«Qui a tué Fualdès ?» (3/40)

  • «Qui a tué Fualdès ?» (3/40)
    «Qui a tué Fualdès ?» (3/40) Lola Cros
Publié le
Centre Presse Aveyron

3/40

À 67 ans Estienne Després n’avait plus la force de travailler. Il devenait une bouche inutile et une charge pour ses enfants. Son Maître, Bastide de Grammont ne se préoccupait pas de ce genre de détails. Bastide le « gigantesque » comme certains l’appelaient. C’était un homme droit gérant son domaine avec rigueur et traitant ses employés avec respect. Mais c’était surtout un sanguin, un caractériel, il valait mieux ne pas être sur son chemin quand il était énervé. Toute la famille Després logeait dans une chambre commune. Les lits étaient formés de simples lais sur lesquels on jetait quelques poignées de paille recouverte d’une paire de draps grossiers et d’une mauvaise couverture. Un grand coffre de bois permettait de ranger leurs effets personnels.

Un jour Bastide arriva dans leur chambre. De sale humeur, il poussa violemment la porte, suivi de près par Louis Marcillac, un journalier arrivé depuis quelques jours au « domaine de Gros » pour les moissons. C’était un petit homme d’une trentaine d’années à l’air espiègle. Bastide se dirigea droit vers le coffre et commença à le vider. Personne n’osait parler. Bastide sortait un à un les effets qui s’y trouvaient, jusqu’à ce que tout à coup, Louis Marcillac s’exclame : « La voilà, c’est bien elle, je la reconnais… C’est ma redingote ! » Bastide lui demanda de l’enfiler. Elle semblait effectivement taillée pour lui. Interdit, Estienne se retourna en direction de son fils et l’interrogea du regard. Celui-ci ne semblait pas comprendre : « Je vous jure, ce n’est pas moi, je n’ai jamais vu cette redingote ! »

Les injures commencèrent à pleuvoir et on n’en serait presque venu aux mains sans l’intervention musclée de Bastide. Estienne argumenta : « On aura glissé cette redingote à quelque moment où la famille était absente. Peut-être pour me faire renvoyer et prendre ma place ! Les journaliers logent dans des communs qui n’offrent pas le confort de notre chambre ! » Bastide, en tant que régisseur et propriétaire du domaine décida de porter l’affaire au tribunal. Ce fut à Rodez, devant le juge Teulat, le 5 mars 1817 que nos compères se retrouvèrent.

Après l’exposition des faits par les protagonistes, le juge émit un jugement immédiat. Estienne Després, jamais poursuivi par le passé, fut déclaré innocent. Son fils, au passé militaire exemplaire, reçut un avertissement sans frais. Quant à Louis Marcillac, il le condamna à 3 mois de cachot et à 10 livres de dommages, pour simulation de vol, avec exécution immédiate. Bastide, encore une fois, ressortit grandi aux yeux de ses employés. Quant aux 10 livres, la famille Després n’en vit jamais le moindre sou. Allez savoir pourquoi !

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?