Etats-Unis: la collecte massive de données téléphoniques par la NSA jugée illégale

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    Le logo de l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA) AFP/Archives - Paul J. Richards
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Centre Presse Aveyron

Un tribunal américain a jugé illégale jeudi la collecte massive de données téléphoniques opérée par l'agence de renseignement NSA à partir de la loi antiterroriste Patriot Act, qui fait l'objet d'un débat au Congrès pour être éventuellement réformée.

Les lois sur lesquelles s'est appuyée la NSA pour mettre en place ce programme de surveillance "n'ont jamais été interprétées pour autoriser quelque chose qui s'approche de l'ampleur de la surveillance généralisée en question ici", a estimé un tribunal d'appel de New York dans un document de 97 pages.

Sans juger de la constitutionnalité du programme, le tribunal estime qu'il outrepasse le cadre fixé par le Congrès dans le fameux "article 215" de la loi Patriot Act, votée en trois jours après les attentats du 11-Septembre et qui visait à faciliter la surveillance des personnes suspectées de terrorisme, notamment sur internet.

La NSA collecte en continu des millions de "métadonnées" des appels téléphoniques passés aux Etats-Unis, c'est-à-dire leur durée, leur localisation, le numéro appelé, l'horaire, mais pas leur contenu.

Une plainte avait été déposée par la puissante association de défense des libertés Aclu (American Civil Liberties Union) contre la National Security Agency (NSA), chargée de l'interception des communications, et le FBI, la police fédérale, après des révélations faites en juin 2013 par l'ancien consultant de la NSA Edward Snowden.

L'Aclu et d'autres défenseurs des libertés estiment que ce programme constitue une violation massive de la vie privée sans aider outre mesure à contrer le terrorisme.

Ces métadonnées peuvent fournir des informations personnelles considérables, sur les "affiliations civiques, politiques ou religieuses" d'une personne, ou encore "si elle a eu et quand elle a eu une relation amoureuse", a souligné le tribunal.

Selon la cour d'appel, l'interprétation qu'en fait le gouvernement "défie tout principe de limitation" car il pourrait également collecter "toutes les autres métadonnées du secteur privé, y compris celles des bilans financiers, de santé, et des communications électroniques (y compris les emails et les informations des réseaux sociaux) de tous les Américains".

- "Mécanisme alternatif" -

Le tribunal a cependant refusé d'émettre une injonction pour arrêter le programme, arguant que cela n'aurait pas de sens puisque la loi doit expirer le 1er juin. "Etant donné les questions de sécurité nationale en jeu, nous jugeons prudent de faire une pause pour permettre au Congrès de débattre".

"Il s'agit d'une victoire retentissante de l'Etat de droit", a réagi le représentant de l'Aclu Alex Abdo. "Le tribunal a rejeté la théorie du gouvernement selon laquelle il pourrait stocker des informations sur nous tous au cas où il en aurait besoin à l'avenir".

Les élus débattent actuellement de cette loi. S'ils la laissent expirer le 1er juin, cela mettrait fin brutalement au programme d'agrégation de métadonnées, mais laisserait un vide juridique qui inquiète une partie des ONG, car de nombreux autres programmes sont potentiellement concernés.

Les détracteurs de la NSA, dans les camps républicain aussi bien que démocrate, ont applaudi cette décision de justice.

"Cette décision est monumentale pour les amoureux de la liberté", a déclaré le sénateur républicain de tendance libertaire Rand Paul, candidat aux primaires présidentielles de 2016.

L'ancienne taupe de WikiLeaks Chelsea Manning, condamnée en août 2013 à 35 ans de prison pour avoir transmis plus de 700.000 documents confidentiels au site WikiLeaks et violé ainsi l'Espionage Act, a qualifié la décision "d'intéressante".

Les réformistes tentent de faire voter une proposition de loi d’ici le 1er juin qui mettrait fin à ce programme. La loi, nommée USA Freedom Act, doit être examinée la semaine prochaine à la Chambre des représentants. Des organisations comme le Center for democracy and technology ou le Brennan Center for Justice ont encore plaidé en sa faveur jeudi.

Mais les amis, surtout républicains, de la communauté du renseignement résistent et militent pour une prolongation en l'état du programme, tandis que Barack Obama a apporté son soutien au projet de réforme.

Le président américain plaide pour "un mécanisme alternatif visant à préserver les capacités essentielles du programme sans que le gouvernement puisse conserver les données", a rappelé jeudi Edward Price, secrétaire adjoint chargé de la presse au Conseil de sécurité national de la Maison Blanche.

Les défenseurs de la vie privée sont eux aussi divisés. Certains estiment que le USA Freedom Act ne réformerait que "modestement" les programmes de surveillance.

Le programme de collecte de données fait l'objet de plusieurs plaintes. En 2013, un juge fédéral à Washington avait mis en doute sa constitutionnalité estimant qu'il portait "atteinte à la vie privée" sur la base d'une technologie "quasi-orwellienne". Sa décision est contestée en appel.

Source : AFP

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