Rémy Teulier, statut tailleur de talent

Une fois n’est pas coutume, la galerie d’art contemporain ouvre ses portes -jusqu’au 5 septembre - à un Aveyronnais, Rémy Teulier, jeune artiste sculpteur de 34 ans, aux œuvres aussi puissantes que son histoire est surprenante. Originaire de Montbazens, le jeune a grandi à Toulouse. Dès l’âge de 14 ans, il se découvre une vraie passion pour la pierre. Mais à cet âge-là, il lui était difficile de trouver une école pour le prendre en apprentissage. C’est finalement, Roger Fabry, compagnon du tour de France et chevalier des arts et des lettres qui va le prendre sous sa protection et en formation.

Ce «pierreux», comme il se qualifie lui-même, va apprendre à faire «d’une patate carrée, une sculpture, l’art absolu, pour moi», confie-t-il. En attendant de toucher du doigt ce rêve, Rémy Teulier devra travailler dans la maçonnerie traditionnelle, gagner sa vie pour faire vivre ses enfants. «Ma boîte marchait bien, mais je voulais faire de la sculpture», dit-il avec un sourire, presque désolé. L’appel du marbre, sa rudesse quand il est brut, sa finesse quand il est poncé est plus fort que tout. Rémy Teulier se lance, sans filet, avec pour seule arme sa conviction: sa place, est auprès de ses femmes qu’il fait naître de la pierre.

Faire le vide dans un bloc de cinq tonnes

L’autodidacte, qui n’a jamais poussé la porte d’une école des beaux-arts, se met à prendre des cours particuliers. Six mois ont suffi, car le talent était là, prêt à s’épanouir. C’était, il y a 15 ans, déjà. Aujourd’hui, Rémy Teulier se consacre uniquement à la sculpture d’art. Exposer à la galerie Annotiau est, pour lui, un début de consécration. Pour faire honneur à cet endroit il a fait une œuvre majeure, «L’ange de la liberté», déjà vendue. Dans un bloc de cinq tonnes de marbre noir, Rémy Teulier «fait le vide», pour le réduire à une réalisation très fragile... de 650 kg, tout de même. «Dans l’histoire, les anges sont androgynes ou asexués. Mais je suis sûr que derrière les anges de la mort, derrière le masque, se cache une figure, qui est pour moi celle de la femme. Je lui ai fait un beau visage, celui de l’insouciance de la mort», détaille l’artiste qui a aussi représenté un sablier cassé, narguant l’égrènement des heures.

1200 heures de travail

La sculpture est aussi remarquable par ses contrastes et les tons de gris, de noir que Rémy Teulier a su extirper de la pierre. Sur la partie du vêtement et des drapés complexes, il lui a fallu trois semaines de ponçage pour arriver à lustrer les surfaces. Le meilleur moyen de découvrir cette œuvre, qui a nécessité 1200 heures de travail (presque une année) est d’aller l’admirer à la galerie Annotiau.

D’autres œuvres, comme une marbrière, représentant la femme dans tout ce qu’elle a de plus sensuelle, attend les visiteurs. Les femmes de Rémy Teulier sont charnelles et défient les canons de la beauté contemporaine.«J’ai toujours été contre les normes. Je crée d’abord ce qui me fait plaisir. Je me dis que, quelque part, il doit y avoir un fou comme moi, qui aime ce que je fais», se persuade l’artiste, à l’allure de Gavroche. Hier, soir au vernissage, ils étaient nombreux à apprécier le travail et la personnalité, à la fois spontanée et généreuse, de Rémy Teulier.