Grèce: convaincre les créanciers puis ses députés, partie serrée pour Alexis Tsipras

  • Le Premier ministre grec Alexis Tsipras à Bruxelles, le 7 juillet 2015
    Le Premier ministre grec Alexis Tsipras à Bruxelles, le 7 juillet 2015 AFP - Kenzo Tribouillard
  • Un marché à Athènes, le 30 juin 2015
    Un marché à Athènes, le 30 juin 2015 AFP/Archives - LOUISA GOULIAMAKI
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Centre Presse Aveyron

Victorieux d'un référendum qui a rejeté l'austérité proposée par les créanciers du pays, le Premier ministre Alexis Tsipras va soumettre un programme d'économies budgétaires peut-être encore plus rigoureux.

Le risque politique est réel mais le dirigeant grec a les atouts pour tirer son épingle du jeu, selon plusieurs observateurs.

"Alors qu'on a un renforcement du mandat contre les demandes des créanciers, le gouvernement suit la même direction qu'avant le référendum!": l'universitaire Seraphim Seferiades, professeur de sciences politiques à l'université Panteion d'Athènes et proche de la gauche, est de ceux qui ne comprennent pas la logique du gouvernement grec.

Et qui pensent que le programme de réformes et d'efforts budgétaires qu'Alexis Tsipras s'apprête à soumettre, d'ici jeudi soir, aux créanciers du pays (UE et FMI) "ne passera pas" au sein du parti de gauche radicale Syriza, à la tête de la coalition gouvernementale formée en janvier avec le petit parti souverainiste des Grecs Indépendants (Anel).

"Le programme sera sans doute voté au parlement grâce aux voix de l'opposition mais ça va secouer au sein de Syriza, il y aura des démissions, des exclusions. Et de toute façon, un parti qui ferait la politique des socialistes et des conservateurs n'aurait plus de raison d'être", considère-t-il.

Mais pour Filippa Chatzistavrou, chercheuse au think tank grec Eliamep, la victoire politique personnelle remportée par Tsipras au référendum est un atout et peut au contraire, en cas d'accord, "l'aider à recentrer son parti".

Après le référendum, "personne n'attend que le Premier ministre sorte une baguette magique. Sa marge de manoeuvre avec les créanciers est faible mais s'il arrive à mieux négocier la dose d'austérité, il sortira encore renforcé", estime-t-elle.

A l'opposé, Seraphim Seferiades craint la déception de ceux qui ont voté non (61%), alors que la composante de "classe" de la consultation était "nette": le non a été plébiscité dans les quartiers les plus paupérisés d'Athènes et chez les jeunes, dont un sur deux est au chômage.

"C'est l'extrême-droite qui risque de remporter la mise", s'inquiète le chercheur.

La chancelière allemande Angela Merkel avait prévenu lundi que la potion d'austérité demandée au Grecs risquait d'être plus amère qu'avant le référendum.

- 'pro-drachme' vs europhiles -

Alexis Tsipras joue une partie serrée face à la composante eurosceptique de son parti, une "aile gauche" qui représente environ 30% des instances dirigeantes de Syriza, parti composé d'une addition de plusieurs mouvements réunis en coalition de la "gauche radicale" depuis le début des années 2000.

Les "frondeurs" du parti prêts à tenter une sortie de la Grèce de l'euro sont restés plutôt discrets ces derniers jours.

L'un d'eux, le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis s'est signalé jeudi par un avertissement lancé contre un "troisième" plan d'austérité (après ceux de 2010 et 2012) "qui ne donnerait aucune perspective au pays".

Mais les termes choisis étaient plutôt moins belliqueux qu'à l'habitude, le ministre plaidant pour "un accord", alors qu'il a plusieurs fois poussé à l'affrontement avec les créanciers.

Le référendum a renforcé Alexis Tsipras vis-à-vis des "pro-drachmes" du parti, estime, sous couvert d'anonymat, un député Syriza du courant europhile.

Le plébiscite du non soutenu par le camp gouvernemental "lui a donné un mandat fort et si certains dans le partie n'acceptent pas l'accord espéré, ils partiront sans faire chuter le gouvernement", veut croire cet élu.

Ce dernier pense même que cela "peut aider Alexis Tsipras à recomposer une majorité gouvernementale et parlementaire plus cohérente, dont il aura besoin pour mettre en oeuvre l'accord".

D'autant, souligne le député Syriza, que le référendum a infligé un deuxième désaveu aux partis traditionnels qui ont soutenu le oui, socialistes et conservateurs, cinq mois après les législatives de janvier. Le dirigeant du parti de droite Nouvelle Démocratie et ex Premier ministre Antonis Samaras a démissionné dimanche.

Une victoire à la Pyrrhus pour Tsipras? Victoria Kouzi, une infirmière athénienne de 41 ans, qui a pourtant voté non au référendum, n'est pas loin de le croire: "Je pense que les créanciers ne lui laisseront aucune marge, les mesures seront plus dures qu'avant. Et s'il refuse, il se retrouvera capitaine d'une barque à la dérive loin de l'euro".

Source : AFP

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