Assurance-chômage: échec de la négociation, l'État reprend la main

  • Le ministère du Travail à Paris
    Le ministère du Travail à Paris AFP/Archives - MIGUEL MEDINA
  • La ministre du Travail, Myriam El Khomri, à l'Elysée, à Paris, le 15 juin 2016
    La ministre du Travail, Myriam El Khomri, à l'Elysée, à Paris, le 15 juin 2016 AFP - ALAIN JOCARD
  • Le patron du Medef Pierre Gattaz lors de sa conférence de presse mensuelle, le 19 avril 2016 à Paris
    Le patron du Medef Pierre Gattaz lors de sa conférence de presse mensuelle, le 19 avril 2016 à Paris AFP/Archives - ERIC PIERMONT
  • Dans un contexte de chômage de masse, le régime d'assurance chômage devrait afficher fin 2016 une dette record de 30 milliards d'euros
    Dans un contexte de chômage de masse, le régime d'assurance chômage devrait afficher fin 2016 une dette record de 30 milliards d'euros AFP/Archives - PHILIPPE HUGUEN
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Centre Presse Aveyron

L'issue était inévitable: les négociateurs de l'assurance chômage se sont quittés jeudi sur un "constat de désaccord", renvoyant le dossier entre les mains du gouvernement, qui a imputé la responsabilité de l'échec au patronat et décidé de proroger l'actuelle convention.

La huitième et dernière séance aura duré moins d'un heure, le temps d'acter le désaccord et de renvoyer la balle dans le camp du gouvernement.

L'exécutif "prorogera dès demain la convention d'assurance chômage actuellement en vigueur au-delà du 30 juin", sa date de péremption, et appliquera "sans attendre" l'accord sur le régime des intermittents conclu fin avril par la profession, a annoncé la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Les demandeurs d'emploi "continueront de percevoir leurs allocations sans subir le moindre désagrément", a-t-elle assuré.

Si la ministre n'a pas précisé la durée de la prolongation, elle a souhaité que la négociation reprenne "à la rentrée".

Mais beaucoup parmi les partenaires sociaux doutent de la possibilité de renouer le dialogue aussi rapidement. "Il faudra du temps. Donner une échéance aujourd'hui, je crois que c'est impossible", a estimé Jean Cerutti, le négociateur du Medef.

"Je ne pense pas qu'on retourne autour de la table avant 2017, après l'élection présidentielle", a prédit Eric Courpotin (CFTC).

Les syndicats et la ministre ont, de concert, rendu le patronat responsable de l'échec. "Le Medef, en particulier, et les organisations patronales n'ont même pas voulu discuter" et "des problèmes internes au sein du Medef" ont conduit au "blocage", a regretté Mme El Khomri.

Pour la CFTC comme pour la CFDT, le patronat a fait "le choix de l'échec".

De son côté, le Medef a rejeté la faute sur le "dogmatisme" des syndicats "visant à +punir+ les entreprises". "La réciproque est vraie", a rétorqué Michel Beaugas (FO).

Le conseil exécutif du Medef avait maintenu lundi sa position, constante depuis le début de la négociation, consistant à refuser toute modulation des cotisations qui renchérirait les contrats courts, comme le réclamaient unanimement les syndicats.

- "Divisions internes au Medef" -

Son président, Pierre Gattaz, s'était déjà dit auparavant "prêt à assumer un échec" de la négociation, qui n'a jamais vraiment démarré au cours de huit séances parasitées par les débats autour du projet de loi réformant le dropit du travail.

"Ils n'ont jamais ouvert la négociation, ils ont fait traîner les choses, ils ont lancé un ultimatum, ils ont fait du chantage auprès du gouvernement, c'est le dialogue social à la sauce Medef", a dénoncé Eric Aubin (CGT).

Mais pour Michel Beaugas, "la loi travail est un prétexte. Ce sont les divisions internes au Medef qui ont fait qu'aujourd'hui, il n'y a pas d'accord. Ce frein-là, il ne sera pas levé à l'automne", a-t-il estimé, alors que la succession de Pierre Gattaz est ouverte et ne se dénouera qu'en 2018.

Tous les syndicats voulaient moduler les cotisations, que ce soit par une surcotisation générale (CGT), un système de bonus-malus pénalisant les entreprises qui abusent des contrats courts (FO, CFE-CGC) ou une dégressivité des cotisations selon la durée dans l'emploi (CFDT, CFTC).

Désormais, la CGT, FO et la CFE-CGC comptent s'adresser au gouvernement pour obtenir satisfaction.

La CFTC, quant à elle, préfère laisser cette question en suspens jusqu'à une réouverture des négociations. "Je me méfie. Si l'Etat décide de modifier les règles, je ne pense pas que ça aille dans le bon sens pour les demandeurs d'emploi", a déclaré M. Courpotin.

Pour le patronat, "que ce soit pour l'UPA, la CGPME ou le Medef, accepter la moindre charge supplémentaire sur les contrats courts, c'était juste une position impossible à prendre", a souligné M. Cerutti. Mais l'absence d'accord "nous met en position de risque" que l'Etat aille dans ce sens, a-t-il admis.

En prorogeant les règles actuelles, le gouvernement tire un trait, au moins temporairement, sur sa promesse faite à Bruxelles de réaliser 1,6 milliard d'euros d'économies sur l'assurance-chômage d'ici à fin 2017. Elle devrait afficher fin 2016 une dette record de 30 milliards d'euros.

La dernière fois qu'une négociation sur l'assurance chômage a échoué, c'était en 1982. Le CNPF, ancêtre du Medef, était alors présidé par Yvon Gattaz, le père de Pierre Gattaz.

Source : AFP

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