Violences à Air France: le signe d'un "durcissement" et d'une "radicalisation des conflits"

  • Xavier Broseta, le directeur-général adjoint des Ressources humaines d'Air France, en conférence de presse à Paris le 5 octobre 2015
    Xavier Broseta, le directeur-général adjoint des Ressources humaines d'Air France, en conférence de presse à Paris le 5 octobre 2015 AFP - ERIC PIERMONT
  • Le directeur des ressources humaines d'Air France, Xavier Broseta, est évacué par la sécurité, le 5 octobre 2015 après avoir été pris à partie lors du comité d'entreprise d'Air France
    Le directeur des ressources humaines d'Air France, Xavier Broseta, est évacué par la sécurité, le 5 octobre 2015 après avoir été pris à partie lors du comité d'entreprise d'Air France AFP - KENZO TRIBOUILLARD
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Centre Presse Aveyron

L'agression du DRH d'Air France Xavier Broseta traduit le "durcissement" et la "radicalisation des conflits" au cours de ces 20 dernières années, selon Jean-François Amadieu, professeur à l'université Paris 1 et spécialiste des relations sociales.

QUESTION: De tels faits se sont-ils déjà produits à votre connaissance dans des grandes entreprises ?

REPONSE: "Je n'ai jamais vu ça. C'est un durcissement. Il y a déjà eu des séquestrations de cadres, parfois très longues, en général sur des conflits de défense de l'emploi. Là, c'est plus que ça. Ce qui est différent, c'est qu'on n'est pas dans de la séquestration.

Il faudrait se poser la question de savoir comment on peut laisser 500 personnes venir envahir un CCE (comité central d'entreprise). C'est un peu bizarre qu'on n'ait pas sécurisé, parce que les relations étaient devenues très tendues. D'habitude, on empêche les gens d'accéder, c'est le B.A. ba de n'importe quelle négociation dans un siège. Là, c'est invraisemblable."

Q: Comment expliquez-vous qu'on en soit arrivé là?

R: "Depuis 1995, il y a une montée de radicalisation des conflits et depuis ça ne s'est jamais démenti. Après, on sait qu'on en vient à s'attaquer aux personnes, là ce sont des chemises déchirées. Les images sont effectivement assez impressionnantes. Comme illustration de la radicalisation des conflits depuis quelques années, c'est caractéristique. Cela symbolise ce qu'on traîne depuis 10 ans, 20 ans. A chaque conflit, on est toujours à la limite de quelque chose d'encore plus grave.

Dans les années 1980, on assassinait physiquement les patrons que ce soit en France, en Italie, en Allemagne. C'est une façon de revisiter cette période assez noire, qui était une forme de lutte politique de militants engagés dans des organisations d'extrême gauche."

Q: Le climat social à Air France laissait-il présager ces violences?

R: "Dans le cas d'Air France, c'est assez désolant qu'en quelques années on en soit arrivé là, parce que c'était un cas d'école dans les relations sociales françaises depuis 1998, c'était presque une success-story. C'est un paradoxe.

On est dans une compagnie qui, depuis l'accord avec les pilotes en 1998, suivi d'autres accords, avait réussi à trouver un deal qui avait fait d'Air France un fleuron mondial pendant quelques années. Il n'y avait plus de conflit du travail, les relations étaient très bonnes dans un deal à l'américaine où il y avait des concessions et un actionnariat salarié très important, jusqu'à 20%.

Cela avait été un cas unique en France de relations sociales apaisées et économiquement très efficaces. Pour des facteurs exogènes (concurrence...), la situation s'est détériorée. Après, c'est un autre débat, est-ce que le changement de présidence à Air France y est pour quelque chose? Il faudra regarder."

Source : AFP

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