La Chine interdit l’importation du roquefort... mais ne le fait pas trembler

  • Le roquefort n’est plus le bienvenu en Chine.
    Le roquefort n’est plus le bienvenu en Chine.
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Midi Libre / RICHAUD Guilhem

La nouvelle est tombée vendredi. Le roquefort, comme d’autres fromages à pâte môle ou persillée, est désormais interdit à l’importation en Chine. Une nouvelle surprenante pour le député européen aveyronnais, José Bové. « L’argument des raisons sanitaires ne tient pas puisque même les pays les plus restrictifs à ce niveau-là, comme les États-Unis, autorisent l’importation de roquefort, analyse-t-il. Pour moi, c’est un prétexte. Une mesure de rétorsion économique. Point barre. »

Et dans le monde très opaque des discussions commerciales, où les lobbys sont nombreux, il est difficile d’y voir clair sur les raisons de cette attaque frontale contre les AOP françaises. « Ça arrive à un moment curieux, reprend Bové. Il n’y a pas de conflits entre la Chine et l’Europe sur les produits agroalimentaires. Mais il y en a dans d’autres secteurs. »

Et d’avancer l’hypothèse du chantier actuel de la réglementation des panneaux solaires. En effet, depuis quelques années, l’Europe reproche à la Chine de casser les prix dans ce domaine. Et donc de faire en quelque sorte une concurrence déloyale. « Il y a eu cette semaine une décision de la Commission européenne, qui a été loin de faire l’unanimité, reprend le député européen. Elle a décidé d’imposer aux Chinois de monter leurs prix. Une décision qui ne plaît visiblement pas là-bas. » Et qui aurait donc eu pour conséquences l’interdiction annoncée vendredi.

Tant que les autorités chinoises n’ont pas communiqué sur la question, cette explication reste une hypothèse, mais elle semble, selon plusieurs sources proches du dossier, être plus que probable.

Interdire l’importation a une forte valeur symbolique, mais de faibles répercussions économiques. La Chine ne représente qu’un tout petit pourcentage de consommateurs. « Au-delà de l’impact économique, c’est très pénible, soupire Jérôme Faramond, président de l’interprofession. On a déjà connu ça avec les États-Unis. À chaque fois qu’il y a des mesures de rétorsion, le roquefort est pris en otage. C’est déplorable et démobilisant. » Un avis partagé par Thierry Agrinier, président de la section ovin à la FDSEA de l’Aveyron. « C’est regrettable puisque la Chine est un pays en pleine évolution sur le plan culinaire, enchaîne-t-il. La restauration est le premier moyen pour faire connaître les produits. Les efforts vont s’arrêter là. » À la Confédération paysanne, on n’est pas plus inquiet. « La terre ne s’est pas arrêtée de tourner, on s’en serait aperçu », sourit Laurent Reversat, le porte-parole aveyronnais. La situation étant parfois plus délicate pour d’autres fromages, le dossier est dans les mains du ministre de l’Agriculture. Nul doute que celui-ci sera interrogé dessus vendredi prochain, lors de sa visite en Aveyron.

En chiffres

Selon les données de la confédération générale de roquefort, l’organisme qui regroupe les producteurs de lait de brebis et les industriels, le roquefort est exporté principalement en Europe.

Sans surprise, en 2016, c’est en Espagne que le fromage du Combalou a été le plus consommé. Sur 20 000 tonnes, environ produites chaque année, 1 025 ont été envoyées de l’autre côté des Pyrénées. Derrière suivaient l’Allemagne (815 t), la Belgique (449 t) et le Royaume-Uni (398 t).

La Chine consomme peu

Selon les données fournies par les industriels de roquefort à la confédération générale de roquefort, aucun n’exporte directement de fromage en Chine. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas de roquefort dans l’Empire du milieu. En effet, il est acheté par des intermédiaires, à Rungis, mais aussi dans d’autres pays, notamment la Belgique, qui fait figure de plaque tournante, puis exporté. Il est ainsi très difficile de connaître le volume exact qui passe la frontière chinoise.

Là-bas, le roquefort n’est pas vraiment très réputé. Il est consommé principalement par les étrangers installés sur place, souvent les Européens, et par les personnes très riches, qui ont l’occasion de manger dans les restaurants gastronomiques. Il est principalement consommé en produits transformés. La gastronomie est une des pistes de développement pour la filière.

Pour, la très grande majorité de la population chinoise, le «roi des fromages» est soit méconnu, soit considéré comme de la pourriture.

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