Fuites au Vatican: ouverture du procès de trois corbeaux présumés et de deux journalistes
Le procès de cinq personnes accusées d'avoir divulgué des documents confidentiels sur les malversations et dysfonctionnements financiers du Saint-Siège, dont pour la première fois deux journalistes, s'est ouvert mardi au Vatican.
L'audience, qui devrait être consacrée à des questions de procédure, s'est ouverte peu après 10H30 (9H30 GMT), a confirmé le Vatican.
Les deux journalistes italiens, Gianluigi Nuzzi, 46 ans, et Emiliano Fittipaldi, 41 ans, sont poursuivis pour avoir utilisé ces documents confidentiels dans deux livres publiés en même temps le 5 novembre et contenant des révélations sur ces dysfonctionnements.
"Il y a un intérêt à détourner l'attention du contenu embarrassant -- embarrassant pour quelques-uns, pas pour l'Eglise -- dans le livre de mon collègue Fittipaldi comme dans le mien, sur une caste de privilégiés qui veulent maintenir des intérêts opaques", a dénoncé M. Nuzzi à son arrivée au Vatican.
Un prélat espagnol de 54 ans, Lucio Angel Vallejo Balda, et une consultante italienne de 34 ans, Francesca Immacolata Chaouqui, sont accusés de leur avoir transmis ces documents.
Poursuivis pour "association criminelle organisée", ils ont été arrêtés en même temps quelques jours avant la publication des livres, mais Mme Chaouqui a été libérée après avoir accepté de collaborer à l'enquête, tandis que M. Vallejo Balda est toujours en détention au Vatican.
Un collaborateur de Mgr Vallejo Balda, Nicola Maio, 37 ans, est également poursuivi sous le même chef d'accusation, et tous risquent jusqu'à huit ans de prison, en vertu d'une loi vaticane introduite en 2013.
En 2012, la toute petite enceinte du tribunal du Vatican avait en effet déjà vu le procès de l'ancien majordome du pape Benoît XVI, Paolo Gabriele, condamné pour avoir transmis des lettres confidentielles à des journalistes.
Seul poursuivi, M. Gabriele avait été condamné à 18 mois de prison avant d'être gracié par Benoît XVI. M. Nuzzi avait alors déjà été l'un des principaux acteurs de ce scandale, en publiant un livre, "Sa Sainteté", à partir de ces lettres de prélats réglant leurs comptes entre eux.
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le Saint-Siège est membre, a appelé lundi la justice vaticane à abandonner les poursuites contre les journalistes, estimant qu'ils devaient "être libres de couvrir les questions d'intérêt public et de protéger leurs sources". L'Association de la presse étrangère à Rome a publié mardi un communiqué allant dans le même sens.
- Pas de loi protégeant la presse -
Dans un communiqué lundi, M. Nuzzi avait déjà dénoncé le fait "que le Vatican n'ait pas de loi" protégeant la presse et ses sources. "Les fuites de documents sont une constante dans toutes les démocraties", avait-il insisté.
Les deux livres, "Chemin de croix" de M. Nuzzi et "Avarice" de M. Fittipaldi, offrent une plongée dans les arcanes financières du Vatican, répertoriant détournements de fonds et gabegies.
Ainsi, selon M. Fittipaldi, 200.000 euros ont été détournés d'une fondation pour financer la rénovation de l'immense appartement du cardinal Tarcisio Bertone, ex-numéro deux du Vatican. Et M. Nuzzi détaille comment seuls 20% des fonds envoyés par les diocèses reviennent effectivement au pape et à ses oeuvres de bienfaisance.
A leur sortie, le Vatican s'était empressé de souligner que les révélations étaient le produit de l'important travail de transparence lancé par le pape François, et qu'une partie des dysfonctionnements signalés appartenaient au passé.
Mais le Saint-Siège est aussi parti en croisade contre les responsables présumés des fuites: Mgr Vallejo Balda, Mme Chaouqui et M. Maio, qui ont tous trois eu accès à une foule de documents, en qualité de membres d'une commission d'experts chargée de proposer des réformes pour les finances du Vatican.
Mme Chaouqui s'est vivement défendue depuis son arrestation. Sur sa page Facebook, elle a expliqué qu'elle viendrait à l'audience, "pour démontrer que jamais une seule feuille n'est passée de mes mains à celles d'un journaliste (...). Peut-être que cela ne servira à rien, mais je me battrai comme une lionne pour que la vérité émerge".
Source : AFP
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