le projet va "dans le bon sens" mais est "bancal", tandis que les élus du Front de gauche n'ont pas encore arrêté leur position.

Mardi soir, la commission des Affaires sociales a adopté un amendement du rapporteur du texte, Olivier Véran (PS), renforçant "le parcours éducatif en santé" prévu, de la maternelle au lycée, par le projet de loi.

Elle a aussi voté un autre amendement de M. Véran permettant de faire varier "en fonction des supports de communication, des produits et des publics" le message traditionnel, obligatoire dans les publicités, contre l'abus d'alcool.

Source : AFP

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