Amazon modifie ses pratiques fiscales en Europe et devrait payer ses impôts en France

  • Le logo du géant de la distribution en ligne américain Amazon, le 11 novembre 2014 à Berlin
    Le logo du géant de la distribution en ligne américain Amazon, le 11 novembre 2014 à Berlin AFP/Archives - John Macdougall
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Centre Presse Aveyron

Le géant américain de la distribution Amazon a annoncé mardi qu'il déclarait désormais ses revenus dans quatre grands pays européens, et qu'il allait le faire en France, une décision qui pourrait signer la fin d'une pratique d'optimisation fiscale dans le collimateur de la Commission européenne.

Le groupe de Seattle affirme comptabiliser depuis le 1er mai ses ventes à partir de branches nationales au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en Italie, et non plus à partir du Luxembourg, comme il le faisait jusqu'ici.

Le groupe travaille parallèlement à l'ouverture d'une telle filiale en France.

"Nous examinons régulièrement nos structures afin de nous assurer que nous pouvons servir nos clients aussi bien que possible et proposer des produits et services supplémentaires", a indiqué l'entreprise dans une déclaration à l'AFP. L'établissement de ces filiales locales en Europe a commencé "il y a plus de deux ans", a-t-elle assuré.

Déclarer ses revenus par pays implique de payer des impôts dans ces pays. Or jusqu'ici, le groupe relocalisait ses bénéfices européens vers son siège au Luxembourg, pays à la fiscalité avantageuse, ce qui lui permettait d'alléger considérablement sa facture fiscale.

fiscalité avantageuse Ces pratiques d'optimisation sont légales, mais de plus en plus contestées au niveau européen, en particulier depuis que les Etats sont confrontés à des situations budgétaires dégradées du fait de la crise.

Amazon fait en effet partie des grandes entreprises dans le collimateur de Bruxelles pour des montages fiscaux au Luxembourg et ailleurs: à l'instar d'Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas et Fiat au Luxembourg, la Commission européenne a lancé une enquête sur les pratiques du groupe américain avant l'explosion du scandale Luxleaks.

"Ces changements à venir n'ont pas d'impact sur l'enquête en cours au sujet d'un possible avantage potentiellement octroyé à Amazon dans le passé à travers le rescrit fiscal", a réagi mardi le porte-parole de la Commission en charge des dossiers de concurrence, Ricardo Cardoso.

Le Luxleaks a mis au jour des centaines de ces rescrits, qui permettent aux entreprises de demander à l'avance à un pays quelle sera sa situation fiscale, une pratique qui aboutit parfois à offrir une "fiscalité à la carte" à certaines multinationales, selon ces révélations.

- "Aveu incroyable" -

L'annonce d'Amazon "est un aveu incroyable", a réagi l'économiste Thomas Piketty sur la radio française France Inter, estimant qu'il fallait "réclamer la note sur les années passées" et mettre en place un "impôt commun sur les sociétés" en Europe.

Plus globalement, les pressions se multiplient au niveau mondial contre les pratiques d'évitement fiscal, le G20 et l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ayant lancé depuis plusieurs mois une offensive internationale.

"La décision d'Amazon montre qu'au plan politique, il faut soutenir l'adoption sous l'égide du G20 d'un plan fort contre l'optimisation fiscale. Il n'est pas possible d'échouer", a réagi auprès de l'AFP Pascal Saint-Amans, directeur de la fiscalité à l'OCDE, qui fait valoir que les entreprises, si elles prennent des engagements de transparence, continuent à mener "un lobbying extrêmement dur", relayé par certains gouvernements.

"Nous allons examiner cela, mais c'est toujours mieux quand les entreprises payent leurs impôts à l'endroit où elles génèrent leurs profits, c'est un principe cardinal", a déclaré depuis Dublin le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

Selon des "sources du gouvernement allemand", Berlin "salue" aussi la décision d'Amazon, et juge qu'elle "peut être interprétée comme un succès des efforts internationaux de lutte contre les pratiques d'optimisation fiscale". Cela fait "monter la pression" sur l'ensemble des multinationales adeptes de ce type de pratiques, ont relevé ces sources.

Manon Aubry, spécialiste des questions fiscales pour l'ONG Oxfam, souligne la nécessité de rester "vigilant".

"Leur résultat comptable ne reflète pas forcément leur activité réelle, la possibilité de transférer des revenus existe toujours", remarque-t-elle. "Si les multinationales veulent jouer le jeu de la transparence, je leur dis +Chiche+, mais alors qu'elles publient toutes leurs informations comptables et fiscales, dans tous les pays."

Amazon, qui est tombé dans le rouge au premier trimestre avec une perte de 57 millions de dollars, comptait en janvier 32.000 salariés permanents en Europe. Le groupe commercialise 100 millions de produits à travers 28 centres de distribution sur le continent.

Source : AFP

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