"Jungle" de Calais: la justice ordonne l'évacuation partielle

  • Un migrants au milieu des abris de fortune le 19 février 2016 dans la "Jungle" à Calais
    Un migrants au milieu des abris de fortune le 19 février 2016 dans la "Jungle" à Calais AFP/Archives - PHILIPPE HUGUEN
  • Le ministre de l'Intérieur, ici au Mans le 22 février 2016, a salué la décision du tribunal administratif de Lille
    Le ministre de l'Intérieur, ici au Mans le 22 février 2016, a salué la décision du tribunal administratif de Lille AFP/Archives - JEAN-FRANCOIS MONIER
  • Les "lieux de vie" de la "jungle" de Calais, comme cette église photographiée le 23 février 2016, devraient être préservés, au-delà de l'évacuation de la zone Les "lieux de vie" de la "jungle" de Calais, comme cette église photographiée le 23 février 2016, devraient être préservés, au-delà de l'évacuation de la zone
    Les "lieux de vie" de la "jungle" de Calais, comme cette église photographiée le 23 février 2016, devraient être préservés, au-delà de l'évacuation de la zone AFP/Archives - DENIS CHARLET
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Centre Presse Aveyron

Le gouvernement, qui veut démanteler la "jungle" de Calais, a obtenu jeudi gain de cause auprès de la justice pour une évacuation partielle du camp, contestée par migrants et associations, mais les autorités ont immédiatement assuré qu'elles n'entendaient pas recourir à la force.

Le tribunal administratif de Lille a donné raison à la préfecture sur son arrêté d'expulsion de la partie sud de la "jungle", pris le 19 février et fixant un ultimatum au 23 février, que contestaient en référé 10 associations et quelque 250 migrants. L'audience s'était tenue mardi, mais la juridiction s'était donné un délai pour statuer.

La zone Nord, qui abrite dans des tentes et cabanes 1.000 à 1.200 réfugiés selon les autorités, n'était pas concernée par le contentieux.

Dans son ordonnance, dont l'AFP a obtenu copie, la juge Valérie Quemener estime que l'insécurité, l'insalubrité, les violences, notamment entre migrants et forces de l'ordre et vis-à-vis de riverains, justifient la mesure d'expulsion sur ce secteur où vivent "de 800 à 1.000 migrants" selon la préfecture (3.450 selon les associations). Les "lieux de vie" situés sur cette zone, comme les écoles ou les lieux de culte, seront en revanche préservés. La préfecture s'y était engagée.

Selon la juge, "la circonstance invoquée" par les migrants selon laquelle "ils sont présents depuis des mois ou des années ne leur confère aucun droit acquis au maintien de cette situation irrégulière" consistant à occuper un espace public "sans droit ni titre".

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a rapidement salué cette décision qui, a-t-il déclaré à l'AFP, "en tout point conforte la démarche de mise à l'abri des migrants de Calais et de résorption du campement de la lande engagé par l'Etat".

Pour M. Cazeneuve, il n'a jamais été question de procéder à l'évacuation brutale par la mobilisation de bulldozers en disséminant les migrants partout sur le territoire du nord de notre pays".

"Dans un but humanitaire, l'action de mise en protection des réfugiés se poursuivra par la mobilisation de toutes les solutions d'hébergement existantes", a ajouté le ministre.

L'Etat privilégie en effet une double solution, dont les "maraudes sociales" tentent de persuader la population du bidonville.

D'une part l'hébergement d'une partie de ces migrants dans le Centre d'accueil provisoire (CAP), des conteneurs chauffés jouxtant la "jungle" elle-même où 1.200 personnes se sont installées depuis son ouverture en janvier.

Mais aussi et surtout les départs dans l'un des 102 CAO (Centres d'accueil et d'orientation) répartis loin de Calais, où les migrants sont censés réfléchir à leur projet pour déposer des demandes d'asile, plutôt que de tenter la traversée clandestine vers l'Angleterre, parfois au péril de leur vie. Les associations actives à Calais se montrent cependant régulièrement sceptiques à l'égard de ces transferts vers les CAO, dont elles dénoncent "l'opacité".

- La préfète: au moins 'un mois' pour évacuer -

Alors que l'arrêté d'expulsion du 19 février mentionnait explicitement le "concours de la force publique" si nécessaire, la préfecture a tenu d'emblée jeudi à apaiser les craintes sur le sujet.

"Nous avons à traiter d'un sujet humain délicat et nous devons privilégier le dialogue (...) Il faut arrêter de parler de victoire et d'ultimatum, on pourra parler de victoire quand tous les migrants seront mis à l'abri", a ainsi déclaré à Calais Mme Buccio devant la presse, depuis le CAP. Et d'insister: "Il faudra un mois, peut-être plus, pour appliquer notre arrêté".

Les associations, sur lesquelles compte pourtant s'appuyer la préfecture, ont accueilli cette décision entre fatalisme, anxiété et déception.

"On est déçu puisque cette décision précipite les choses et on va devoir en plein hiver déménager beaucoup de monde. Mais, si j'ai bien compris, l'arrêté d'expulsion va se faire sur plusieurs semaines, c'est mieux qu'une expulsion immédiate, un moindre mal, disons", a réagi Michel Jansens, chef de mission MSF.

Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique, parle pour sa part d'une "rupture de confiance entre migrants et gouvernement". Evoquant un recours devant le Conseil d'Etat, il met en garde contre tout usage de la force publique contre "des personnes qui ont subi des violences tout au long de leur parcours".

Pour Isabelle Bruand, de Médecins du Monde, l'évacuation "risque de générer une dispersion de migrants, qui vont être de plus en plus invisibles et vulnérables".

Comme en écho à ces propos, la maire de Calais Natacha Bouchart, tout en saluant "une décision responsable", s'est dite disposée à prendre toutes les précautions nécessaires "empêchant l'installation de squats à l'issue de ce démantèlement".

Source : AFP

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